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29/05/1990 | FRANCE | N°89PA00913

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre, 29 mai 1990, 89PA00913


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour le Centre hospitalier général (CHG) de Saint-Denis, dont le siège social est ..., par la SCP Le Prado ; ils ont été enregistrés au greffe de la cour les 9 janvier et 26 avril 1989 ; le Centre hospitalier général de Saint-Denis demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 1988 du tribunal administratif de Paris le condamnant à verser à Mme X... tant en son nom personnel que pour son mari et ses enfants mineurs une indemnité de 1.650.000 F et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris

une indemnité de 1.063.485,80 F ;
2°) de rejeter les demandes des co...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour le Centre hospitalier général (CHG) de Saint-Denis, dont le siège social est ..., par la SCP Le Prado ; ils ont été enregistrés au greffe de la cour les 9 janvier et 26 avril 1989 ; le Centre hospitalier général de Saint-Denis demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 1988 du tribunal administratif de Paris le condamnant à verser à Mme X... tant en son nom personnel que pour son mari et ses enfants mineurs une indemnité de 1.650.000 F et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris une indemnité de 1.063.485,80 F ;
2°) de rejeter les demandes des consorts X... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 2 mai 1990 :
- le rapport de Mme Lackmann, conseiller,
- les observations de la S.C.P J. Le Prado, D. Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le Centre hospitalier général de Saint-Denis et celles de Me Afoua-Geay, avocat à la cour, pour Mme X...,
- et les conclusions de M. Dacre-Wright, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité
Considérant qu'au cours de l'opération chirurgicale qu'il a subie le 2 juin 1983 au Centre hospitalier général de Saint-Denis, M. Kodjo X... a été victime, peu de temps après le début de son anesthésie générale, d'un collapsus circulatoire ; que, malgré sa réanimation après 23 minutes de coma, il reste atteint de lésions cérébrales irréversibles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise ordonnés par le tribunal administratif de Paris, que, si diverses mesures ont été prises par l'anesthésiste dès la disparition du pouls radial, un massage cardiaque externe n'a pas été immédiatement pratiqué par le chirurgien et que ce n'est qu'après l'arrivée d'un deuxième anesthésiste, environ trois minutes plus tard, qu'il fut effectué ; qu'eu égard à la gravité des lésions cérébrales provoquées par un tel incident opératoire, le délai anormalement long au bout duquel le massage cardiaque fut pratiqué est constitutif d'une faute lourde ; que, dès lors, le Centre hospitalier général de Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de l'accident d'anesthésie subi par M. X... ;
Sur l'évaluation du préjudice
Considérant que M. X..., alors âgé de 34 ans, dont l'état doit être, selon le rapport d'expertise, considéré comme consolidé le 10 septembre 1985, reste atteint d'une incapacité permanente totale nécessitant une hospitalisation constante dans un établissement spécialisé, que les souffrances physiques endurées, ainsi que le préjudice d'agrément, sont qualifiés de très importants et que le préjudice esthétique est qualifié de léger ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation de l'ensemble des chefs de préjudice subis par M. X... en lui allouant une indemnité de 1.900.000 F dont 800.000 F. doivent être regardés comme reparant les troubles physiologiques subis par la victime ;
Considérant qu'en fixant à 60.000 F l'indemnité due à Mme X... et à 30.000 F l'indemnité due à chacun de ses trois enfants, le tribunal n'a pas fait une inexacte évaluation du préjudice moral qu'ils ont subi;
Considérant qu'il y a lieu pour évaluer le préjudice global résultant de l'accident d'ajouter aux sommes susmentionnées les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation pris en charge par la caisse primaire jusqu'à la date de consolidation, soit 551.858,40 F ; qu'ainsi le préjudice total dont la réparation doit être mise à la charge du centre hospitalier s'élève à la somme de 2.601.858,40 F ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurances maladie de Paris :

Considérant qu'aux termes de l'article L.397 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 1973 : "Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique et d'agrément";
Considérant que les débours de la caisse exposés après le 10 septembre 1985, date de consolidation de son état, soit 511.626,80 F doivent être imputés sur la part de l'indemnité due à la victime et réparant les troubles physiologiques subis, soit 800.000 F ; que la créance de la caisse étant inférieure à cette somme, elle peut-être intégralement recouvrée ;
Sur les droits de M. X... :
Considérant que M. X... ne peut prétendre, après imputation des droits de la caisse, qu'au paiement de la somme de 288.373,20 F au titre de la réparation des troubles physiologiques subis et de la somme de 1.100.000 F. au titre de la part d'indemnité de caractère personnel ; qu'ainsi l'indemnité totale due à M. X... est de 1.388.373,20 F ;
Article 1 : L'indemnité de 1.650.000 F que le Centre hospitalier de Saint-Denis a été condamné à verser à Mme X..., pour elle-même et en sa qualité de tutrice légale de son mari et de ses enfants est ramenée à 1.538.373,20 F.
Article 2 : Le jugement du 3 novembre 1988 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier et le surplus de l'appel incident de Mme X... sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 89PA00913
Date de la décision : 29/05/1990
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE LOURDE - EXECUTION DU TRAITEMENT OU DE L'OPERATION -Incident survenu au cours d'une opération - Délai anormalement long au bout duquel un massage cardiaque a été pratiqué eu égard à la gravité de l'incident.

60-02-01-01-02-01-04 Peu après le début d'une anesthésie générale, M. D. a été victime d'un collapsus circulatoire. Si diverses mesures ont été prises par l'anesthésiste dès la disparition du pouls radial, un massage cardiaque externe n'a été pratiqué que trois minutes plus tard. Eu égard à la gravité des lésions cérébrales provoquées par un tel incident opératoire, le délai anormalement long au bout duquel le massage cardiaque fut pratiqué est constitutif d'une faute lourde.


Références :

Code de la sécurité sociale L397
Loi 73-1200 du 27 décembre 1973


Composition du Tribunal
Président : M. Massiot
Rapporteur ?: Mme Lackmann
Rapporteur public ?: M. Dacre-Wright

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1990-05-29;89pa00913 ?
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