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27/06/1989 | FRANCE | N°89PA00002

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 27 juin 1989, 89PA00002


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la ville de Neuilly s/Seine ;
Vu la requête, le mémoire complémentaire et les observations complémentaires présentés pour la ville de Neuilly s/Seine par la société civile professionnelle Peignot-Garreau, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés a

u secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 mars, 20 juillet...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la ville de Neuilly s/Seine ;
Vu la requête, le mémoire complémentaire et les observations complémentaires présentés pour la ville de Neuilly s/Seine par la société civile professionnelle Peignot-Garreau, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 mars, 20 juillet et 14 août 1987 ; la ville de Neuilly s/Seine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné 1°/ conjointement et solidairement avec la société SCREG Ile-de-France, à verser à la société Gérard Vacher Entreprises la somme de 14 732 F avec intérêts de droit à compter du 28 février 1986, en réparation des désordres occasionnés au local commercial de cette société, situé boulevard Vital Bouchot, lors des travaux de rénovation des trottoirs de l'Ile de la Jatte ; 2°/ à garantir la société SCREG des condamnations encourues ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Gérard Vacher devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de condamner la société SCREG Ile-de-France à garantir la ville des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 13 juin 1989 :
- le rapport de M. Farago, conseiller,
- les observations de la SCP PEIGNOT, GARREAU pour la ville de Neuilly et de Me X... pour la Sté SCREG Ile-de-France,
- et les conclusions de M. Bernault, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1984 la ville de Neuilly s/Seine a confié à la société SCREG Ile-de-France des travaux de rénovation des trottoirs du boulevard Vital-Bachot ; qu'au cours de l'exécution desdits travaux ladite société a procédé à la démolition des trottoirs au marteau-piqueur ; qu'à la suite d'un affaissement de ses fondations, les parties vitrées de l'entrée des locaux exploités par la SARL Gérard Vacher ont été détériorées ; que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris, d'une part, a condamné solidairement la ville de Neuilly s/Seine et la société SCREG à verser à la SARL Gérard Vacher une indemnité de 14 232 F au titre des travaux de réparation et une indemnité de 500 F à titre de préjudice commercial, et, d'autre part, a décidé que la ville de Neuilly s/Seine garantira la société SCREG de la totalité des sommes mises à sa charge ;
Sur la responsabilité de la ville de Neuilly s/Seine et de la société SCREG
Considérant que la ville et la société SCREG soutiennent qu'en l'espèce la société Vacher a, vis-à-vis de la voie publique concernée par les travaux litigieux, la qualité d'un usager et que, de ce fait, seul un défaut d'entretien normal du chantier peut engager leur responsabilité ; que le riverain d'une voie publique n'est usager de celle-ci qu'en tant qu'il l'utilise et non en raison de sa seule qualité de riverain ; que dès lors, la façade d'entrée de la société Vacher n'ayant pas été endommagée à l'occasion de l'usage par cette société de la voie publique, ladite société a, dans les circonstances de l'espèce, la qualité d'un tiers ;
Considérant que, même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage ainsi que l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables, vis-à-vis des tiers, des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'est pas contesté que les désordres litigieux sont exclusivement imputables aux travaux exécutés par la société SCREG pour le compte de la ville de Neuilly ; que dans ces conditions la ville de Neuilly s/Seine et, par la voie de l'appel provoqué, la société SCREG ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif les a déclarées solidairement responsables et les a condamnées, sous la même solidarité, à réparer le préjudice subi par la société Gérard Vacher ;
Sur l'étendue du préjudice
Considérant, en premier lieu, que la ville de Neuilly s/Seine soutient qu'en retenant la somme figurant sur les factures présentées par la société Vacher le tribunal administratif s'est contenté d'une évaluation "purement unilatérale" ; qu'en n'apportant aucun élément de nature à faire apparaître le caractère exagéré de la somme figurant sur les factures litigieuses, la requérante n'est pas fondée à contester le montant des réparations s'élevant à 14 232 F ;

