Vu le recours présenté par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET ; il a été enregistré au greffe de la cour le 14 mai 1991 ; le ministre demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 8802084/2 en date du 7 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à Mme Christiane X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
2°) de remettre à la charge de Mme X... l'intégralité des impositions contestées sous déduction, au titre de l'année 1984, des droits et intérêts de retard relatifs à un revenu d'origine indéterminée de 25.536 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
VU la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU la loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 ;
VU le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 1992 : - le rapport de M. LOTOUX, conseiller, - les observations de Mme X..., - et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par un jugement en date du 7 décembre 1990, le tribunal administratif a accordé à Mme X... la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu, assorties de pénalités, auxquelles celle-ci a été assujettie au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ; que les conclusions du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET, qui fait appel de ce jugement, tendant au rétablissement des droits et pénalités établis au titre desdites années sous déduction, pour l'année 1984, des droits et intérêts et retard résultant d'un redressement sur des revenus d'origine indéterminée d'un montant de 25.536 F abandonné par l'administration ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements" ; que Mme X... a invoqué devant le tribunal administratif sur le fondement de ces dispositions l'instruction du 18 juin 1976 publiée sous la référence 13-L-9-76 au Bulletin officiel de la direction générale des impôts, relative, notamment, à l'intervention de l'interlocuteur départemental, en faisant valoir que la procédure prévue par cette instruction n'avait pas été respectée dès lors que les impositions litigieuses avaient été mises en recouvrement sans que l'interlocuteur départemental dont elle avait demandé la saisine le 24 décembre 1986 et le 3 février 1987, ait statué sur son recours ; que toutefois cette instruction, en tant qu'elle prévoit qu'aucune imposition supplémentaire ne peut être mise en recouvrement tant qu'il n'aura pas été statué sur le recours formé devant l'interlocuteur départemental, institue une procédure non prévue par les dispositions du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, l'auteur de cette instruction ne peut être regardé comme ayant eu compétence pour instituer une telle procédure ; qu'ainsi la disposition invoquée de l'instruction du 18 juin 1976 est contraire aux lois et règlements, au sens de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 et Mme X... ne pouvait dès lors, utilement s'en prévaloir sur le fondement de ce texte ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, faisant droit à ce moyen du contribuable, a estimé que les impositions contestées avaient été établies selon une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif et devant la cour ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la taxation d'office :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration et que, en cas de défaut de réponse, le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de Mme X..., à laquelle a procédé l'administration, a fait ressortir qu'au cours des années 1982 et 1983 l'intéressée avait effectué sur ses comptes bancaires personnels des versements excédant largement le montant des revenus qu'elle avait déclarés ; que Mme X..., qui a reçu le 7 mars 1986, pour chacune desdites années, des demandes de justifications concernant ceux de ses crédits bancaires dont la nature et l'origine demeuraient inexpliqués, s'est bornée, par lettre du 28 mars 1986, à demander une prorogation du délai de réponse de trente jours qui lui était imparti sans préciser, en outre, la durée du délai complémentaire qu'elle estimait nécessaire pour se procurer les renseignements et documents relatifs aux sommes litigieuses ; qu'elle s'est abstenue de présenter jusqu'à la date de la notification des redressements le 7 juillet 1986 des justifications et explications sur l'origine des crédits bancaires visés dans ces demandes ; que, dans ces conditions, l'administration a pu régulièrement, sur le fondement des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, procéder à la taxation d'office des crédits bancaires demeurés inexpliqués ;
En ce qui concerne la régularité de la notification de redressement :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification adressée à Mme X... le 7 juillet 1986 a été retournée au service, après dépôt de deux avis de passage les 11 et 21 juillet 1986, avec la mention "absent avisé" ; que ladite notification ayant été adressée à nouveau à l'intéressée le 8 août 1986 celle-ci en a accusé réception le 20 août ; que la circonstance que cette dernière date se situe dans une période habituelle de congés est sans influence sur la régularité de la notification ; qu'en outre, il est constant que Mme X... n'a pas présenté d'observations avant la fin du mois de septembre ainsi qu'elle proposait de le faire dans sa lettre du 20 septembre ; que dès lors, l'intéressée ne peut, en tout état de cause, valablement soutenir que les impositions litigieuses mises en recouvrement le 28 février 1987 procéderaient de redressements notifiés irrégulièrement ;
