Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2009, présentée pour la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE", dont le siège est au Manoir de Saint-Mamert (28130), représentée par ses représentants légaux, par la SCP Dalle - Chaboche - Pasquet, avocat au barreau de Chartres ; la maison de retraite requérante demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-4403 du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2008, par lequel le président du conseil général et le préfet d'Eure-et-Loir lui ont interdit d'accueillir les personnes âgées présentant un niveau de 1 à 4 selon la grille d'évaluation AGGIR à compter du 1er janvier 2009 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2008 ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et du département d'Eure-et-Loir la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ;
Vu la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 ;
Vu le décret n° 2005-118 du 10 février 2005 ;
Vu le décret n° 2006-181 du 17 février 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :
- le rapport de Mme Grenier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
Considérant que la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE" a été autorisée par un arrêté préfectoral du 21 novembre 1981 pour une capacité de 24 places ; qu'à la suite d'une visite de contrôle effectuée en octobre 2007, le président du conseil général et le préfet d'Eure-et-Loir lui ont, par un arrêté conjoint du 31 octobre 2008, interdit d'accueillir des personnes âgées dépendantes classées en GIR 1 à 4 ; que la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE" relève appel du jugement du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
Considérant qu'en application de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 2007 applicable en l'espèce : "I. - Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) / 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale (....)" ; qu'aux termes de l'article L. 313-13 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "Le contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux et des lieux de vie et d'accueil est exercé par l'autorité qui a délivré l'autorisation. / Lorsque le contrôle a pour objet d'apprécier l'état de santé, la sécurité, l'intégrité ou le bien-être physique ou moral des bénéficiaires, il est procédé (...) à des visites d'inspection conduites, en fonction de la nature du contrôle, par un médecin inspecteur de santé publique ou par un inspecteur de l'action sanitaire et sociale. Le médecin inspecteur ou l'inspecteur veille à entendre les usagers et leurs familles et à recueillir leurs témoignages. Il recueille également les témoignages des personnels de l'établissement ou du service (...)" ; qu'en vertu de l'article L. 313-14 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : "Dès que sont constatés dans l'établissement ou le service des infractions aux lois et règlements ou des dysfonctionnements dans la gestion ou l'organisation susceptibles d'affecter la prise en charge ou l'accompagnement des usagers ou le respect de leurs droits, l'autorité qui a délivré l'autorisation adresse au gestionnaire de l'établissement ou du service une injonction d'y remédier, dans un délai qu'elle fixe (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 313-16 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : "L'autorité qui a délivré l'autorisation ou, le cas échéant, le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions prévues au présent article prononce la fermeture, totale ou partielle, provisoire ou définitive, d'un service ou établissement (...) / Lorsque l'établissement ou le service relève d'une autorisation conjointe de l'autorité compétente de l'Etat et du président du conseil général, la décision de fermeture de cet établissement ou de ce service est prise conjointement par ces deux autorités (...)" ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 31 octobre 2008, qui interdit à la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE" d'accueillir des personnes âgées dépendantes, est au nombre des décisions qui doivent être motivées au regard de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que cette décision, après avoir visé les dispositions législatives et réglementaires applicables, justifie l'interdiction prononcée par l'absence de signature d'une convention pluriannuelle et l'inadaptation des locaux ; que le premier grief, qui renvoie nécessairement à la convention prévue par l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors en vigueur, n'appelle pas d'autre précision ; que s'agissant du second grief, l'arrêté contesté, en se référant à l'inadaptation des locaux pour l'accueil des personnes âgées dépendantes, est suffisamment motivé ; que les circonstances tirées de ce qu'il viserait un rapport du 20 février 2008 dont la maison de retraite n'aurait pas eu connaissance, de ce que le premier motif invoqué serait entaché d'illégalité et de ce que cet arrêté ne tient pas compte des améliorations apportées aux installations suite à la communication qui a été donnée à la requérante du rapport susvisé sont sans influence sur la régularité de sa motivation ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 31 octobre 2008 doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que si la maison de retraite requérante soutient que les décrets du 10 février 2005 relatif aux modalités de médicalisation et de tarification des prestations de soins remboursables aux assurés sociaux dans les établissements mentionnés au II de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles et modifiant ce code et du 17 février 2006 relatif au financement par dotation globale des services de soins infirmiers à domicile et modifiant le code de l'action sociale et des familles auraient dû être visés par l'arrêté litigieux, il est constant que les dispositions de ces décrets sont codifiées par le code de l'action sociale et des familles qui est visé par l'arrêté contesté ; que la circonstance, au demeurant non établie, que des dispositions qui ne sont pas applicables à la maison de retraite requérante seraient visées par l'arrêté