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19/11/1992 | FRANCE | N°89PA02733

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 19 novembre 1992, 89PA02733


VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 septembre 1989, présentée par la société anonyme RINSOZ et ORMOND, dont le siège est ... (Confédération Helvétique), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société anonyme RINSOZ et ORMOND demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, d'une part, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1980, 1981, 1982, 1983, 1984 et 1985 sous les artic

les 20586, 20550, 20590, 20591, 20592 et 20593 du rôle des non-résidents mis...

VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 septembre 1989, présentée par la société anonyme RINSOZ et ORMOND, dont le siège est ... (Confédération Helvétique), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société anonyme RINSOZ et ORMOND demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, d'une part, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1980, 1981, 1982, 1983, 1984 et 1985 sous les articles 20586, 20550, 20590, 20591, 20592 et 20593 du rôle des non-résidents mis en recouvrement le 31 décembre 1985, ainsi que des pénalités y afférentes, d'autre part, de l'imposition forfaitaire annuelle qui lui a été assignée au titre de l'exercice clos le 31 mars 1985 sous l'article 20593 du rôle mis en recouvrement le 31 décembre 1985 ;
2°) de prononcer la décharge desdites impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
VU la convention fiscale franco-ivoirienne du 6 avril 1966 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 1992 :
- le rapport de M. HOURDIN, conseiller,
- les observations de Me AMALVICT, avocat à la cour, pour la société RINSOZ et ORMOND,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société anonyme RINSOZ et ORMOND, dont le siège est à Vevey (Suisse), demande la décharge, d'une part, de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie par voie de taxation d'office au titre des exercices clos en 1980, 1981, 1982, 1983, 1984 et 1985, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, de l'imposition forfaitaire annuelle et des pénalités auxquelles elle a également été assujettie par voie de taxation d'office au titre de l'exercice clos le 31 mars 1985 ; que ces impositions procèdent de ce que l'administration a entendu imposer la société anonyme RINSOZ et ORMOND pour sa part dans les revenus de la société pour le développement du tabac en Afrique, société civile dont le siège social est en France ;
Sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés :
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile pour le développement du tabac en Afrique, créée en 1971, et qui a pour objet, aux termes mêmes de ses statuts, les "travaux, études, recherches en vue du développement du tabac en Afrique, la propriété, l'acquisition, la souscription et la gestion de parts, actions et valeurs mobilières de toutes natures de sociétés, groupements et associations se rapportant aux tabacs, aux produits tabagiques et à leurs dérivés" s'est uniquement consacrée à la répartition entre ses membres des produits financiers provenant des parts qu'elle détient dans une société étrangère en Côte-d'Ivoire ; que si les opérations matérielles dont ces produits financiers tirent leur origine sont effectuées hors de France, les décisions de gestion et de répartition desdits produits sont prises en France ; que les profits que la société pour le développement du tabac en Afrique perçoit sont également encaissés en France ; que, par suite, les revenus dont dispose la société civile, entité juridique distincte de ses membres, doivent être regardés comme des profits propres, réalisés en France et non, contrairement à ce que soutient la société requérante, comme des dividendes versés par la société ivoirienne, dans laquelle la société pour le développement du tabac en Afrique possède des parts du capital social ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " ... les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° - Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas en droit ou en fait l'une des formes de sociétés visées à l'article 206-1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ..." ; qu'aux termes de l'article 238 bis K du même code : "I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8 ou 239 quater sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ..., la part de bénéfice correspondant à ses droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisée par la personne ...qui détient ces droits" ; que la société pour le développement du tabac en Afrique est soumise au régime des sociétés de personnes ; que l'application des dispositions combinées des articles 8 et 238 bis K-1 précitées a pour effet de rendre ses revenus imposables entre les mains de ses associés non pas en tant que revenus distribués, mais en tant que bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés lorsque lesdits associés sont passibles de cette imposition ;
Considérant, en second lieu, que selon les stipu-lations de l'article 7 de la Convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse, modifiée par l'avenant du 3 décembre 1969, et relatif aux bénéfices industriels et commerciaux : "8. Les revenus provenant de ...droits dans ...des associations en participation ou des sociétés civiles de droit français, si celles-ci sont soumises au régime fiscal des sociétés de personnes, sont imposables dans l'Etat contractant où les entreprises en question ont un établissement stable" ; que le 6 de l'article 11 de la même Convention relatif aux dividendes précise que les dispositions de cet article concernant leurs modalités d'imposition : " ...ne s'appliquent pas lorsque le bénéficiaire des dividendes, résident d'un Etat contractant, a dans l'autre Etat contractant d'où proviennent ces dividendes un établissement stable auquel se rattache effectivement la participation génératrice des dividendes. Dans ce cas, les dispositions de l'article 7 sont applicables" ; qu'enfin, aux termes de l'article 5 de cette Convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité" ;

