(2ème Chambre)
VU, enregistré au greffe de la cour le 1er septembre 1995, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 87.1143 en date du 21 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a accueilli la demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre des années 1980 et 1981, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) d'ordonner que M. X... soit rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1980 et 1981 à raison des cotisations imparties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 1996 :
- le rapport de Mme MATILLA-MAILLO, conseiller,
- et les conclusions de M. MENDRAS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.71 dans sa rédaction alors en vigueur : "Tout contribuable dont les dépenses personnelles, ostensibles ou notoires, augmentées de ses revenus en nature, dépassent le total exonéré et qui n'a pas fait de déclaration ou dont le revenu déclaré, après déduction des charges énumérées à l'article 156 du code général des impôts, est inférieur au total des mêmes dépenses et revenus en nature, est taxé d'office à l'impôt sur le revenu" ;
Considérant que la notification des bases d'imposition à laquelle l'administration est tenue de procéder, lorsqu'elle fait application des dispositions précitées, doit faire apparaître, pour que le contribuable soit mis en mesure de présenter ses observations, la liste et le montant des dépenses, des revenus en nature et des revenus affranchis de l'impôt, qui ont servi d'éléments de calcul de la base d'imposition ; qu'il résulte de l'instruction en appel que les notifications des bases d'imposition des années 1980 et 1981 que l'administration a, en date du 20 décembre 1983, adressées à M. X..., lui exposaient le détail des dépenses personnelles et des revenus affranchis de l'impôt retenus, dans des conditions permettant un dialogue contradictoire entre l'intéressé et l'administration, lequel a d'ailleurs eu lieu, et satisfaisant par suite aux prescriptions ci-dessus rappelées ; qu'en particulier, le service a pu, sans méconnaître ces dernières, indiquer les montants arrêtés pour les "dépenses de train de vie courantes (habillement, nourriture, loisirs, santé, électricité, assurance-vie, etc ...)", en se bornant à distinguer entre la partie payée par chèques et celle réglée en numéraire sans fournir la liste de tous les paiements correspondants, dès lors qu'ainsi qu'il était mentionné sur le document -et qu'il n'est pas contesté par l'intéressé- ces sommes avaient été déterminées à la suite d'un examen des relevés de ses comptes bancaires effectué en sa présence ; qu'il suit de là que, comme le soutient le ministre appelant, le tribunal administratif de Versailles n'a pu, par le jugement attaqué, accorder à M. X... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 et 1981, au motif que, comme le soutenait le contribuable, l'administration ne lui aurait pas adressé de notification comportant un chiffrage précis des dépenses ; qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens articulés par M. X... ;
Considérant, en premier lieu, que le contribuable ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la doctrine administrative qui recommandait aux agents du service de ne faire usage de la procédure de taxation d'après les dépenses personnelles, ostensibles ou notoires, qu'avec prudence et discernement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait que la taxation prévue à l'article L.71 alors en vigueur du livre des procédures fiscales fût pratiquée après vérification, comme en l'espèce, tant de la comptabilité que de la situation fiscale d'ensemble du contribuable, et sans que l'administration ait eu préalablement recours à la procédure visée aux articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. X... a soutenu devant les premiers juges que des sommes correspondant à des retraits bancaires en espèces devraient être défalquées des bases d'imposition au motif qu'elles seraient sans affectation précise, il n'est pas contesté, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le contribuable a lui-même au cours du contrôle indiqué que les retraits effectués en espèces étaient destinés à couvrir les dépenses de train de vie courant ;
Considérant, en quatrième lieu, que le demandeur ne peut obtenir que soit exclue de la base d'imposition au titre de l'année 1980 une somme de 62.500 F, dont un acte notarié du 27 octobre de ladite année indique qu'elle correspond à un prix "qui a été payé ... dès avant ce jour", par M. X... à son père, pour l'acquisition de parts d'une société immobilière, en se bornant, comme il le faisait en première instance, à produire une attestation sans date certaine de son parent, selon laquelle le paiement n'aurait en réalité pas été effectué au cours de l'année de la cession ;
Considérant, en dernier lieu, que si M. X... soutient en cause d'appel qu'à concurrence d'une somme de 191.387 F, il aurait, au cours de la période correspondant aux deux années d'imposition litigieuses, procédé à des prélèvements nets sur son entreprise agricole individuelle, d'une part il ne justifie par la production d'aucune pièce de ce chiffrage, d'autre part il se borne à alléguer, sans s'efforcer de le démontrer, que ce désinvestissement aurait servi au financement des dépenses personnelles sur la base desquelles il a été taxé d'office ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles qu'il attaque et le rétablissement de M. X... aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1980 et 1981 ;
Article 1er : Le jugement n° 87.1143 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : M. X... est rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu au titre des années 1980 et 1981 à raison de l'intégralité des cotisations supplémentaires qui lui avaient été assignées et dont le jugement visé à l'article 1er l'avait déchargé.