Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour Mme X... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Suzette X... demeurant à Ravine-Vilaine 87200 Fort-de-France, par la S.C.P. LYON-CAEN, FABIANI, LIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés respectivement les 9 mai et 1er septembre 1988 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat ; Mme X... demande :
1°) d'annuler le jugement n°2/86 en date du 9 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 25.000 F en réparation du préjudice subi du fait de son expulsion du logement administratif qu'elle occupait ;
2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme assortie des intérêts de droit et de la capitalisation de ceux-ci ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 19 juin 1990 :
- le rapport de M. SIMONI, conseiller,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;
Considérant que le directeur départemental des télécommunications de la Martinique, pour faciliter l'installation dans ce département de Mme X..., assistante sociale affectée dans ses services, a autorisé cet agent à occuper gratuitement pendant une durée de deux mois à compter du 28 août 1984 un logement administratif appartenant à l'Etat ; que l'intéressée qui a bénéficié de la prolongation de cette autorisation successivement jusqu'au 10 novembre, puis au 10 décembre et enfin jusqu'au 20 décembre 1984, n'avait pas libéré les lieux le 21 décembre 1984 ; qu'à cette dernière date, ses affaires personnelles ont été retirées du logement pour être tenues à sa disposition en un autre lieu ; que Mme X..., qui a demandé en première instance la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant de cette expulsion, reprend en appel les mêmes conclusions et sollicite, en outre, le versement des intérêts de droit et la capitalisation de ceux-ci ;
Considérant qu'en faisant procéder à l'expulsion d'office de Mme X..., le directeur départemental des télécommunications de la Martinique a porté atteinte à l'inviolabilité du domicile privé et, par suite, à la liberté individuelle de l'intéressée ; que l'administration qui, pour obtenir l'expulsion recherchée, disposait d'une procédure juridictionnelle, ne démontre pas que l'urgence qu'elle allègue lui aurait interdit de recourir à une telle procédure ; qu'ainsi, l'expulsion d'office de la requérante a constitué une voie de fait ; que, par suite, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître de l'action en indemnité introduite par Mme X... ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement en date du 9 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France s'est reconnu compétent pour connaître de la demande présentée par Mme X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 9 février 1988 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par Mme X... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.