VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif, présentés pour M. et Mme Y..., demeurant ..., par Me Z..., avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au greffe de la cour respectivement les 7 octobre et 31 décembre 1992 ; M. et Mme Y... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 863529 du 23 juin 1992, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de leur demande tendant, d'une part, à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981, d'autre part, au maintien du sursis de paiement des sommes contestées, enfin au remboursement des frais exposés ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 1994 :
- le rapport de M. LOTOUX, conseiller,
- les observations de Me DUFOUR, avocat à la cour, substituant Me Z..., avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. et Mme Y...,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 7 décembre 1993, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Seine-et-Marne a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 25.387 F, du complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1978 ; que, dans cette mesure, la demande de M. et Mme Y... est devenue sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Versailles, d'une part, a considéré par erreur que l'imposition au titre de 1978, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, d'une somme de 29.000 F, résultait d'une procédure de taxation d'office intervenue sur le fondement des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts alors que le redressement en cause, non accepté par le contribuable, avait été opéré, ainsi qu'il ressortait des pièces du dossier, selon la procédure contradictoire, d'autre part, n'a pas examiné le moyen tiré de la régularité de la taxation d'office sur le fondement des mêmes articles du code, d'une somme de 224.500 F au titre de 1980 ; qu'ainsi le jugement étant entaché d'une erreur qui a eu une incidence sur la solution du litige et d'un défaut de motivation, il y a lieu de l'annuler, d'évoquer la demande de M. Y... devant les premiers juges et d'y statuer immédiatement ;
Au fond :
Considérant que M. Y... exploite un domaine agricole situé sur le territoire de trois communes du département de Seine-et-Marne tandis que son épouse exploite par ailleurs une propriété agricole située sur une commune de Seine-et-Marne et une commune du Val-d'Oise ; que les résultats imposables de ces exploitations sont déterminés, respectivement, selon le régime du bénéfice réel et selon le régime du forfait agricole ; que M. Y... a fait l'objet en 1982 d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 1978, 1979, 1980 et 1981 ainsi que d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble portant sur ces mêmes années ; que les redressements envisagés à l'issue de ces contrôles ont été notifiés, d'une part, selon la procédure contradic-toire, en ce qui concerne la réintégration de charges dans les bénéfices de l'exploitation de M. Y... et le rehaussement du bénéfice agricole forfaitaire initialement assigné à Mme Y... résultant de la remise en cause, au titre de 1978, de la superficie des terres exploitées par cette dernière dans la commune du Val-d'Oise, d'autre part, selon la procédure de taxation d'office en ce qui concerne un revenu d'origine indéterminée de 224.500 F au titre de 1980 ; que M. et Mme Y... ont contesté devant le tribunal administratif les compléments d'impôt sur le revenu procédant de l'ensemble de ces redressements maintenus à leur charge ;
Sur la somme de 224.500 F taxée d'office à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1980 :
En ce qui concerne la régularité de la procé-dure :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments lui permettant d'établir que celui-ci, peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés et taxer d'office à l'impôt sur le revenu le contribuable qui s'est abstenu de répondre à ses demandes d'éclair-cissements ou de justifications ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée le 9 février 1983 en vue de justifier l'origine de trois versements en espèces de 140.000 F, 80.000 F et 4.500 F, enregistrés en janvier 1980 au crédit de son compte bancaire professionnel M. Y... s'est borné à indiquer qu'il s'agissait de fonds personnels provenant de la vente sous forme anonyme d'or et de bijoux appartenant à son épouse ; que ces explications qui n'étaient assorties d'aucune justifi-cation et n'étaient pas vérifiables ont pu, à bon droit, être regardées par le service comme équivalent à un défaut de réponse autorisant la taxation d'office de ces sommes dont l'origine était inexpliquée ;
Considérant, en second lieu, que M. Y... ayant été régulièrement taxé d'office à raison de la somme globale susvisée de 224.500 F ne peut, par suite, utilement se prévaloir du moyen tiré du défaut de consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires laquelle, en tout de cause, ne pouvait à l'époque connaître que de redressements notifiés selon la procédure contradictoire ;
En ce qui concerne le bien-fondé :
Considérant que pour justifier avoir disposé, pendant l'année 1980 des fonds lui ayant permis les versements en espèces de 224.500 F sur son compte bancaire M. Y... a, notamment, produit la copie d'un bon à intérêts de 140.000 F établi le 15 novembre 1979 et remboursable au porteur le 15 décembre de la même année ainsi que la copie d'un ordre de vente d'un lingot d'or en date du 3 janvier 1980 pour un montant de 89.745 F ; que, toutefois, ces seuls documents qui visent des cessions couvertes par l'anonymat et ne comportent aucune mention permettant d'identifier le bénéficiaire de ces transactions, sont par eux-mêmes insusceptibles d'établir, en l'absence de tout autre commencement de preuve, l'origine alléguée des crédits bancaires litigieux ; qu'ainsi le contribuable ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe en vertu des articles L.193 et R.193-1 du livre des procédures fiscales, de l'exagération l'imposition précédant du redressement contesté ;
Sur la réintégration du prix d'acquisition de roues de tracteur comptabilisé en charge :
Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 30 avril 1978 une somme de 4.650 F correspondant à l'acquisition au cours de cet exercice d'une paire de roues de tracteur dont le coût avait été comptabilisé en frais généraux ; qu'il résulte de l'instruction que M. Y... disposait à l'époque, ce qu'il ne conteste pas, d'autres jeux de roues figurant à l'actif de l'exploitation et utilisables, sur le même tracteur ; que, dans ces conditions, l'acquisition de ce jeu complémentaire de roues ne peut être regardée comme ayant eu pour objet de maintenir en état d'usage ou de fonctionnement le tracteur figurant par ailleurs à l'actif immobilisé de ladite exploitation ; que, par suite, s'agissant d'une immobilisation ne pouvant donner lieu qu'à amortissement, son prix d'achat ne pouvait être comptabilisé en frais généraux sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;
Sur les redressements afférents aux autres charges en litige :
Considérant que M. Y... a comptabilisé dans les charges de son exploitation agricole l'inté-gralité des frais de téléphone, des amortissements afférents à quatre véhicules de tourisme et des rémunérations et charges sociales de son comptable salarié ; que l'intéressé, qui ne soutient pas que sa ligne téléphonique et trois de ses quatre véhicules de tourisme n'aient pas été utilisés tant pour ses besoins professionnels que privés et qui admet par ailleurs que le comptable salarié qu'il emploie dans son exploi-tation assure également la tenue tant des comptes de l'exploitation de son épouse que des comptes personnels du foyer, conteste cependant la réintégration dans ses résultats imposables des exercices concernés de la quote part de ces charges considérée par le vérificateur comme n'ayant pas été engagée dans l'intérêt de ladite exploitation ; qu'à cet égard M. Y... fait valoir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du bien-fondé des redressements opérés à ce titre ;
Considérant qu'à supposer même que le requérant n'ait pas donné ainsi qu'il l'allègue, son accord exprès ou tacite à ces redressements notifiés selon la procédure contradictoire, en tout état de cause l'administration établit en l'espèce que les charges comptabilisées ne correspondaient pas aux seuls besoins de l'exploitation agricole de l'intéressé et qu'ils n'étaient pas légalement déductibles en vertu du 1 de l'article 39 du code ; qu'à cet égard, M. Y..., ne peut valablement prétendre d'une part, que le pourcentage des dépenses de téléphone retenu par l'administration comme correspondant à son usage privé et fixé à 1/5ème du montant total des communications facturées présente un caractère exagéré et qu'il n'y avait lieu de retenir qu'une somme forfaitaire annuelle de 1.500 F, d'autre part, que l'estimation à deux tiers de l'usage à titre privé des véhicules de tourisme est exagérée, qu'enfin que la réintégration des salaires du comptable à hauteur de 10 % desdits salaires ne peut être admise dans son principe au seul motif que la tenue de la comptabilité de l'entreprise impliquait, à des fins de contrôle interne, un examen de l'ensemble des comptes du ménage ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que les redressements opérés à ce titre ne seraient pas justifiés ;
Sur les redressements afférents aux bénéfices agricoles forfaitaires assignés à Mme Y... au titre de 1978 :
Considérant, en premier lieu, que le rehaussement de 41.640 F du bénéfice agricole forfaitaire initialement assigné à Mme Y... résulte de la prise en compte de la superficie réelle des terres agricoles considérées comme exploitées par cette dernière, à titre individuel, dans le département du Val-d'Oise ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, les désaccords portant sur les bases individuelles d'imposition résultant des bénéfices agricoles déterminés d'après le régime forfaitaire ne sont pas au nombre de ceux qui sont susceptibles d'être soumis à l'examen de la commission départementale des impôts ; que cette commission n'avait donc pas à être consultée avant la mise en recouvrement de l'imposition litigieuse procédant du redressement afférent au revenu de cette nature ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient à M. Y..., qui entend se prévaloir de l'existence en 1978, d'une société de fait entre Mme Y... et un tiers pour l'exploitation d'une superficie de 69 hectares de terres agricoles dont ce dernier est propriétaire à Asnières-sur-Oise, d'établir la partici-pation aux apports à la gestion et aux bénéfices des membres de cette association, laquelle n'a fait l'objet d'aucune déclaration auprès de l'administration ; qu'à cet égard, ni la circonstance, que la tierce personne membre de la société de fait alléguée aurait été imposée en 1978, dans la catégorie des bénéfices agricoles, ni l'existence alléguée d'une société de fait, à compter de 1979, entre M. X... Renaudat, fils des requérants, et cette même tierce personne, ne sont de nature à constituer un commencement de preuve d'une exploitation en commun en 1978 du domaine agricole en cause ; qu'il résulte d'ailleurs des pièces, non contestées, invoquées par l'administration que Mme Y... était inscrite à la mutualité sociale agricole en qualité d'exploitant individuel pour l'ensemble de la propriété agricole susmentionnée, qu'elle assurait seule, la direction et le contrôle de ladite exploitation enfin qu'elle en percevait les produits ; qu'ainsi M. Y..., qui n'établit pas l'existence d'une société de fait, n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait imposé à tort à l'impôt sur le revenu au titre de 1978, à raison du bénéfice agricole forfaitaire résultant de la superficie réelle non contestée du domaine agricole exploité par son épouse ;
Sur les conclusions tendant au maintien du sursis de paiement :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.277 du livre des procédures fiscales il n'appartient pas au tribunal administratif de connaître directement d'une demande du contribuable tendant à l'octroi ou au maintien d'un sursis de paiement ; que, par suite, les conclusions susvisées de la demande de M. Y... sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions de M. Y... tendant au remboursement des frais exposés ne sont pas chiffrées ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve des dégrèvements susmen-tionnés accordés en cours d'instance, la demande de M. et Mme Y... ne peut qu'être rejetée ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 25.387 F, en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1978, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme Y....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 23 juin 1992 est annulé.
Article 3 : La demande de M. et Mme Y... est rejetée.