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30/12/1993 | FRANCE | N°91PA00666

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 30 décembre 1993, 91PA00666


VU la requête présentée pour M. et Mme X..., demeurant ..., par Me MENOU, avocat à la cour ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 22 juillet 1991 ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 8900672/3 du 10 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en tant qu'elle tendait à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1980, 1981 et 1982 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des c...

VU la requête présentée pour M. et Mme X..., demeurant ..., par Me MENOU, avocat à la cour ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 22 juillet 1991 ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 8900672/3 du 10 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en tant qu'elle tendait à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1980, 1981 et 1982 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 1993 :
- le rapport de M. LOTOUX, conseiller,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;

En ce qui concerne les conclusions de la requête de M. et Mme X... et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
Considérant que M. et Mme X..., l'un et l'autre médecin biologiste, exercent leur activité au sein de la société civile professionnelle "Laboratoire d'analyses médicales Léonard de Vinci" dont ils sont les seuls associés ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de cette société, laquelle relevait du régime de la déclaration contrôlée de ses bénéfices non commerciaux, des redressements ont été opérés par l'administration selon la procédure contradictoire et les rehaussements de bénéfices en résultant pour les associés ont été imposés à l'impôt sur le revenu au nom de M. X... ; que les requérants contestent les impositions maintenues à leur charge ;
Sur les redressements résultant de la reconstitution des recettes non commerciales :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts relatif aux bénéfices des professions non commerciales : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession" ; qu'il résulte de ces dispositions que doivent être prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable toutes les recettes effectivement perçues au cours de l'année d'imposition, quel que soit leur mode de comptabilisation et quelle que soit la date des actes dont elles constituent la rémunération ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le montant des bénéfices non commerciaux à raison desquels M. et Mme X... ont été assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des années 1981, 1982 et 1983 a été déterminé en prenant en compte le montant des recettes effectivement perçues et comptabilisées, chaque année, par la société civile professionnelle "Laboratoire d'analyses médicales Léonard de Vinci" ; qu'en se bornant à reprendre, pour reconstituer les recettes, les éléments d'une comptabilité de caisse tenue par ladite société, l'administration a fait une exacte application des prescriptions de l'article 93 précité ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette méthode d'évaluation des recettes serait irrégulière en tant qu'elle ne tiendrait pas compte d'honoraires antérieurement déclarés sur la base des relevés de sécurité sociale ; que les intéressés ne sauraient davantage prétendre, à raison de ce même motif ; que la notification des redressements opérés serait insuffisamment motivée alors qu'ils ne contestent pas que les modalités susindiquées des rehaussements ainsi que leur détail par année d'imposition ont été portés à leur connaissance conformément aux exigences de motivation prévues à l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, il est vrai, que M. et Mme X... invoquent sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, une instruction administrative en date du 7 février 1972 relative à l'application des articles 6, 8 et 11 de la loi de finances pour 1971, et selon laquelle les médecins conventionnés peuvent s'abstenir de tenir un livre-journal de leurs recettes lorsqu'ils mentionnent celles-ci sur les feuilles de sécurité sociale, et que ces recettes font, en conséquence, l'objet de relevés périodiques par les organismes de sécurité sociale ; qu'il résulte, toutefois, des termes mêmes de l'instruction administrative ainsi invoquée que celle-ci a pour seul objet d'alléger les obligations des médecins conventionnés relatives à la tenue de leurs documents comptables, sans pour autant écarter les documents comptables eux-mêmes lorsqu'ils sont tenus, et ne comportent aucune interprétation des règles prévues à l'article 93 précité du code ; qu'ainsi cette instruction ne peut être utilement invoquée pour contester le montant des bases d'imposition arrêtées conformément aux prescriptions de cet article ;
Sur les redressements afférents à la déduction complémentaire de 3 % et à l'abattement du groupe III :
Considérant qu'aux termes de l'article 99 du code général des impôts : "Les contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée sont tenus d'avoir un livre-journal suivi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'aucune dépense professionnelle ne peut être calculée par les contribuables concernés de manière forfaitaire ;

