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28/03/1989 | FRANCE | N°89PA00163;89PA00164

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 28 mars 1989, 89PA00163 et 89PA00164


Vu 1° sous le n° 89 PA00163 l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par M. X... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Jean-Philippe X..., demeurant ..., par la société civile professionnelle PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au

secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 12 janvier et 4 mai 19...

Vu 1° sous le n° 89 PA00163 l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par M. X... ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Jean-Philippe X..., demeurant ..., par la société civile professionnelle PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 12 janvier et 4 mai 1987 ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement n° 22252/82-1 du 21 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti, au titre de l'année 1974, dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine ;
2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée ;
Vu 2° sous le n° 89 PA00164, l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la privatisation, chargé du budget ;
Vu la requête présentée par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 mars 1987 ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1° de décider que M. Jean-Philippe X... sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre des années 1974, 1975, 1976, et de la majoration exceptionnelle pour 1975, à concurrence du montant des droits et pénalités dont le tribunal a accordé la décharge par le jugement précité du 21 octobre 1986 ;
2° de réformer en ce sens le jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 14 mars 1989 :
- le rapport de M. DUHANT, conseiller,
- les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. X... et celle du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si l'expédition du jugement attaqué, qui a été notifiée au requérant, ne comporte pas l'intégralité des visas de cette décision, il ressort de l'examen des pièces du dossier que le tribunal a statué de manière expresse sur les conclusions et les moyens dont il se trouvait saisi ; qu'ainsi son jugement ne peut être regardé comme entaché d'une irrégularité de nature à en entraîner l'annulation ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux de l'année 1974 :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : "2. L'administration fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé" ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par le requérant que, du 1er janvier au 31 juin 1974, son activité a consisté en l'exploitation d'une galerie de vente d'objets d'art, dite "Galerie ALTMANN-CARPENTIER" ; qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier des déclarations fiscales produites par l'entreprise sous la signature du requérant, que les bénéfices et les pertes réalisés depuis le 1er octobre 1971, étaient partagés à égalité entre M. X... et M. Y... et que le requérant participait à la gestion de l'entreprise ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme ayant établi que la "Galerie ALTMANN-CARPENTIER" était exploitée sous la forme d'une société de fait ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. X..., le 18 décembre 1978, une notification de redressements concernant ses revenus de l'année 1974 ; que celle-ci indiquait l'année concernée, la nature et le montant des redressements envisagés ; que si les motifs des redressements relatifs aux bénéfices industriels et commerciaux étaient donnés à l'intéressé par référence aux rehaussements des bénéfices imposables de la "Galerie ALTMANN-CARPENTIER" en proportion de ses droits dans celle-ci, il n'est pas fondé, eu égard aux modalités selon lesquelles les résultats d'une entreprise exploitée en société de fait doivent être imposés, à soutenir que la notification qui lui a été personnellement adressée était insuffisamment motivée pour ce chef de redressement et que la procédure d'imposition aurait été irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 1966 du code général des impôts, alors en vigueur : "1. Les omissions totales ou partielles constatées dans l'un quelconque des impôts ou taxes désignés au livre 1er ... ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des im positions ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'aux termes de l'article 1975 du même code : "Les prescriptions sont interrompues par des notifications de redressements ..." ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X... a reçu le 18 décembre 1978 une notification de redressements régulière au regard des dispositions de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts ; que celle-ci a interrompu la prescription en ce qui concerne le redressement des bénéfices industriels et commerciaux, au titre de l'année 1974, dans la limite indiquée de 801 764 F ; que la circonstance que cette somme correspond à celle qui avait été retenue au titre d'une autre année est sans influence sur l'interruption de prescription, dès lors que l'administration, qui a établi les impositions supplémentaires sur la base d'un montant de 312 631 F, a exercé son droit de reprise dans la limite des redressements notifiés ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X... a participé à égalité avec M. Y... à l'exploitation d'une société de fait ; qu'ainsi, l'administration était fondée à inclure dans le revenu imposable de M. X..., au titre de l'année 1974, 50 % des bénéfices réalisés par la société de fait au cours de la même année ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes de la société de fait, au cours de la période du 1er janvier au 30 juin 1974, faisaient l'objet non d'une comptabilisation au jour le jour, mais d'une récapitulation périodique, généralement lors de la réception des relevés bancaires ; que des achats étaient comptabilisés globalement, rendant impossible pour certains articles le contrôle des stocks ; que le contrôle effectué a révélé que des ventes n'avaient pas été comptabilisées ; que la valeur des stocks dans l'inventaire établi à la fin de l'exercice 1973 était minorée ; qu'enfin, l'inventaire du stock au 30 juin 1974 n'a pu être présenté ; que, dans ces conditions, l'administration était en droit de considérer que la comptabilité était dépourvue de valeur probante ; qu'ainsi la société était en situation de voir son bénéfice rectifié d'office ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, l'administration, lorsqu'elle est en droit de rectifier d'office les bases d'imposition, n'est pas tenue de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les bénéfices déclarés par la société de fait ont été rectifiés d'office à l'issue d'une procédure régulière ; qu'il appartient à M. X... qui demande la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu consécutive à ce redressement, d'apporter la preuve de l'exagération de la base d'imposition ;

