(2ème Chambre)
VU, enregistrée le 24 juillet 1995, la décision du 21 juin 1995 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi de M. Y..., a cassé l'arrêt n° 89-1686 de la cour administrative d'appel de Paris en date du 27 décembre 1990 ;
VU, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 6 mars 1989, la requête présentée pour M. Claude Y..., demeurant ... par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 70077/1 du 22 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la convention franco-suisse du 9 septembre 1996 ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 1996 :
- le rapport de Mme TANDONNET-TUROT, conseiller,
- les observations de la SCP VIER et BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour M. Y...,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que lors de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. Y..., directeur commercial de la société Tour Développement dont le siège social est à Genève (Suisse), l'Administration, considérant ce dernier comme fiscalement domicilié en France et y exerçant son activité professionnelle, lui a adressé une mise en demeure d'établir une déclaration de ses revenus ; qu'en l'absence de réponse du contribuable, elle a taxé d'office ses revenus des années 1979, 1980, 1981 et 1982, en retenant dans les bases d'imposition les salaires perçus en 1981 et 1982 et déclarés en Suisse, des revenus d'origine indéterminée relevés sur ses comptes bancaires, ainsi que le solde des balances espèces établies par le vérificateur ; que le requérant conteste le principe et le montant des impositions mises à sa charge au titre des années 1979 à 1982 ainsi que les pénalités afférentes à l'année 1979 ;
Sur le principe de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'arti- cle 4 A du code général des impôts applicable aux années 1979, 1980, 1981 et 1982 : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus" ; et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : "1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... dispose en France d'un appartement situé à Paris, de deux résidences secondaires situées en province et de deux véhicules ; que son épouse et son fils résident en France ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant dans ce pays son foyer et le lieu de son séjour principal ; qu'il ne démontre pas disposer en Suisse, où est installée la société Tour Développement qui l'emploie, d'un foyer d'habitation permanent ; qu'en vertu des dispositions précitées, il était, de ce fait, au titre desdites années, passible de l'impôt sur le revenu en France en raison de l'ensemble de ses revenus ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 : "1) Au sens de la présente convention, l'expression "résident d'un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ; 2) Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1), une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites" ;
Considérant que M. Y... étant, comme il vient d'être dit, passible de l'impôt sur le revenu en France en vertu de l'article 4 A du code général des impôts, il avait la qualité de résident de France au sens des stipulations précitées du 1 de l'article 4 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ; qu'à supposer même qu'il ait été également assujetti à l'impôt sur le revenu en Suisse, en vertu de la législation de ce pays, et qu'il ait donc eu la qualité de résident de Suisse au sens du 1 de l'article 4 de la convention, M. Y... ne peut être regardé comme ayant disposé d'un "foyer d'habitation permanent" en Suisse au sens du 2 de l'article 3 de la convention ; qu'il disposait en revanche d'un foyer permanent d'habitation en France dès lors qu'il est constant qu'il résidait, ainsi que son épouse et son fils, dans ce pays et qu'il y déployait la presque totalité de son activité professionnelle ; qu'il suit de là que, ses liens avec la France étant plus étroits que ceux qu'il avait avec la Suisse, M. Y... ne peut qu'être regardé comme résident de France ; que c'est donc à bon droit qu'il a été assujetti à l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de ses revenus ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les salaires des années 1981 et 1982 :
Considérant que M. Y... étant regardé comme résident de France, les salaires qu'il a perçus de la société Tour Développement et dont l'Administration établit qu'ils correspondent à une activité exercée en France ont été à bon droit imposés à l'impôt sur le revenu en France, nonobstant la circonstance qu'il les ait déclarés en Suisse ;
Considérant que M. Y... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 25 de la convention franco-suisse dans les prévisions duquel il n'entre pas ; que l'article 27 de cette convention n'a trait qu'aux procédures amiables et ne peut être invoqué dans le cadre d'un litige tendant à la décharge d'impositions ;
En ce qui concerne le prêt de 400.000 F :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués : ... 2°) Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés ... et non prélevées sur les bénéfices" ; et qu'aux termes de l'article 111 du même code : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés ... à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes" ; qu'aux termes de l'article 23 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 "Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat contractant, qui ne sont pas expressément mentionnés dans les articles précédents de la présente convention ne sont imposables que dans cet Etat" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des constatations de fait opérées par le juge pénal et revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée, que M. Y..., qui détient 20 % du capital de la société Tour Développement, a obtenu de celle-ci en 1981 un prêt de 400.000 F ; que c'est dès lors à bon droit que cette somme a été taxée à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées des articles 109-1-2° et 111 a du code général des impôts ; que dès lors, le requérant, qui a son domicile fiscal en France, a été à bon droit imposé dans ce pays au titre des revenus de capitaux mobiliers conformément aux dispositions précitées du code général des impôts et de la convention franco-suisse ;
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les bases imposables ont été déterminées à partir des salaires déclarés en Suisse par M. Y... pour les années 1981 et 1982, des virements et des remises de chèques figurant sur les comptes bancaires du contribuable et dont l'intéressé n'avait pas établi l'origine et le caractère non imposable et enfin des discordances entre les espèces dégagées et celles employées par le contribuable ; que M. Y... se borne à contester cette méthode mais n'apporte aucun élément, ainsi qu'il lui incombe de le faire, de nature à établir l'exagération de ces redressements ;
Sur les pénalités de l'année 1979 :
Considérant que par un jugement définitif du 3 juillet 1990, postérieur à l'introduction de la requête, le tribunal administratif de Paris, statuant sur les conclusions d'une demande de M. Y... relative à la pénalité de 100 % appliquée au supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1979, a prononcé la décharge de cette pénalité et lui a substitué, dans la limite de son montant, les intérêts de retard ; que les conclusions de la requête relatives à ladite pénalité sont, par suite, devenues sans objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y... relatives aux pénalités applicables à l'année 1979.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.