Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...E...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à lui verser la somme de 32 229,45 euros en réparation des préjudices nés pour elle de la faute commise lors de l'intervention subie dans cet établissement le 3 janvier 2006.
Par un jugement n° 1401237 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à lui verser la somme de 4 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2016 MmeE..., représentée par Me Dupont-Barrellier, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 9 juin 2016 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions ;
2°) de condamner solidairement le CHU de Caen et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), après avoir ordonné une nouvelle expertise portant notamment sur l'examen de la possibilité d'une cause psychologique aux séquelles dont elle souffre, à lui verser la somme complémentaire de 23 097,95 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 5 000 euros ou, subsidiairement, celle de 8 097,95 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- une nouvelle expertise est nécessaire, dès lors qu'il a été estimé qu'une partie des séquelles dont elle souffre n'a pas d'origine physiologique, ce qui implique qu'un expert s'interroge sur la potentielle origine psychologique de ses troubles et notamment sur la possibilité d'un trouble conversif ; elle présente un état anxieux en lien avec la présence du morceau de cathéter dans son organisme et un éventuel risque de paralysie ; les séquelles dont elle souffre sont les conséquences psychiatriques des fautes commises par le CHU de Caen ;
- subsidiairement, si son indemnisation devait être limitée à la seule souffrance psychologique résultant de ce qu'elle supporte mal la présence du morceau de cathéter dans son organisme, celle-ci devrait inclure les frais divers à hauteur de 3 097,95 euros et une somme de 20 000 euros au titre du préjudice exceptionnel permanent ou du préjudice d'impréparation.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2017 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2017, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeB..., conclut à sa mise hors de cause.
Il soutient que :
- il s'en remet à la sagesse de la cour quant à la nécessité de faire procéder à une nouvelle expertise ;
- les conditions d'intervention de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale telles que définies aux articles L. 1142-1 et suivants et L. 1142-22 et suivants du code de la santé publique ne sont pas réunies en l'espèce, eu égard à l'absence de caractère de gravité suffisant des séquelles présentées par MmeE....
La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, d'une part, et à la mutuelle Radiance Groupe Humanis, d'autre part, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeD..., substituant Me Dupont-Barrellier, avocat de Mme E..., et de MeC..., substituant Me Le Prado, avocat du CHU de Caen.
1. Considérant que MmeE..., née en 1959, a été admise au service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen le 26 décembre 2005 pour une importante rhinnorhée gauche avec céphalées ; qu'une fistule laissant s'écouler du liquide céphalo-rachidien ayant été identifiée, il a été décidé la mise en place le 28 décembre suivant d'une dérivation ventriculaire externe ; que, la rhinorrhée s'étant tarie, il a été procédé le 3 janvier 2006 à l'ablation du cathéter de drainage lombaire externe ; qu'au cours de cette opération, ce cathéter s'est rompu, une partie du matériel étant, par suite, restée en place ; qu'une nouvelle opération réalisée le lendemain n'a pas permis de le retirer ; qu'à compter de la fin de l'année 2007, Mme E... s'est plainte de douleurs rachidiennes avec impressions de fourmillements au niveau des membres supérieurs ; qu'attribuant ses symptômes à la présence du morceau de cathéter dans son organisme, elle a saisi en référé le tribunal administratif de Caen d'une demande d'expertise ; que l'expert désigné à ce titre par une ordonnance du 31 juillet 2014 a remis son rapport le 2 avril 2015 ; que le CHU de Caen ayant rejeté, dans l'intervalle, la demande indemnitaire préalable de Mme E...le 30 avril 2014, l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Caen aux fins de voir condamner l'établissement hospitalier à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de 32 218,95 euros ; que Mme E...relève appel du jugement du 9 juin 2016 de ce tribunal en tant qu'il ne lui a accordé que 4 000 euros de dommages et intérêts, demande le versement de la somme complémentaire de 23 097,095 euros, et sollicite qu'une nouvelle expertise soit ordonnée ;
Sur la responsabilité du CHU de Caen :
2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est plus discuté que la rupture du cathéter intervenue au cours de l'intervention du 3 janvier 2006 est une complication connue et classique, que la pose de ce cathéter a été faite conformément aux données acquises de la science et que la circonstance qu'il a été décidé de laisser en place la partie brisée de ce matériel ne révèle pas une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CHU de Caen ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) " ; que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ;
4. Considérant qu'il résulte des différents rapports médicaux versés au dossier que les seuls risques possibles mais à probabilité faible résultant de la présence d'un corps étranger demeuré dans le canal rachidien en position intra-thécale sont les risques d'une infection à court terme, d'un hyperdrainage dans le cas où le cathéter reste raccordé à un site de drainage, d'une fibrose si le matériel est au contact des racines spinales ou, très exceptionnellement, d'une atteinte neurologique ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert judicaire, que les troubles dont se plaint la requérante en l'espèce, d'ordre exclusivement psychologique ou psychosomatique, n'ont aucune origine organique et que l'examen clinique objectif, notamment neurologique, n'a retrouvé aucun signe d'atteinte radiculaire ou médullaire ; qu'ainsi, aucun des risques dont il aurait appartenu au CHU de Caen d'informer Mme E...ne s'est réalisé ; que par suite, le manquement de l'établissement hospitalier à son obligation d'information, qui n'est pas contesté, n'est en l'espèce pas de nature à engager sa responsabilité ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et en l'absence d'appel incident du centre hospitalier, que Mme E...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 4 000 euros le montant des dommages et intérêts mis à la charge du CHU de Caen ;
Sur les frais de l'instance :
6. Considérant, d'une part, qu'aucun dépens n'a été exposé au titre de la présente instance ; que les conclusions de Mme E...tendant à ce que les dépens de l'instance soient mis à la charge du CHU de Caen ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du CHU de Caen qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme dont Mme E...sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...E..., au centre hospitalier universitaire de Caen, à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, à la mutuelle Radiance Groupe Humanis et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
B. MassiouLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02819