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07/05/1996 | FRANCE | N°94PA00862;94PA01423

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 07 mai 1996, 94PA00862 et 94PA01423


(4ème Chambre)
VU I), enregistrés les 27 juin et 15 septembre 1994 sous le n° 94PA00862, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL JEAN A... par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le centre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1994 qui l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par Mme Alice B... en novembre 1988, et l'a condamné à verser une somme de 108.000 F ainsi qu'une rente

de 65.000 F à la victime ;
2°) de surseoir à statuer sur les demand...

(4ème Chambre)
VU I), enregistrés les 27 juin et 15 septembre 1994 sous le n° 94PA00862, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL JEAN A... par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le centre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1994 qui l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par Mme Alice B... en novembre 1988, et l'a condamné à verser une somme de 108.000 F ainsi qu'une rente de 65.000 F à la victime ;
2°) de surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de Mme B... ou de décider que l'indemnisation aura lieu sous forme de capital et non de rente ;
3°) de ramener à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées ;

VU II), enregistrés les 23 septembre et 15 décembre 1994 sous le n° 94PA01423, la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour Mme B... demeurant à Douala (Cameroun) par Me Z..., avocat ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1994 ;
2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Sèvres à l'indemnisation dans les meilleures proportions des préjudices subis, des frais de procédure et des frais d'expertise, l'ensemble avec intérêts et intérêts des intérêts à compter du 21 juin 1991 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 1996 :
- le rapport de M. BROTONS, conseiller,
- les observations de Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL JEAN A... et celles de Me Z..., avocat, pour Mme B...,
- et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 862 et 1423 présentées pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL JEAN A... et pour Mme B... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant en premier lieu que la circonstance que ni le demandeur ni le défendeur n'ait sollicité ou proposé une réparation du préjudice sous forme de rente ne faisait pas obstacle à ce que les premiers juges, tenus d'assurer une réparation intégrale de ce préjudice, décidassent d'accorder à la victime une rente annuelle ; que le centre hospitalier n'est donc pas fondé à soutenir qu'ainsi le tribunal aurait méconnu l'étendue des conclusions dont il était saisi ;
Considérant en second lieu qu'en décidant d'allouer ladite rente le tribunal a entendu réparer l'intégralité du chef de préjudice invoqué par Mme B... au titre de la perte de son emploi, incluant en cela la partie de la demande relative à la reconstitution des points de retraite et à la couverture sociale de la victime ;
Considérant en dernier lieu que le jugement entrepris a répondu aux moyens des parties en énonçant les considérations de fait et de droit qui fondaient sa décision ;
Considérant enfin que si les premiers juges ont estimé devoir subordonner le versement de la rente et la réparation des frais de soins permanents à la preuve que la victime ne bénéficiait pas déjà d'une indemnisation à ces titres du fait des stipulations d'un contrat d'assurance souscrit par elle au Cameroun, ils n'ont en tout état de cause pas entaché leur jugement d'irrégularité en n'opposant pas de façon similaire un sursis à statuer aux conclusions tendant à la réparation du préjudice professionnel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement contesté n'est affecté d'aucune irrégularité de nature à justifier son annulation ;
Sur le fond :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise déposés respectivement les 14 novembre 1989 et 24 octobre 1992 par le professeur X... et les docteurs Lapeyrère et Y..., que l'intervention chirurgicale subie par Mme B... le 9 novembre 1988 n'a pas été pratiquée dans des conditions d'anesthésie conformes aux règles de l'art ; que, de ce fait, Mme B... a été transférée au service de réanimation de l'hôpital de Garches où elle a séjourné du 10 novembre au 16 décembre 1988 et souffre de graves séquelles neurologiques qui ont justifié deux hospitalisations complémentaires en France et l'administration d'un traitement médical lourd ; qu'après consolidation de son état, fixée par le docteur Y... au 24 octobre 1992, Mme B... reste atteinte d'une incapacité temporaire partielle de 25 %, a subi un pretium doloris léger et un préjudice esthétique léger, mais a subi en revanche des troubles dans ses conditions d'existence importants ;
En ce qui concerne l'indemnisation des pertes de revenus alléguées :
Considérant en premier lieu que Mme B... n'établit pas davantage en cause d'appel avoir subi une perte de revenu durant la période d'hospitalisation au service de réanimation de l'hôpital de Garches et ne saurait donc réclamer utilement une indemnisation à ce titre ;
Considérant en second lieu que Mme B... ne peut utilement contester l'estimation de l'incapacité permanente partielle de 25 % proposée par l'expert en se bornant à soutenir que celui-ci n'était pas un spécialiste de neurologie ni de gynécologie ; qu'il résulte de l'instruction que l'incapacité permanente partielle dont Mme B... est restée atteinte l'a obligée à réduire son activité professionnelle puis à occuper un emploi moins qualifié que celui qui lui était dévolu avant l'intervention qu'elle a subie et enfin à perdre une future promotion sur un poste de chef de laboratoire ; qu'en outre, il peut être regardé comme établi que le licenciement de Mme B... intervenu le 15 février 1993 a été la conséquence directe des fautes médicales commises en 1988 ; que, dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de la réparation de ces chefs de préjudice en condamnant le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES à lui verser à ce titre une somme de 350.000 F, tous intérêts compris au jour du jugement attaqué ; que l'article 3 du jugement attaqué doit être annulé ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice invoqués :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice tenant aux souffrances physiques et du préjudice esthétique d'intensité moyenne ou légère subis par Mme B... et des troubles dans ses conditions d'existence en condamnant le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES à lui verser une somme de 150.000 F en réparation de l'ensemble de ces chefs de préjudice ;
Considérant que Mme B..., qui n'avait pas fourni les éléments permettant d'apprécier les frais de soins permanents nécessités par son état de santé, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a sursis à statuer sur ce chef de préjudice jusqu'à production du contrat d'assurance conclu en sa faveur au Cameroun ;

Considérant que si les frais de transport et de séjour en France nécessités par les soins qui ne peuvent être dispensés au Cameroun peuvent se rattacher au préjudice subi du fait de l'intervention pratiquée en 1988, Mme B... ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause leur évaluation au montant de 18.000 F faite par les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence, des souffrances physiques et du préjudice esthétique de la requérante de 90.000 F à 150.000 F et de réformer dans cette mesure l'article 2 du jugement entrepris ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que la demande de condamnation du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, présentée par Mme B..., qui doit être regardée comme la partie perdante dans les instances, ne peut être accueillie ;
Sur les conclusions à fin d'astreinte :
Considérant que les conclusions tendant au prononcé d'astreinte pour l'exécution de l'article 3 du jugement attaqué sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc plus lieu d'y statuer ;
Article 1er : Le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES versera à Mme B... une somme de 350.000 F tous intérêts compris à la date du jugement attaqué.
Article 2 : La somme de 108.000 F que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES a été condamné à payer à Mme B... par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1994 est portée à la somme de 168.000 F.
Article 3 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1994 est annulé.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au prononcé d'astreinte à l'encontre du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES.
Article 6 : Les surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE SEVRES et de Mme B... sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00862;94PA01423
Date de la décision : 07/05/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - PERTE DE REVENUS SUBIE PAR LA VICTIME D'UN ACCIDENT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - MODALITES DE FIXATION DES INDEMNITES.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BROTONS
Rapporteur public ?: M. PAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-05-07;94pa00862 ?
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