Considérant qu'il résulte des stipulations susrappelées de la Convention, combinées avec les dispositions précitées du code général des impôts, que les profits qu'une société de capitaux, résidente en Suisse, retire de parts détenues en France dans une société civile, qui y est soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et y dispose d'un établissement stable, ne présentent pas le caractère de dividendes au sens de ces dispositions ; que ces profits doivent être imposés au nom des associés dans l'Etat où la société civile dispose de l'établissement stable ; qu'en outre, dès lors que l'associé de cette société civile non soumise à l'impôt sur les sociétés est, pour sa part, assujetti à cet impôt, les profits correspondant aux droits de la société civile qu'il détient doivent être imposés à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant qu'il est constant que le siège social en France de la société pour le développement du tabac en Afrique où, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle exerce son activité, présente, au sens des stipulations précitées de l'article 5 de ladite Convention, le caractère d'un établissement stable ; que le moyen tiré de ce que la société pour le développement du tabac en Afrique présenterait exclusivement le caractère d'un établissement payeur en vertu des dispositions de l'article 75-4° de l'annexe II au code ne peut être utilement invoqué par la requérante dès lors que ces dispositions ont uniquement pour objet de réglementer les modalités de paiement de l'impôt dû à raison de la perception de revenus mobiliers et d'en permettre ainsi le contrôle chez les bénéficiaires ; que la société ne peut davantage invoquer, en conséquence, le bénéfice des réponses ministérielles venues préciser la portée de ces dispositions ; qu'enfin, la société requérante n'établit pas qu'en méconnaissance des stipulations de l'article 26 de la Convention fiscale franco-suisse, lui a été appliqué un régime fiscal moins favorable que celui dont bénéficierait une société française dès lors qu'une société de capitaux française qui détiendrait des parts d'une société civile soumise au régime des sociétés de personnes serait également assujettie à l'impôt sur les sociétés à raison des profits qu'elle retire de ces droits ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la société RINSOZ et ORMOND a été assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 1980 à 1985 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales applicable à la société qui se trouvait en situation de taxation d'office pour défaut de déclaration : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. Cette notification est interruptive de prescription ...";

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les notifications de redressement que l'administration a adressées à la société anonyme RINSOZ et ORMOND les 13 décembre 1984, 3 juin 1985 et 7 février 1986 indiquaient, pour chacun des exercices concernés, la nature de l'impôt, les dispositions conventionnelles et de droit interne applicables ainsi que les bases d'impositions et les modalités de leur détermination résultant de la détention d'une quote-part du capital de la société civile par l'intéressée ; que ces notifications doivent être regardées comme suffisamment motivées au sens des dispositions précitées de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ;
Sur le montant de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aucune des dispositions des Conventions fiscales franco-ivoirienne et franco-suisse non plus que du code général des impôts, n'ouvre droit, pour la société requérante, à un quelconque crédit d'impôt au titre des revenus en litige, alors même qu'ils proviennent de sa participation dans la société pour le développement du tabac en Afrique, laquelle perçoit, comme il a été dit, des dividendes d'une société ivoirienne, imposée en Côte-d'Ivoire ;
Considérant, d'autre part, que la société requérante ne peut davantage se prévaloir, pour prétendre bénéficier d'un crédit d'impôt, de la doctrine administrative exprimée dans une instruction du 24 février 1966 qui concerne des dividendes de source française encaissés par une société de personnes ayant son siège en France, dès lors qu'il est constant que la société pour le développement du tabac en Afrique, tout en exerçant son activité en France, a encaissé des revenus de source ivoirienne ;
Sur les conclusions relatives à l'imposition forfaitaire annuelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 223 septies du code général des impôts : "Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle" ; que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que sont assujetties à l'imposition forfaitaire annuelle qu'elles instituent les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés à raison de l'exploitation ou des opérations auxquelles elles se livrent personnellement et non celles qui ne sont passibles de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans une personne morale elle-même non passible de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante n'est passible en France de l'impôt sur les sociétés que pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans la société civile pour le développement du tabac en Afrique ; qu'elle n'est dès lors pas assujettie à l'imposition forfaitaire annuelle prévue par les dispositions précitées de l'article 223 septies du code général des impôts ;
Article 1er : La société anonyme RINSOZ et ORMOND est déchargée de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1985.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 juillet 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme RINSOZ et ORMOND est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA02733
Date de la décision : 19/11/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - TERRITORIALITE DE L'IMPOT.


Références :

CGI 8, 238 bis K
Convention fiscale du 06 avril 1966 France Côte-d'Ivoire
Convention fiscale du 09 septembre 1966 France Suisse art. 7, art. 6, art. 5, art. 26 Avenant 1969-12-03


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. HOURDIN
Rapporteur public ?: Mme DE SEGONZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-11-19;89pa02733 ?
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