(3ème Chambre)
VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 14 avril et 21 juin 1995 au greffe de la cour, présenté pour la COMMUNE DU ROBERT (Martinique), par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la COMMUNE DU ROBERT demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 92101092 en date du 22 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé le permis de construire délivré le 28 août 1992 à la société Romak ;
2°) de rejeter la requête de l'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar) ;
3°) de condamner l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 1996 :
- le rapport de M. BARBILLON, conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Fort-de-France a omis de se prononcer sur les fins de non recevoir opposées par la COMMUNE DU ROBERT à la requête présentée par l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais devant ce tribunal ; que le jugement attaqué encourt dès lors l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur la recevabilité de la demande de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais :
Considérant, en premier lieu, que les statuts de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, dont l'activité s'exerce dans tout le département de la Martinique, lui donnent notamment pour but "de défendre et de protéger : ... les cinquante pas géométriques ..." ; que cet objet lui confère un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré le 28 août 1992 à la société Romak pour édifier une minoterie située dans la réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L.86 du code du domaine de l'Etat ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 11 des statuts de l'association : "Le président est autorisé à porter plainte et à agir en justice au nom de l'association" ; que, compte tenu de cette habilitation, M. X..., désigné le 4 mai 1992 comme président de l'association, avait qualité sans avoir à produire de pouvoir pour introduire au nom de cette association une requête devant le tribunal administratif de Fort-de-France tendant à l'annulation du permis de construire délivré à la société Romak ; que le moyen tiré de l'absence de déclaration des modifications dans la composition du bureau de l'association, intervenues à la suite de l'assemblée générale du 3 mai 1992, manque en fait ;
Sur la demande d'annulation du permis de construire :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L.156-2 du code de l'urbanisme : "Il est déterminé une bande littorale comprise entre le rivage de la mer et la limite supérieure de la réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L.86 du code du domaine de l'Etat ..." ; et qu'aux termes de l'alinéa 4 du même article : "En dehors des espaces urbanisés, les terrains situés dans la bande littorale définie à l'alinéa précédent sont réservés aux installations nécessaires à des services publics, à des activités économiques ou à des équipements collectifs, lorsqu'ils sont liés à l'usage de la mer ..." ;
Considérant qu'il est constant que la construction litigieuse doit être édifiée dans la zone définie au troisième alinéa de l'article L.156-2 précité ; que l'habitat diffus et précaire qui caractérise le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette de cette construction n'est pas de nature à donner à ce secteur le caractère d'un espace urbanisé ; que, dès lors, les dispositions de l'article L.156-2 alinéa 4 lui sont applicables ;
Considérant que le permis de construire attaqué autorise la construction d'une minoterie dont l'objet est de produire de la farine et des aliments pour le bétail ; que cette activité, qui n'a pour but ni d'exploiter les produits de la mer ni d'utiliser l'espace maritime, ne peut être regardée comme liée à l'usage de la mer ; que, dès lors, en vertu des dispositions de l'article L.156-2 du code de l'urbanisme, elle ne pouvait être légalement autorisée par le maire de la COMMUNE DU ROBERT ; qu'il en résulte que l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais est fondée à demander l'annulation du permis de construire attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la COMMUNE DU ROBERT succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DU ROBERT à payer à l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais la somme de 5.000 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 22 novembre 1994 est annulé.
Article 2 : Le permis de construire délivré le 28 août 1992 à la société Romak par le maire de la COMMUNE DU ROBERT est annulé.
Article 3 : La COMMUNE DU ROBERT versera à l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les conclusions de la COMMUNE DU ROBERT tendant au remboursement des frais de procédure sont rejetées.