VU le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ; il a été enregistré au greffe de la cour le 31 mars 1993 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 91000315/2 du 14 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé M. Robert Y... de l'obligation de payer la somme de 860.875,45 F résultant de la notification d'avis à tiers détenteurs émis le 5 juin 1989 par le trésorier principal de Paris (8ème arrondissement) pour le recouvrement de diverses impositions à hauteur d'une somme de 1.152.938,45 F ;
2°) de remettre à la charge de M. Y... l'obligation de payer la somme de 860.875,45 F dont le paiement était recherché par le trésorier principal du huitième arrondissement de Paris (2ème division) au moyen de l'envoi le 11 octobre 1990 de cinq avis à tiers détenteurs à divers débiteurs de ce dernier ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 14 avril 1994 :
- le rapport de M. LOTOUX, conseiller,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir invoquée par le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et tirée de l'irrecevabilité de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif :
Considérant qu'en vertu des article L.281, R.281-1 et R.281-2 du livre des procédures fiscales, les contributions relatives au recouvrement des impôts dont la perception incombe aux comptables du Trésor, font l'objet d'une demande qui doit être adressée, dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte de poursuites, au trésorier payeur général compétent ; qu'aux termes de l'article R.281-4 du même livre, ce "chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande dont il doit accuser réception. Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit à peine de forclusion, porter l'affaire devant le tribunal compétent ... Il dispose pour cela de deux mois à partir : ...b) ... de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que M. Y... a été informé le 19 octobre 1990 de la notification des avis à tiers détenteurs nos 427/90 et 428/90 à la société "Française de construction", no 429/90 à la société "Ile de France construction", no 430/90 à l'entreprise "Atelier international d'architecture" et no 431/90 à Me X..., notaire, pour avoir paiement d'une somme totale de 1.056.544,45 F correspondant aux cotisations d'impôts directs mises à sa charge au titre des années 1979 à 1984 ; que par réclamation du 29 octobre 1990 adressée au receveur général des finances de Paris - trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France, M. Y... a contesté ces avis à tiers détenteurs en invoquant, pour une partie de la somme réclamée, la prescription quadriennale ; que suite à la décision du trésorier-payeur général en date du 28 novembre 1990 rejetant sa réclamation, M. Y..., par requête enregistrée au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 1991, a demandé et obtenu par le jugement dont fait appel le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, la décharge de son obligation de payer à concurrence d'une somme de 860.875,45 F ; qu'il résulte des faits et dates susmentionnés que M. Y... a bien présenté, sa réclamation devant le trésorier payeur général ainsi que sa demande devant le tribunal administratif dans les délais prévus par les dispositions précitées ; que le ministre fait, néanmoins, valoir que l'intéressé avait déjà contesté par le même moyen tiré de la prescription quadriennale trois autres avis à tiers détenteurs émis le 5 juin 1989 aux fins de recouvrement des mêmes impositions et que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le comptable compétent sur cette réclamation, qu'il avait reçue le 4 août 1989, était devenue définitive à défaut d'avoir été déférée devant le tribunal administratif ; que, toutefois ces circonstances sont sans influence sur la recevabilité, dûment établie dans les conditions susindiquées, de la demande dont était saisi le tribunal administratif dès lors que le trésorier principal du 8ème arrondissement de Paris avait, en donnant mainlevée desdits avis à tiers détenteurs, retiré ces premiers actes de poursuites émis après l'intervention de la prescription de l'action en recouvrement ; qu'ainsi, les nouveaux avis à tiers détenteur émis le 19 octobre 1990 constituaient bien les premiers actes de poursuites dont la contestation permettait d'invoquer le motif tiré de la prescription de l'action en recouvrement ; qu'il suit de là que contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, M. Y... était recevable à invoquer devant le tribunal administratif la prescription de l'action en recouvrement du comptable du Trésor ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L.274 du livre des procédures fiscales : "Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se présente l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription." ;
Considérant qu'il ressort des bordereaux de situation produits par l'administration que les impositions, objet des cinq avis à tiers détenteurs litigieux, ont été mises en recouvrement au plus tard le 31 octobre 1984 ; que si le commandement susvisé notifié le 7 novembre 1985 a interrompu le cours de la prescription à l'égard de ces impositions à hauteur de la somme de 292.062,22 F alors réclamée à M. Y..., en revanche, l'action en vue du recouvrement du surplus de ces cotisations d'impôts directs, soit la somme de 860.875,45 F, était atteinte par la prescription lorsque le comptable du Trésor a émis le 5 juin 1989 trois avis à tiers détenteurs pour avoir paiement d'une somme globale de 1.152.938,45 F ; que, par voie de conséquence, et sans que puisse y faire obstacle l'acceptation par le redevable, le 22 août 1989, d'un plan de règlement, dont l'administration soutient qu'il valait reconnaissance par l'intéressé de sa dette fiscale à concurrence d'une somme de 1.156.544,45 F, le recouvrement de la somme de 860.875,45 F susindiquée comprise dans les avis à tiers détenteurs émis le 19 octobre 1990 pour avoir paiement d'une somme de 1.056.544,45 F, était prescrit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. Y... la décharge de l'obligation de payer la somme de 860.875,45 F ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT est rejeté.