Considérant que M. et Mme X..., qui ne contestent pas la situation légale susrappelée, soutiennent qu'en leur qualité de médecins biologistes conventionnés, la société civile professionnelle dont ils sont les associés avait droit au bénéfice du régime de déduction forfaitaire de frais professionnels prévu en faveur des médecins conventionnés ; qu'il résulte de l'instruction que ce régime de déduction a été consenti à ces derniers par des instructions administratives en date du 4 mai 1965 et du 16 février 1972 mais que, toutefois, deux réponses ministérielles à des questions écrites de parlementaires, en date du 6 février 1971 et du 1er avril 1973, valant interprétation formelle des dispositions susrappelées de l'article 93 du code général des impôts, ont exclu du champ d'application des instructions susmentionnées du 4 mai 1965 et du 16 février 1972 les médecins biologistes exerçant des fonctions dans un laboratoire d'analyses médicales, même lorsque ces médecins sont conventionnés ; que ce n'est qu'en vertu d'une décision en date du 22 décembre 1977 contenue dans une lettre adressée par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, au secrétaire général du syndical national des médecins biologistes que les médecins biologistes ont été admis à bénéficier, pour les honoraires correspondants aux actes qu'ils effectuent en qualité de médecins, des déductions spéciales dites du "groupe III" et, dans le cadre de la déclaration contrôlée, de la déduction complémentaire de 3 % au titre des frais du groupe II ; que, si les requérants font valoir que ladite décision, dont ils prétendent par ailleurs qu'elle ne leur serait pas opposable à défaut d'avoir été régulièrement publiée, doit être interprétée, compte tenu de l'arrêté interministériel du 11 août 1977 "portant approbation de la convention nationale définissant les rapports entre les caisses d'assurance maladie et les directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales", comme visant les actes en "B", en tout état de cause cet arrêté, qui ne comporte aucune disposition ayant un objet fiscal, ne peut être regardé comme ayant pu étendre le champ d'application de la décision susvisée du 22 décembre 1977 aux actes en "B" effectués par l'ensemble des laboratoires d'analyses médicales ; qu'il s'ensuit que les époux X... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que l'administration leur a accordé, dans les limites susindiquées, le bénéfice de la décision ministérielle du 22 décembre 1977 ; qu'enfin, les intéressés ne sauraient davantage, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, invoquer en appel une note du 18 septembre 1989 publiée au Bulletin officiel des impôts le 3 octobre 1989 sous la référence 5F-25-89, dès lors que ladite note, eu égard à sa date, est, en tout état de cause, inapplicable aux années d'imposition en litige ;
Sur les redressements relatifs aux charges :
Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au contribuable, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre à son encontre, de justifier du montant des dépenses "nécessitées par l'exercice de la profession" au sens de l'article 93-1 précité du code général des impôts ; que si les requérants contestent les redressements opérés au titre des charges sociales des années 1981 et 1982, ils ne justifient ni de la comptabilisation ni du caractère déductible des dépenses alléguées ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants, qui ont acquis en 1981 un objectif de microscope d'un prix hors taxe de 1.875 F, ne peuvent utilement se prévaloir de la tolérance administrative permettant la déduction au titre des charges de l'exercice de tout achat de matériel ou petit outillage d'une valeur unitaire hors taxe inférieure à 1.500 F ; qu'ainsi, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le vérificateur ait par ailleurs considéré que certains autres matériels d'une valeur unitaire hors taxe excédant 2.000 F, n'avaient pas le caractère d'immobilisations amortissables eu égard à leur courte durée normale d'utilisation, c'est à bon droit que le prix d'achat du bien susvisé a été exclu des charges déductibles ;
Considérant, en troisième lieu, que la société civile professionnelle "Laboratoire d'analyses médicales Léonard de Vinci" ayant déduit, outre les frais afférents à ses propres véhicules, ceux concernant les véhicules appartenant à M. et Mme X..., l'administration a procédé à la réintégration d'une partie des dépenses d'essence et d'entretien des véhicules personnels des intéressés en retenant une utilisation à usage professionnel estimée à 20 % ; que si les requérants soutiennent en appel qu'il y avait lieu de retenir un pourcentage se situant entre 60 et 100 %, ils ne produisent aucune justification au soutien de leurs prétentions ; qu'ainsi, et dès lors par ailleurs que la société susvisée a bénéficié de l'abattement forfaitaire égal à 2 % du montant des recettes brutes, au titre des frais professionnels de même nature accordés aux médecins biologistes conventionnés par la décision susmentionnée du 22 décembre 1977, les requérants ne peuvent être regardés comme établissant l'exagération des réintégrations litigieuses ;
Considérant, en dernier lieu, que les requérants ne justifient pas du montant et du caractère professionnel des frais divers de gestion dont ils se prévalent au titre de l'année 1981 ; qu'en outre, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif en statuant sur l'ensemble des années en litige, les dépenses invoquées par les époux X... sont au nombre de celles également couvertes par l'abattement susvisé de 2 % pratiqué par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé et n'est pas entaché de contradictions, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
En ce qui concerne les conclusions du recours incident du ministre :

Considérant qu'en se bornant à faire valoir que les requérants n'ont déclaré, au titre des années litigieuses que les recettes figurant sur les relevés "SNIR", alors que par ailleurs la totalité des recettes encaissées imposables avaient été comptabilisées par la société civile professionnelle, l'administration ne peut être regardée, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, comme établissant ainsi la mauvaise foi des intéressés ; que, par suite, les conclusions du ministre tendant à ce que les pénalités pour absence de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts soient remises à la charge des époux X... en ce qui concerne les droits afférents aux rehaussements de recettes ne sauraient être accueillies ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... et le recours incident du ministre du budget, porte-parole du Gouvernement sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 91PA00666
Date de la décision : 30/12/1993
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - 1649 QUINQUIES E DU CODE GENERAL DES IMPOTS REPRIS A L'ARTICLE L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE.


Références :

Arrêté ministériel du 11 août 1977
CGI 99, 93 par. 1, 1729
CGI Livre des procédures fiscales L57, L80 A
Instruction du 04 mai 1965
Instruction du 16 février 1972
Instruction 5P-5-72 du 07 février 1972
Loi 70-1199 du 21 décembre 1970 art. 6, art. 8, art. 11 Finances pour 1971
Note 5F-25-89 du 18 septembre 1989


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LOTOUX
Rapporteur public ?: Mme DE SEGONZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1993-12-30;91pa00666 ?
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