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26/06/1990 | FRANCE | N°89PA01585

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 26 juin 1990, 89PA01585


Vu l'ordonnance en date du 24 janvier 1989 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la Ville de Nanterre ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour la Ville de Nanterre, représentée par son maire, à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date du 25 avril 1985, par la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard,

avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enre...

Vu l'ordonnance en date du 24 janvier 1989 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la Ville de Nanterre ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour la Ville de Nanterre, représentée par son maire, à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date du 25 avril 1985, par la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 28 avril et le 22 octobre 1986 ; la Ville de Nanterre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 52895/4M-52896/4M du 26 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris :
1°) a annulé les décisions implicites de son maire rejetant la demande de la socité "Fonderies Montupet" tendant à l'indemnisation du préjudice résultant des obstacles mis par le maire et des conseillers municipaux de la commune requérante à l'exécution des décisions de justice ordonnant la reprise des machines entreposées dans l'usine de Nanterre et l'expulsion des anciens salariés occupant les locaux ;
2°) l'a condamnée, d'une part, à verser à la société précitée la somme de 616.400 F, et d'autre part, à supporter un cinquième de la charge des intérêts avec capitalisation des intérêts échus le 29 novembre 1985 ;
3°) a mis à sa charge une partie des frais d'expertise pour un montant de 19.760,22 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 12 juin 1990 :
- le rapport de M. Courtin, président-rapporteur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la Ville de Nanterre et celles de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la société "Fonderies Montupet",
- et les conclusions de M. Dacre-Wright, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la Ville de Nanterre affirme que le jugement est entaché d'irrégularité faute de comporter réponse "aux chefs pertinents de ses conclusions", elle n'assortit cette allégation d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;
Considérant que la répartition des frais d'expertise opérée par le tribunal entre l'Etat et la Ville de Nanterre proportionnellement à la répartition entre ces personnes publiques de la charge de la réparation à apporter à la société "Fonderies Montupet" ne comporte aucune équivoque et n'appelait pas de motivation particulière ;
Sur la responsabilité de la Ville de Nanterre :
Considérant que la participation, ès qualité, de membres du conseil municipal de la Ville de Nanterre à des manifestations organisées dans l'enceinte de l'usine de la société "Fonderies Montupet" pour apporter leur soutien aux personnels licenciés occupant illégalement les lieux et dont l'expulsion avait été ordonnée par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, la fourniture par la ville d'une aide matérielle spécialement destinée à faciliter à ces personnels leur maintien dans cette enceinte, ne peuvent être regardées que comme des agissements ayant pour but ou pour effet de permettre aux intéressés de s'opposer à l'exécution d'une décision de justice et de réduire les possibilités pour l'Etat d'apporter le concours de la force publique nécessaire à une telle exécution ; que, dès lors, ces agissements constituent une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité territoriale vis-à-vis de ladite société ;
Considérant que si la Ville de Nanterre entend être exonérée de sa responsabilité en alléguant que le préjudice dont se prévaut la société "Fonderies Montupet" est imputable au refus de l'Etat d'apporter le concours de la force publique nécessaire à l'exécution des décisions judiciaires intervenues, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de la part que la faute de la commune a eue dans la réalisation dudit préjudice en la condamnant à en réparer le cinquième ;
Sur la réparation :
Considérant que l'occupation des locaux a eu pour conséquence de faire supporter à la société "Fonderies Montupet" des frais d'assurances pour la période postérieure au 15 février 1984, supérieurs à ceux qu'elle aurait eu à charge si elle avait pu normalement fermer ses installations et réaliser leur cession ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en en fixant le montant à 280.000 F ; qu'il suit de là que la Ville de Nanterre est fondée à soutenir que l'évaluation retenue par le tribunal administratif de Paris est excessive ;
Considérant que si la Ville de Nanterre allègue que l'évaluation des autres chefs de préjudice faite par le tribunal administratif de Paris est exagérée, elle n'apporte au soutien de son allégation qu'une argumentation non assortie des précisions nécessaires pour permettre d'en apprécier la pertinence ;
Sur les conclusions incidentes de la société "Fonderies Montupet" :

Considérant que si la société "Fonderies Montupet" demande la condamnation de l'Etat et de la Ville de Nanterre à lui payer la somme de 14.403.395,08 F, représentant les frais généraux et les coûts d'immobilisation des machines, des matériels et des terrains qu'elle a supportés du fait de l'occupation de ses locaux, elle ne produit à l'appui de cette demande aucune justification de nature à établir que le tribunal administratif de Paris a fait une évaluation insuffisante de la réparation à lui accorder du chef de ces préjudices ; que ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la demande de capitalisation des intérêts :
Considérant que si, par son mémoire enregistré le 24 novembre 1986, la société "Fonderies Montupet" demande la capitalisation des intérêts échus, il ne s'est pas, à cette date, écoulé une année depuis la précédente demande du 29 novembre 1985 à laquelle le jugement a fait droit, sauf en ce qui concerne la somme de 320.000 F, mentionnée par ce jugement et dont les intérêts avaient commencé à courir le 19 octobre 1985 ; qu'en revanche pour cette dernière somme, à cette date, il était dû, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, et conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de ne faire droit à la demande qu'en tant qu'elle se rapporte aux intérêts échus depuis le 15 octobre 1985 et afférents à la somme précitée de 320.000 F ;
Article 1er : La somme de 616.400 F que la Ville de Nanterre a été condamnée à payer à la société "Fonderies Montupet" est ramenée à 586.800 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les intérêts de la somme de 320.000 F échus le 24 novembre 1986 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Ville de Nanterre et de l'appel incident de la société "Fonderies Montupet" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 89PA01585
Date de la décision : 26/06/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE - Police - Commune apportant un soutien public à une occupation des locaux d'une société par son personnel - Partage de responsabilité avec l'Etat pour refus de concours de la force publique.

60-01-02-02-02, 60-01-03 Commet une faute de nature à engager sa responsabilité envers une société dont les locaux sont illégalement occupés par son personnel licencié, la commune qui apporte aux occupants un soutien public par des manifestations organisées dans les locaux avec la participation de membres du conseil municipal, ainsi qu'une aide matérielle facilitant leur maintien dans les lieux ; responsabilité partagée entre la commune (pour un cinquième) et l'Etat (pour quatre cinquièmes) qui a refusé d'accorder le concours de la force publique pour procéder à l'expulsion des occupants ordonnée par une décision de justice.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - Agissements administratifs constitutifs d'une faute - Soutien apporté par une commune à l'occupation illégale de leur ancienne entreprise par des salariés licenciés - Faute de nature à engager la responsabilité de la commune.


Références :

Code civil 1154


Composition du Tribunal
Président : M. Rivière
Rapporteur ?: M. Courtin
Rapporteur public ?: M. Dacre-Wright

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1990-06-26;89pa01585 ?
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