VU la requête présentée pour l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER (IFREMER) ayant siège social ... a Paris (75116) représentée par son président-directeur général en exercice, par la SCP de CHAISEMARTIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 11 juillet 1991 ; l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9009440/7 en date du 17 janvier 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Etablissements Bourgain Fils la décharge de la taxe parafiscale à laquelle elle a été assujettie par l'état exécutoire émis à son encontre le 16 décembre 1985 pour un montant de 24.970 F ;
2°) de remettre à la charge de la société Etablissements Bourgain Fils les cotisations de taxe parafiscale contestées ;
3°) de condamner la société au versement à son profit d'une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU l'ordonnance n° 58-1357 du 27 décembre 1958 ;
VU l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
VU la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU le décret n° 55-241 du 10 février 1955 ;
VU le décret n° 60-1524 du 30 décembre 1960 ;
VU le décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 ;
VU le décret n° 84-1296 du 31 décembre 1984 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 1992 : - le rapport de M. LOTOUX, conseiller, - les observations de la SCP de CHAISEMARTIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER et celles de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la société d'exploitation des établissements Bourgain Fils, - et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du Gouvernement.
Sur l'intervention du ministre de la recherche et de la technologie :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la décision à rendre sur la requête de l'INSTITUT FRANCAIS DE LA RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER (IFREMER) est susceptible de préjudicier aux droits de l'Etat (ministre de la recherche et de la technologie) ; que, dès lors, l'intervention du ministre est recevable ;
Sur la requête d'IFREMER :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 25 juin 1982 relatif aux traitements de conservation autorisés pour la préparation des semi-conserves d'animaux marins a été pris pour l'application de l'article 2 du décret du 10 février 1955 et non pour l'application de l'article 23 du décret du 30 décembre 1960 dont les paragraphes 1 et 2 ont trait à des arrêtés à prendre en matière d'hygiène et de salubrité ou dont l'objet est d'assurer la loyauté des fabrications et transactions ; qu'ainsi le défaut des consultations préalables prévues audit article 23 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 25 juin 1982 publié au Journal officiel du 9 juillet 1982 ; que, par suite, l'IFREMER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé pour ce motif que l'arrêté du 25 juin 1982 avait été pris sur une procédure irrégulière et, en conséquence, a accordé à la société Etablissements Bourgain et Fils la décharge des cotisations de taxe parafiscale en litige,
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Etablissements Bourgain et Fils tant en première instance qu'en appel ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande :
Considérant, en premier lieu, que dans sa demande au tribunal administratif la société Etablissements Bourgain Fils s'est bornée à contester le bien-fondé des cotisations de taxe parafiscale assorties de la majoration de retard figurant sur un état exécutoire en date du 16 décembre 1985 pour un montant de 24.970 F ; qu'ainsi le moyen, présenté pour la première fois en appel, tiré de ce que cet état exécutoire est entaché d'irrégularité en tant qu'il n'indique pas les bases de liquidation de la créance, procède d'une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait la demande susvisée présentée dans le délai de recours contentieux ; qu'il constitue, dès lors, une demande nouvelle et n'est, par suite, pas recevable ;
Considérant, en deuxième lieu, que la taxe litigieuse a été instituée conformément à l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, par un décret en Conseil d'Etat en date du 31 décembre 1984 entre en vigueur à compter du 1er janvier 1985 ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret la taxe est "assise sur la valeur hors taxes des poissons crustacés et autres animaux marins destinés a la mise en conserve ou en semi-conserve ; cette valeur est : a) soit le prix d'achat par les conserveurs et semi-conserveurs en criée, au débarquement ou à la frontière française ; b) soit, dans la mesure où les assujettis capturent ou produisent eux-mêmes leurs matières premières ce pourcentage du chiffre d'affaire découlant de la vente des conserves ou semi-conserves fabriquées à partir de ces matières premières ce pourcentage est fixé pour tenir compte de la part des matières premières dans le prix de chaque type de conserve ou semi-conserve, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie, des finances et du budget et du ministre chargé des pêches maritimes" ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même décret : "Le taux de la taxe est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie, des finances et du budget et du ministre chargé des pêches maritimes dans la limite de un pour cent de la valeur définie à l'article 2" ; que les seules circonstances qu'en application de ces dispositions l'assiette de la taxe, dans la seule hypothèse du b, de l'article 2, de même que son taux, dans la limite définie à l'article 3, soient fixés par arrêté interministériel, sont sans influence