Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 avril 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 14 décembre 2022 de l'autorité consulaire française à Lomé (Togo) refusant de délivrer à C... un visa de long séjour en qualité de mineure à scolariser.
Par un jugement n° 2306776 du 8 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France et a enjoint au ministre de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de la jeune C... et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'intéressée ne se trouvant pas dans une situation d'isolement au Togo au regard notamment de ses attaches familiales et de sa scolarisation ;
- l'intéressée, qui ne justifie pas de circonstances particulières liées notamment à sa scolarité, n'est pas éligible à la délivrance d'un visa en qualité de mineure à scolariser ;
- il existe un risque de détournement de l'objet du visa, compte tenu du caractère complaisant de la délégation de l'autorité parentale établie au profit de Mme B..., laquelle fait apparaître un projet d'établissement de la jeune C... en France et un projet d'adoption déguisée et alors que ni l'abandon par sa mère ni le décès de son père ne sont établis ;
- Mme B... ne dispose pas de ressources suffisantes pour prendre en charge la jeune C... ;
- la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Sédillot, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.
Vu :
- la requête n° 24NT01669 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2306776 du 8 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gaspon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Une demande de visa de long séjour en qualité de mineure à scolariser a été présentée auprès de l'autorité consulaire française à Lomé (Togo) pour le compte de la jeune C..., ressortissante togolaise née le 22 mai 2012. Cette demande a été rejetée par une décision du 14 décembre 2022 de l'autorité consulaire. Par un jugement du 8 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B..., titulaire d'une délégation d'autorité parentale, la décision du 6 avril 2024 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 8 février 2023 contre cette décision consulaire et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui a par ailleurs sollicité l'annulation de ce jugement, demande à la cour, par la présente requête, de surseoir à son exécution.
2. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
3. Le moyen invoqué par le ministre, tiré de ce que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant apparaît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué, ainsi, après examen des autres moyens invoqués devant le tribunal et dans la présente instance, que le rejet des conclusions à fin d'annulation et d'injonction accueillies par ce jugement.
4. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2306776 du tribunal administratif de Nantes du 8 avril 2024. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par Mme B..., ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond de l'instance n° 24NT01669, il sera sursis à l'exécution du jugement n° 2306776 du 8 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le président-rapporteur,
Olivier GASPON La greffière,
Isabelle PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT016702