Considérant que si M. X... critique la méthode employée par le vérificateur pour reconstituer le bénéfice imposable de la galerie "ALTMANN-CARPENTIER", en soutenant, en particulier, que le coefficient de marge brute retenu est invraisemblable et que les frais réellement exposés par l'entreprise n'ont pas été pris en compte, il n'appuie ces allégations d'aucun élément de nature à en démontrer le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions relatives à l'imposition assise sur les bénéfices industriels et commerciaux mentionnés ci-dessus ;
En ce qui concerne les sommes taxées d'office, au titre des années 1974, 1975, 1976 :
Sur la procédure d'imposition :
Considérant que le jugement attaqué a accordé à M. X... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1974, 1975, 1976, dans la mesure où ils résultaient de la taxation d'office de crédits bancaires dont l'origine est restée inexpliquée ; que les premiers juges se sont fondés sur ce que ces impositions avaient été établies à l'issue d'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. X... entreprise en méconnaissance de prescriptions de l'article 1649 septies du code général des impôts, applicable en l'espèce ;
Considérant qu'aux termes de cet article : "Les contribuables peuvent se faire assister au cours des ... vérifications approfondies de leur situation fiscale d'ensemble d'un conseil et doivent être avertis de cette faculté, à peine de nullité de la procédure. Dans tous les cas, la procédure de vérification doit comporter l'envoi d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification en mentionnant expressément la faculté par le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix" ;
Considérant que, lorsqu'en application de ces dispositions, l'administration avise le contribuable qu'elle entreprend une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, elle doit, avant d'effectuer, désormais, toute démarche tendant à recueillir, pour les besoins de cette vérification, des informations ou des documents soit auprès du contribuable lui-même, soit auprès de tiers, laisser à ce contribuable un délai suffisant pour lui permettre de s'assurer l'assistance d'un conseil de son choix ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a accusé réception, le 15 février 1978, d'un avis l'informant qu'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble des années 1974, 1975 et 1976 allait être entreprise et mentionnant expressément qu'il aurait la faculté de se faire assister, à cette occasion, par un conseil de son choix ; que M. X... ne saurait prétendre que cette vérification a débuté le 3 février 1978 à son insu, alors qu'il résulte de l'instruction que, si cette date a été mentionnée sur la notification de redressements qui lui a été adressée le 18 décembre 1978, le vérificateur n'a entrepris des démarches tendant à recueillir auprès des tiers des informations et des documents nécessaires à la vérification qu'après le 28 mars 1978, date à laquelle M. X... avait été invité à se présenter dans les bureaux de l'administration ; que dans ces conditions, M. X... a disposé d'un délai suffisant pour lui permettre de s'assurer l'assistance d'un conseil de son choix ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les dispositions précitées de l'article 1649 septies du code général des impôts n'avaient pas, en l'espèce, été respectées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et en appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts applicable en l'espèce : " ...l'administration vérifie les déclarations ... Elle peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration ..." ; que selon l'article 179 du même code : "Est taxé d'office à l'impôt sur le revenu tout contribuable ... qui s'est abstenu de répondre aux demandes d'éclaircissements ou justifications de l'administration" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. ALTMANN, l'administration a constaté que l'intéressé, qui avait déclaré des revenus s'élevant respectivement à 43 300 F, 94 100 F et 51 800 F pour chacune des années 1974, 1975 et 1976, avait disposé de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires personnels et s'élevant respectivement à 333 971 F, 187 420 F et 393 005 F ; qu'ainsi, l'importance des rentrées de fonds constatées autorisait l'administration à présumer l'existence de revenus d'autres sources et à avoir recours à la procédure prévue à l'article 176 du code ; qu'ainsi c'est régulièrement que le vérificateur, après avoir demandé à M. X... des éclaircissements, puis des justifications sur les mouvements enregistrés par ses comptes bancaires, a taxé d'office les sommes de 155 948 F pour 1974, 36 900 F pour 1975 et 182 600 F pour 1976, dont l'origine est restée inexpliquée ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 81 du code général des impôts la charge de la preuve incombe au contribuable qui, taxé d'office, demande la réduction ou la décharge de son imposition ; que, par suite, il appartient à M. X... d'apporter la preuve de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration de ses bases d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que, par la copie d'un chèque et les attestations bancaires produites, M. X... apporte la preuve que la somme de 100 000 F portée au crédit de son compte bancaire en 1974 est, comme il le soutient, une avance sur héritage accordée par son père ; que cette somme, qui a d'ailleurs été déclarée, par la suite, dans la succession, est par conséquent, non imposable : que, par contre, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe en se bornant à alléguer sans justifications que la somme de 28 000 F créditée à son compte bancaire le 4 septembre 1974, après la cessation de son activité commerciale, provenait de la galerie "ALTMANN-CARPENTIER" et que la somme de 36 900 F, taxée d'office en 1975, ferait double emploi avec des revenus catégoriels déjà retenus dans les bases d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander que M. X... soit rétabli aux rôles de l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1974, sur la base d'imposition initiale réduite de 100 000 F, et, au titre des années 1975 et 1976, sur les bases d'imposition qui avaient été initialement retenues ;

Article 1er : La cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre del'année 1974 est remise à sa charge à l'exclusion de la fraction résultant de la réintégration dans son revenu global d'une somme de 100 000 F.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre des années 1975 et 1976 sont remises intégralement à sa charge.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 21 octobre 1986, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La requête de M. X... et le surplus des conclusions de la requête du ministre sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 89PA00163;89PA00164
Date de la décision : 28/03/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - RECTIFICATION ET TAXATION D'OFFICE.


Références :

CGI 1649 quinquies A, 1966, 1975, 1649 septies, 176, 179, 81


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: DUHANT
Rapporteur public ?: BERNAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-03-28;89pa00163 ?
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