Considérant, en second lieu, que la ville affirme que la réfection du béton des seuils n'était pas nécessaire et que la pose des boitiers de frein neufs constitue un enrichissement pour la société Vacher compte tenu de la vétusté des anciens boitiers ; que les pièces figurant au dossier établissent que, contrairement aux affirmations de la requérante, la nature des désordres a rendu nécessaire la réfection des seuils ; que, s'agissant des boitiers, il n'est allégué ni que leur remplacement corresponde à d'autres travaux que ceux qui étaient strictement nécessaires ni que ce remplacement ne constitue pas le procédé de remise en état le moins onéreux ; que dès lors l'éventuelle amélioration de l'état de la porte ne justifie pas un abattement pour vétusté ; qu'il suit de là que le préjudice de la société Vacher doit être fixé, au titre des réparations, à la somme susindiquée de 14 232 F, somme à laquelle s'ajoute l'indemnité de 500 F retenue par les premiers juges au titre de la gêne commerciale invoquée par ladite société et dont le bien-fondé n'a pas été contesté en appel ;
Sur l'appel en garantie formé par la ville de Neuilly s/Seine
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le tribunal administratif a accordé la garantie de la ville à la société SCREG alors que cette dernière n'avait pas présenté une telle demande ; qu'en revanche il a omis de statuer sur les conclusions de la ville de Neuilly s/Seine tendant à ce que la société SCREG lui apporte sa garantie ; que le tribunal ayant ainsi méconnu l'étendue des conclusions présentées devant lui par les parties, le jugement litigieux doit être annulé d'une part en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions dont il s'agit de la ville de Neuilly, d'autre part en tant qu'il a condamné ladite ville à garantir la société SCREG ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions susvisées de la ville de Neuilly ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de la société SCREG : "l'entrepreneur a, à l'égard du maître de l'ouvrage, la responsabilité pécuniaire des dommages aux personnes et aux biens causés par la conduite des travaux ou les modalités de leur exécution, sauf s'il établit que cette conduite et ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordres de service, ou sauf si le maître de l'ouvrage, poursuivi par le tiers victime ... a été condamné sans avoir appelé l'entreprise en garantie devant la juridiction saisie" ; que si les travaux litigieux ont été menés sous la conduite des services techniques de la ville de Neuilly, les pièces figurant au dossier n'établissent pas que les dommages subis par la société Vacher résultent nécessairement des stipulations du marché ou des prescriptions contenues dans des ordres de service adressés par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur ; que, notamment, si la destruction des fondations du trottoir faisait partie des travaux prescrits, les désordres en cause ne résultent pas de la nature de ces travaux mais sont imputables à l'absence de précautions prises lors de leur exécution ; qu'en conséquence la ville de Neuilly n'ayant pas omis d'appeler en garantie la société SCREG devant la juridiction saisie par la victime il convient de faire application de l'article précité du cahier des clauses administratives générales et de condamner la société SCREG à garantir la ville de Neuilly s/Seine des sommes mises à sa charge par le tribunal administratif ;

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 décembre 1986 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions en garantie formées par la ville de Neuilly s/Seine contre la société SCREG et en tant qu'il a condamné la ville de Neuilly s/Seine à garantir ladite société des condamnations prononcées à son encontre.

Article 2 : La société SCREG est condamnée à garantir la ville de Neuilly s/Seine des condamnations prononcées contre elle par le tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ville de Neuilly s/Seine ainsi que les conclusions en appel provoqué de la société SCREG sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Neuilly s/Seine, à la société SCREG et à la société Gérard Vacher.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 89PA00002
Date de la décision : 27/06/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE TIERS.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS - TRAVAUX PUBLICS DE VOIRIE.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: FARAGO
Rapporteur public ?: BERNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-06-27;89pa00002 ?
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