VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 14 juin et 4 août 1993, présentés pour la COMMUNE DE CHELLES prise en la personne de son maire à ce dûment habilité, par la SCP DELAPORTE et BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la commune demande à la cour d'annuler le jugement en date du 30 mars 1993 n° 92607 et 92608 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté en date du 23 décembre 1991 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a déclaré cessible, au profit de la COMMUNE DE CHELLES, une parcelle cadastrée AR 616 sis à Chelles au lieu-dit derrière les jardins appartenant aux époux X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHELLES ;
VU le code de l'expropriation ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 1995 :
- le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- les observations de la SCP SIRAT-GILLI, avocat, pour M. et Mme Michel X... et M. Daniel X...,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en soulignant que les dispositions de l'article UE 3-2 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHELLES étaient méconnues par la décision contestée "d'une manière substantielle" ; le tribunal a nécessairement écarté le moyen tiré de ce que l'élargissement de la sente de "derrière les jardins" pouvait être regardé comme compatible avec les dispositions de l'article concerné dans le cadre d'une adaptation mineure ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "l'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I- lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages ; 1°) une notice explicative ; ... Dans les trois cas visés aux I, II, III ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE DE CHELLES a fait étudier par l'entreprise Lefebvre en 1985 un projet permettant de desservir les riverains de la sente de "derrière les jardins" en aménagement un accès par le nord-ouest ; que le projet a donné lieu à l'établissement d'un plan et à l'estimation des travaux ;
Considérant cependant que le maire adjoint de la commune, chargé de l'urbanisme, a fait savoir, dès janvier 1986 à M. et Mme X... que le projet ne pourrait être retenu et leur a indiqué qu'en l'absence d'accord amiable une procédure d'expropriation concernant une parcelle de leur propriété serait mise en route ; que compte tenu du délai écoulé entre l'abandon du projet et la déclaration d'utilité publique intervenue le 16 septembre 1991 ledit projet ne pouvait être regardé à la date de l'enquête comme un parti envisagé au sens des dispositions précitées de l'article R.11-3 qui devait être mentionné dans la notice ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.123-8 du code de l'urbanisme :
Considérant qu'aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan d'occupation des sols : "2° Voie(s) nouvelle(s). Il s'agit d'une voie publique ou privée, ouverte à la circulation automobile, revêtue et en état de viabilité, qui assure la desserte, à partir d'une voie existante, d'au moins 2 parcelles à bâtir (cf UE 5) dont les façades ne sont pas en contact avec une voie existante" ;
Considérant que la sente "derrière les jardins" dont l'élargissement de 1 mètre à 3,50 mètres est prévu par la déclaration d'utilité publique susévoquée dessert au nord et au sud des parcelles ; qu'il s'agit bien d'une voie ouverte à partir d'une voie existante mais qu'elle n'assure pas la desserte d'au moins 2 parcelles à bâtir dont les façades ne sont pas en contact avec une voie existante ; qu'ainsi les dispositions de l'article UE 3 du règlement du plan d'occupation des sols qui imposent pour les voies nouvelles une largeur d'emprise au moins égale à 8 mètres quand la longueur de la voie est, comme en l'espèce, supérieure à 50 mètres ne pouvaient trouver application ; que dès lors la procédure de mise en compatibilité des travaux prévus pour la déclaration d'utilité publique litigieuse avec les dispositions de l'article UE 3 du règlement du plan d'occupation des sols n'avait pas à être engagée sur le fondement des dispositions de l'article L.123-8 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions des articles R.11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L.123-8 du code de l'urbanisme pour retenir l'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 16 septembre 1991 et annuler de ce fait la déclaration de cessibilité du 23 décembre 1991 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel de Paris saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme Michel X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur la régularité du dossier d'enquête publique :
Considérant qu'aux termes de l'article R.11-3 du code de l'expropriation : "L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : ... 5° l'appréciation sommaire des dépenses" ; que l'appréciation figurant au dossier concernant le coût de l'acquisition du terrain et celui des travaux, qui tenait compte de la réalisation du mur de soutènement, n'était ni sous-évaluée ni insuffisamment détaillée ; que par ailleurs le plan des travaux et les indications sur les caractéristiques des ouvrages les plus importants figuraient avec une précision suffisante dans le dossier soumis à l'enquête qui n'était pas différent de celui qui avait fait l'objet de la délibération du conseil municipal du 27 janvier 1989 ;
Sur le moyen tiré de l'absence d'utilité publique de l'expropriation :
Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que l'opération qui consiste à assurer la desserte de propriétés construites et classées en zone urbaine auxquelles ne peuvent accéder les véhicules à moteur présente un intérêt public ; que l'atteinte portée à la propriété de M. et Mme X... n'apparaît pas excessive au regard de cet intérêt ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi alors même que l'opération présentait un intérêt pour les propriétaires desservis dès lors que l'aménagement de l'accès à des propriétés situées en secteur urbanisé présente un caractère d'intérêt général ; que la méconnaissance de l'article UE 6 ne peut être retenue dès lors qu'il concerne seulement l'implantation des constructions par rapport à la voie publique et non la modification de cette dernière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CHELLES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 23 décembre 1991 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a déclaré cessible pour partie la parcelle cadastrée R 616 appartenant à M. et Mme X... ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article susvisé font obstacle à ce que la COMMUNE DE CHELLES qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à M. et Mme X... la somme qu'ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 30 mars 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant la tribunal administratif de Versailles par M. et Mme X... est annulée.