La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/1989 | FRANCE | N°89PA00316

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 03 octobre 1989, 89PA00316


VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en appli-cation de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société anonyme ROSENGRENS ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour la société anonyme ROSENGRENS dont le siège social est 30 place de la Loire à Rungis (95593) par Me ANCEL, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au s

ecrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier et 18 mai 1987 ...

VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en appli-cation de l'article 17 du décret n°88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société anonyme ROSENGRENS ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour la société anonyme ROSENGRENS dont le siège social est 30 place de la Loire à Rungis (95593) par Me ANCEL, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier et 18 mai 1987 ; la société anonyme ROSENGRENS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 54650 du 6 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément de la taxe à la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1982 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ainsi que des pénalités dont ces impositions ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87.1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88.707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88.906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 19 septembre 1989 :
- le rapport de M. DUHANT, conseiller ;
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 256-1 et 261-5 A du code général des impôts dans leurs rédactions applicables que les subventions d'une société-mère à sa filiale sous forme d'abandons de créances sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée et que les suppléments d'apports n'y sont pas soumis ;
Considérant que par résolution de son assemblée générale du 14 juin 1982 la société anonyme ROSENGRENS FRANCE, filiale de la société suédoise E A ROSENGRENS AB a décidé de procéder à une augmentation de capital sous forme d'apport en numéraires, la souscription étant libérée par compensation avec les créances que la société-mère détenait sur sa filiale, puis de réduire le capital social par imputation des pertes cumulées résultant des exercices antérieurs ; que la décision a été réalisée le 7 septembre 1982 ; que la réduction du capital a été opérée en conformité des dispositions de l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction applicable aux termes duquel en cas de perte des trois quarts du capital si la dissolution de la société n'est pas prononcée celle-ci est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu être imputées sur les réserves ;
Considérant que l'administration sur le fondement de l'article L.64 du livre des procédures fiscales a considéré que les opérations susrelatées dissimulaient en réalité un abandon de créance de caractère commercial permettant à la société-mère de compenser les pertes supportées par sa filiale en présentant cet abandon sous les apparences d'une augmentation de capital suivie d'une réduction pour permettre à la filiale de continuer à diffuser les produits de la mère sur le territoire français, et a en conséquence infligé à la société l'amende prévue à l'article 1732 du code général des impôts ;
Considérant que selon l'article L.64 du livre des procédures fiscales "ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses ...5 qui permettent d'éviter en totalité ou en partie le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis du comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; que pour l'application de ces dispositions il revient au service des impôts d'établir soit que les actes qu'il entend écarter ont un caractère fictif soit qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé s'il n'avait pas passé ces actes aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant en premier lieu que les résolutions susrappelées de l'assemblée générale de la société anonyme ROSENGRENS FRANCE et leur réalisation sont effectivement intervenues et ont été prises selon leur lettre même pour mettre en conformité la situation de la société avec les dispositions susrapportées de la loi du 24 juillet 1966 relatives au rapport entre le capital et l'actif net ; qu'elles n'ont pas ainsi présenté un caractère fictif ;
Considérant en second lieu qu'il résulte de l'instruction que le choix effectué par les sociétés en cause de l'apport d'une créance suivi d'une diminution du même montant du capital par imputation des pertes a notamment procédé, aux dates où il a été décidé puis réalisé, du souci tant de mettre la société anonyme ROSENGRENS FRANCE en conformité avec ses obligations légales au regard de la législation sur les sociétés que de celui d'apurer le bilan de la filiale ; que la réalité d'une telle intention n'est pas infirmée, contrairement à ce que soutient l'administration, par le seul fait qu'à la clôture de l'exercice 1982 le bilan ait fait apparaître une insuffisance d'actif net résultant d'une nouvelle perte postérieure aux opérations litigieuses, dès lors qu'il n'est pas établi que, nonobstant les situations déficitaires antérieures, qui d'ailleurs n'avaient pas été constantes, la société ait pu aux dates où elles ont été décidées et réalisées obligatoirement présumer que l'évolution ultérieure les rendrait inopérantes au regard des obligations légales auxquelles elles avaient notamment pour objet de se conformer ; que d'ailleurs il n'est pas contesté que si la société avait choisi pour apurer la situation la modalité d'un abandon de créance la taxe subséquente sur la valeur ajoutée aurait été supportée par la société-mère suédoise, mais remboursée à celle-ci par le Trésor français ; que dans ces circonstances l'administration n'établit pas que le choix de l'augmentation de capital par apport de créance suivi d'une diminution de capital de même montant par imputation des pertes n'ait pu être inspiré par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales afférentes à l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de la subvention constituée par l'abandon de créance ; que par suite les opérations en cause qui n'avaient pas un caractère commercial, relevaient bien de l'article 261-5-1 du code général des impôts ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement entrepris et d'accorder à la requérante la décharge des impositions à la T.V.A. et de l'amende prévue à l'article 1732 du code général des impôts litigieuses ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 6 novembre 1986 est annulé.
Article 2 : La société anonyme ROSENGRENS FRANCE est déchargée du supplément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er février 1982 au 31 décembre 1982 ainsi que des pénalités dont ce supplément a été majoré.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme ROSENGRENS FRANCE et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 89PA00316
Date de la décision : 03/10/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - PRESCRIPTION


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L64
CGI 261 par. 5, 256 par. 1, 1732
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 68


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: DUHANT
Rapporteur public ?: BERNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-10-03;89pa00316 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award