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03/07/1990 | FRANCE | N°89PA01765

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 03 juillet 1990, 89PA01765


Vu l'ordonnance en date du 3 février 1989 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Vu la requête présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; elle a été enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 1er mars 1988 ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement n°8703078/4M du 12 janvie

r 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à...

Vu l'ordonnance en date du 3 février 1989 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Vu la requête présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; elle a été enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 1er mars 1988 ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement n°8703078/4M du 12 janvier 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. Y... une indemnité de 24.000 F en réparation du préjudice résultant pour lui du refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice ;
2°) de fixer à 6.430,01 F le montant de cette indemnité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée ;
Vu le décret n°78-924 du 22 août 1978 ;
Vu la loi n°82-526 du 22 juin 1982 ;
Vu la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 19 juin 1990 :
- le rapport de M. GUILLOU, conseiller,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Y... a demandé, le 5 juin 1986, le concours de la force publique pour l'exécution d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris l'autorisant à faire procéder à l'expulsion de Mme X..., occupante sans titre d'un logement dont il est propriétaire au ... (5ème) ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'administration a refusé de faire droit à cette demande, engageant ainsi la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. Y... ;
Sur la période de responsabilité de l'Etat :
Considérant que M. Y... soutient que le refus de concours de la force publique est constitutif d'une faute lourde de l'administration et que, dès lors, le départ de la période de responsabilité de l'Etat doit être fixé au 20 juin 1986, soit quinze jours après la demande de concours de la force publique présentée le 5 juin 1986, et non au 5 août 1986, ainsi que l'ont décidé les premiers juges ; que ce moyen, présenté pour la première fois en appel, et se rattachant à une cause juridique distincte de celle sur laquelle le requérant a fondé sa demande devant les premiers juges, ne peut être accueilli ;
Sur le préjudice résultant de la perte de loyers et charges locatives :
Considérant que Mme X... n'a versé aucune indemnité d'occupation durant la période pendant laquelle la responsabilité de l'Etat s'est trouvée engagée ; que dès lors, M. Y... a droit à la réparation du préjudice né de l'absence de perception de tout loyer ; qu'il y a lieu de tenir compte des indemnités qu'il pouvait obtenir compte tenu d'une part des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 sur le fondement duquel avait été conclu le bail initial et, d'autre part, des lois successives du 22 juin 1982 et du 23 décembre 1986 ainsi que de leurs décrets d'application ;
En ce qui concerne la période du 5 août 1986 au 23 décembre 1986 :
Considérant en premier lieu que, si le ministre soutient qu'en vertu de l'article 76 de la loi du 22 juin 1982 alors en vigueur, M. Y... n'aurait pu louer, dans des conditions financières librement débattues, son appartement qu'après avoir conclu avec l'Etat un contrat, en vue de réaliser des travaux destinés à améliorer le confort et l'habitabilité des lieux, il résulte des termes mêmes de cet article qu'il n'y a là qu'une simple faculté donnée au bailleur et non une obligation ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Considérant en second lieu, que si M. Y... prétend que l'article 3 quinquies de la loi du 1er septembre 1948 lui aurait permis, dans le cas où son appartement aurait été vacant, de le donner librement à bail, il résulte de l'article 1er du décret du 22 août 1978, applicable à cette époque, qu'une telle possibilité n'était envisageable qu'à la condition que le local ait satisfait aux normes de confort et d'habitabilité définies à l'article 2 de ce décret ; que, ni devant les premiers juges, ni en appel, M. Y... n'apporte la preuve que l'appartement dont s'agit répondait à ces normes ; qu'il n'est dès lors pas fondé à obtenir une indemnisation supérieure à celle résultant du loyer qu'il aurait du percevoir en vertu des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 régissant le bail souscrit avec Mme X... ; qu'il résulte de l'instruction que l'indemnité correspondante s'élève à 2.335,52 F, somme à laquelle il convient de limiter la condamnation de l'Etat pour la période considérée ;
En ce qui concerne la période du 24 décembre 1986 au 21 août 1987 :
Considérant qu'à compter du 24 décembre 1986, date de la publication de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif laquelle dispose dans son article 25 : "les locaux vacants à compter de la publication de la présente loi ne sont plus soumis aux dispositions de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée ...", M. Y... aurait pu prétendre à un droit au bail librement négocié si son appartement avait été vacant ; qu'en effet le respect des normes de confort et d'habitabilité n'était plus une condition devant être remplie préalablement à la passation d'un nouveau bail échappant aux contraintes de la loi du 1er septembre 1948, mais pouvait ne plus résulter que d'un accord conclu entre le bailleur et le locataire, le cas échéant sous le contrôle du juge ; que, toutefois, en l'absence de toute indication apportée par M. Y..., ainsi qu'il a été dit précédemment, sur l'état réel de son appartement et, notamment, sur le point de savoir s'il répondait à des conditions de confort suffisantes pour justifier l'indemnité de 4.OOO F sollicitée, il sera fait une juste appréciation du cas de l'espèce en fixant cette indemnité à 2.OOO F, somme qu'il aurait pu, en tout état de cause, obtenir pour la location des lieux ; qu'il s'ensuit que l'indemnité due à M. Y... pour cette seconde période est de 15.933,31 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 24.000 F que l'Etat a été condamné à payer à M. Y... doit être ramenée à 18.268,83 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Y... a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité pour perte de loyers et charges à compter du 16 octobre 1986, date à laquelle une demande d'indemnité a été présentée à l'administration ; qu'à cette date seule doit produire intérêt, la fraction de l'indemnité correspondant à des loyers échus ; le surplus, représenté par le montant des loyers et charges jusqu'au 21 août 1987, doit porter intérêt à compter des dates d'échéance successives des loyers ;

Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation a été demandée le 4 novembre 1988 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 9 septembre 1988 reprises à l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 10.000 F qu'il demande ;
Article 1er : La somme de 24.000 F que l'Etat a été condamné à verser à M. Y... est ramenée à 18.268,83 F.
Article 2 : La fraction de la somme de 18.268,83 F représentant le montant des loyers et charges locatives dus à M. Y... et arrivés à échéance le 16 octobre 1986 portera intérêts à compter de cette date. Le surplus, représenté par le montant des loyers et charges dus par l'Etat jusqu'au 21 août 1987, portera intérêts à compter des dates d'échéance respectives de ces loyers et charges.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 janvier 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les intérêts échus à la date du 4 novembre 1988 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'intérieur et du recours incident de M. Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA01765
Date de la décision : 03/07/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE - Refus de concours de la force publique - Préjudice indemnisable - Montant de l'indemnité due au propriétaire - Locaux soumis à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.

60-02-03-01-03, 60-04-03-02-01 L'article 76 de la loi n° 82-526 du 22 juin 1982 prévoit que la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 cesse d'être applicable quand le bailleur a passé un contrat avec l'Etat en vue de réaliser des travaux destinés à améliorer le confort et l'habitabilité des lieux : ce contrat est une simple faculté donnée au bailleur et non une obligation pour celui-ci. L'absence d'un tel contrat ne peut donc, par elle-même, justifier le refus de réparer la perte des loyers afférents à un logement sorti du champ d'application de la loi du 1er septembre 1948. Toutefois, jusqu'à la date d'application de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les dispositions du décret n° 78-924 du 22 août 1978 modifié font obstacle à ce qu'un local soumis à la loi du 1er septembre 1948 et devenu vacant soit loué librement en application de l'article 3 quinquies de cette dernière loi, tant que sa mise en conformité avec les normes d'habitabilité et de confort définies dans ce décret n'est pas établie. Il résulte de l'article 25 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 que les locaux vacants et antérieurement soumis au régime de la loi du 1er septembre 1948 peuvent être donnés librement à bail alors même que les normes d'habitabilité et de confort ne sont pas remplies préalablement à la passation du bail, le respect de ces conditions pouvant faire l'objet d'un accord conclu entre le bailleur et le locataire, le cas échéant sous le contrôle du juge judiciaire. Il en résulte qu'en l'absence de preuves apportées par le propriétaire sur l'état réel des locaux, l'indemnisation à laquelle il peut prétendre ne saurait excéder, pour la période antérieure à la date d'application de la loi du 23 décembre 1986, le montant des loyers versés au titre de la loi du 1er septembre 1948, et, pour la période postérieure à cette date, celui des loyers qu'il aurait pu obtenir en tout état de cause compte tenu de la dimension et de la situation des lieux.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - Loyers - Locaux soumis à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222
Décret 78-924 du 22 août 1978 art. 1, art. 2
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Loi 48-1360 du 01 septembre 1948 art. 3 quinquies
Loi 82-526 du 22 juin 1982 art. 76
Loi 86-1290 du 23 décembre 1986 art. 25


Composition du Tribunal
Président : M. Massiot
Rapporteur ?: M. Guillou
Rapporteur public ?: M. Dacre-Wright

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1990-07-03;89pa01765 ?
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