sur la légalité du décret du 31 décembre 1984 au regard des règles de compétence prévues par l'ordonnance du 2 janvier 1959 et le décret du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ; qu'en outre le décret instituant la taxe litigieuse a été pris sur le rapport, notamment, du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports ayant alors en charge les problèmes de la mer ; que, dès lors, ce dernier, contrairement à ce que soutient la société, avait bien la qualité de "ministre intéressé" au sens de l'article 2 de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 ; qu'ainsi ledit décret n'est pas davantage, sur ce point, entaché d'illégalité ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 27 décembre 1958 sur le contrôle de la fabrication des conserves et semi-conserves de poissons, crustacés et autres animaux marins, modifié par les articles 8 de la loi de finances n° 70-1283 du 31 décembre 1970 et 71 de la loi de finances n° 71-1061 du 29 décembre 1971 : "I. Le financement du contrôle ci-dessus est assure par une taxe perçue au profit de l'Institut scientifique et technique des pêches maritimes. II. Cette taxe est à la charge des conserveurs et semi-conserveurs. Elle est assise sur le montant des achats de poissons, de crustacés et d'autres animaux marins destinés à la transformation en conserves et semi-conserves alimentaires effectuée par lesdits conserveurs et semi-conserveurs..." ; que selon l'article 2 du décret du 30 décembre 1960 sur le contrôle de la fabrication des conserves et semi-conserves de poissons, crustacés et autres animaux marins : "Sont respectivement considérés comme conserves et comme semi-conserves, au sens de l'ordonnance susvisée (ordonnance n° 58-1357 du 27 décembre 1958), les produits qui répondent aux définitions contenues dans l'article 2 du décret n 55-241 du 10 février 1955 et dans les arrêtés pris pour son application" ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 10 février 1955 : "Sont considérées comme semi-conserves... les denrées alimentaires d'origine végétale ou animale, périssables, conditionnées en récipients étanches aux liquides et ayant subi, en vue d'assurer une conservation plus limitée, un traitement autorisé par arrêté..." ; que le traitement par voie de fumage est au nombre de ceux qui sont prévus par l'arrêté publié au Journal officiel le 9 juillet 1982, relatif aux traitements de conservation autorisés pour la préparation des semi-conserves d'animaux marins ; que cet arrêté précisé dans son article 1er : "Dans tous les cas, le traitement appliqué doit être tel qu'après conditionnement en récipient étanche aux liquides le produit présente une durée de conservation d'au moins deux semaines..." qu'aux termes de l'article 5 du même arrêté : "Le fumage est l'opération qui consiste à exposer des animaux marins ou parties d'animaux marins à la fumée obtenue par combustion lente de produits ligneux de façon à abaisser leur teneur en eau et à y introduire divers composants de la fumée. Il y a fumage à chaud lorsque, au cours de l'opération de fumage, les animaux marins ou parties d'animaux marins se trouvent exposés à une température provoquant leur cuisson. Dans le cas contraire, le fumage est dit à froid. Sont dits fumés les produits qui ont été soumis à un fumage pendant un temps suffisant pour acquérir le goût de fumée" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Etablissements Bourgain Fils commercialise du saumon ayant subi un traitement de conservation par fumage à froid au sens de l'article 5 de l'arrêté publié le 9 juillet 1982 ; que le saumon est commercialisé dans des emballages en matière plastique étanches aux liquides ; que la durée de conservation du produit est d'au moins deux semaines ; qu'il résulte de ce qui précédé, et sans qu'il soit besoin de rechercher si le saumon commercialisé peut être regardé comme fumé au sens du dernier alinéa de l'article 5 de l'arrêté publié le 9 juillet 1982, que le produit dont s'agit est une semi-conserve au sens de l'ordonnance du 27 décembre 1958, même s'il n'est pas vendu comme tel ; que, par suite, la société n'est pas fondé à soutenir que les produits qu'elle commercialise ne constituent pas des semi-conserves au sens des dispositions précitées ;
Considérant, en dernier lieu, que la société n'établit pas le caractère exagéré du montant de la taxation retenu par l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE DE L'EXPLOITATION DE LA MER, en l'absence de déclaration de sa part ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE DE L'EXPLOITATION DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à la société Etablissements Bourgain Fils la décharge de la taxe parafiscale litigieuse ;
Sur la demande de l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER tendant au remboursement des frais exposés :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, substitué depuis le 1er janvier 1992 à l'article R.222 du même code ;
Article 1er : L'intervention du ministre de la recherche et de la technologie est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 janvier 1991 est annulé.
Article 3 : Les cotisations de taxe parafiscale assorties de l'intérêt de retard auxquelles la société Etablissements Bourgain Fils a été assujettie au titre de la période du 9 juillet 1982 au 31 décembre 1984 par l'état exécutoire d'un montant de 24.970 F émis par l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER le 16 décembre 1985 sont remises à la charge de ladite société.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER est rejeté.