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés Fondamentales :
Considérant que dès lors que le juge de l'impôt ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, les dispositions de l'article 6-1 de la Convention précitée ne sont pas applicables aux procédures relatives aux taxations fiscales ;
En ce qui concerne la demande de communication de dossier :
Considérant que Mme X..., qui reconnaît n'avoir pas saisi la commission d'accès aux documents administratifs d'un refus de l'administration de lui communiquer son dossier fiscal, ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la violation des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 modifiée par la loi du 11 juillet 1979, qui ont pour objet de faciliter de manière générale, l'accès des personnes qui le demandent aux documents administratifs et non de modifier les règles particulières qui régissent la procédure d'imposition à l'impôt sur le revenu ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu de l'article L.193 du livre des procédures fiscales applicable en l'espèce, Mme X... ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions qui lui ont été assignées qu'en apportant la preuve de leur exagération ;
Considérant, en premier lieu, que Mme X... soutient que les impositions mises à sa charge sont dépourvues de fondement légal dès lors qu'elles procèdent de l'application de dispositions dont la codification au livre des procédures fiscales et au code général des impôts est intervenue selon une procédure irrégulière ;
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que, contrairement aux dispositions de l'article 78 de la loi de finances du 21 décembre 1961, les projets de décret portant codification du livre des procédures fiscales n'auraient pas été communiqués préalablement aux commissions compétentes des deux chambres du Parlement manque en fait ;
Considérant que si Mme X... prétend, d'autre part, que le code général des impôts "est également nul puisqu'il a été publié sans avoir été soumis au préalable à l'approbation du Parlement", elle ne précise pas les textes qui auraient été méconnus à ce titre ; qu'ainsi, en tout état de cause, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, que Mme X... a fait valoir que les crédits regardés par l'administration comme inexpliqués d'un montant de 1.282.630 F au titre de 1982 avaient pour origine des remboursements de bons anonymes intervenus entre le 10 septembre et le 13 octobre 1982 et représentant la somme globale de 1.211.063 F ; qu'à concurrence d'un montant de 304.920 F l'administration a admis sur ce point les justifications du contribuable ainsi que, pour le surplus des sommes contestées, un crédit bancaire de 3.325 F correspondant à une prime versée par son employeur taxable dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'il résulte de l'instruction que pour les crédits inexpliqués restant en litige, soit 974.385 F pour 1982 et 120.788 F pour 1983, Mme X... n'a pas fourni de justifications probantes à l'appui de ses allégations sur le caractère non imposable desdites sommes ; que s'agissant, notamment, des opérations sur bons anonymes les documents dont elle se prévaut ne sont pas de nature à établir qu'elle a acquis ces titres antérieurement à la période vérifiée et que leur remboursement à son profit est intervenu au cours de ladite période ; qu'ainsi elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération du montant de ces revenus d'origine indéterminée taxé d'office à l'impôt sur le revenu ; que, par suite, dès lors que la requérante ne conteste pas les redressements sur pensions alimentaires des années 1981 à 1984, le ministre est fondé à demander le rétablissement des droits qui ont été assignés à Mme X... au titre de chacune desdites années à raison respectivement des rehaussements en bases de 6.240 F, 981.739 F, 124.468 F et 2.400 F ;
Sur les pénalités :
Considérant que si le ministre soutient que les compléments d'impôt sur le revenu assignés à Mme X... au titre des années 1981 à 1984 n'ont été assortis que des intérêts de retard, il résulte toutefois de l'instruction que pour l'année 1984 l'insuffisance du revenu global déclaré par la contribuable n'excède pas le dixième de la base d'imposition ; qu'ainsi les dispositions de l'article 1730 du code général des impôts font obstacle à ce que, comme le demande le ministre, les droits à rétablir au titre de ladite année soient assortis des intérêts de retard ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à Mme X... la décharge des droits afférents aux bases d'imposition susmentionnées des années 1981 à 1984 et des intérêts de retard y afférents pour les années 1981, 1982 et 1983 ;
Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme X... a été assujettie au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 à raison respectivement des montants en bases de 6.240 F, 981.739 F, 124.468 F et 2.400 F ainsi que les intérêts de retard afférents auxdites cotisations pour les années 1981, 1982 et 1983 sont remis intégralement à la charge de Mme X....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre est rejeté.