litigieux est, en tout état de cause, sans influence sur sa légalité ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : "I. - Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6° du I de l'article L. 312-1 du présent code et les établissements de santé dispensant des soins de longue durée visés au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique qui accueillent un nombre de personnes âgées dépendantes dans une proportion supérieure à un seuil fixé par décret ne peuvent accueillir des personnes âgées remplissant les conditions de perte d'autonomie mentionnées à l'article L. 232-2 que s'ils ont passé au plus tard le 31 décembre 2007 une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat (...) / Si la convention pluriannuelle n'est pas conclue avant la date prévue au précédent alinéa, les autorités de tarification compétentes procèdent, chacune en ce qui la concerne, à la tarification des établissements retardataires et leur fixent par voie d'arrêté les objectifs à atteindre (...) / II. - Les établissements mentionnés au I dont la capacité est inférieure à un seuil fixé par décret ont la possibilité de déroger aux règles mentionnées au 1° de l'article L. 314-2. Dans ces établissements, les modalités de tarification des prestations remboursables aux assurés sociaux sont fixées par décret (...)" ; que l'article D. 313-16 du même code énonce que : "Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnés au II de l'article L. 313-12 dont la capacité est inférieure à vingt-cinq places autorisées ont la possibilité de déroger aux règles fixées par le 1° de l'article L. 314-2." ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux parlementaires qui en ont précédé l'adoption, que les établissements hébergeant des personnes âgées qui comprennent moins de vingt-cinq places, s'ils peuvent signer la convention pluriannuelle tripartite prévue au I de l'article L. 313-12 précité, n'y sont pas tenus ; qu'en l'absence de convention pluriannuelle, leur tarification est fixée par voie réglementaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE", qui est un établissement médico-social accueillant des personnes âgées, a une capacité inférieure à vingt-cinq places et relève, par suite, des établissements qui ne sont pas obligés de signer une convention pluriannuelle au regard du II de l'article L. 313-12 ; que si le département d'Eure-et-Loir soutient que le motif tiré de l'absence de signature d'une convention pluriannuelle "renvoie en réalité à l'absence d'engagement de la maison de retraite dans une démarche qui lui aurait permis d'améliorer la qualité de sa prise en charge", l'arrêté litigieux ne peut, eu égard à ses termes, qu'être regardé comme renvoyant nécessairement à la convention prévue par le I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles ; qu'il suit de là, que le motif tiré de l'absence de signature de convention pluriannuelle est entaché d'erreur de droit ;
Mais considérant que l'arrêté contesté est également fondé sur l'inadaptation des locaux à la prise en charge des personnes âgées dépendantes ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi du 2 janvier 2002 applicable en l'espèce : "L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés : / 1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité (...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi à la suite d'une visite de contrôle le 10 octobre 2007, que de "graves carences" dans la prise en charge des personnes hébergées ont été constatées ; que ce rapport relève que les installations ne sont pas conçues pour l'accueil de personnes âgées dépendantes, et notamment que l'établissement est constitué de trois bâtiments non reliés entre eux, que le bâtiment principal ne comporte pas d'ascenseur alors que plusieurs chambres sont situées à l'étage, qu'un escalier dangereux dessert l'entresol, que peu de chambres disposent de douches, que les espaces extérieurs ne sont pas accessibles en fauteuil roulant, que la largeur des portes ne permet pas l'accès d'un lit médicalisé ; que ce rapport relève également une quasi-absence de personnel qualifié et un encadrement insuffisant au regard du nombre de résidents, qui ne permettent pas d'assurer une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité ; qu'il conclut que l'accueil des personnes âgées dépendantes n'est plus possible sans compromettre leur santé, leur sécurité et leur bien être physique ; que si la maison de retraite requérante soutient que des travaux ont été réalisés à la suite du rapport d'inspection du 10 octobre 2007, s'agissant notamment de la réfection des sols et des escaliers et de la rénovation de plusieurs chambres et qu'elle entend installer un ascenseur et de nouvelles douches, elle ne justifie pas avoir réalisé ces deux derniers projets antérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté du 31 octobre 2008, la construction d'un ascenseur n'étant quant à elle prévue qu'en 2009 ; qu'en conséquence, le motif tiré de l'inadaptation des locaux à la prise en charge des personnes âgées dépendantes n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en second lieu, que les personnes âgées classées en GIR 1 à 4 sont celles qui, en application des articles L. 232-2 et suivants du code de l'action sociale et de l'article R. 232-4 du même code, ont besoin d'une aide pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l'état nécessite une surveillance régulière et ont droit à une allocation personnalisée d'autonomie ; que l'article L. 313-12 définit les obligations des établissements qui souhaitent accueillir des personnes âgées dépendantes par référence à l'article L. 232-2 de ce code ; que la maison de retraite requérante ne saurait utilement se fonder, pour contester le champ de l'interdiction édictée par l'arrêté contesté, sur les dispositions des articles D. 313-15 et suivants du code de l'action sociale et des familles, qui se bornent à définir les seuils, y compris au regard du niveau de dépendance des personnes accueillies, au-delà desquels les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes sont soumis à l'obligation de signer une convention pluriannuelle ; qu'elle ne saurait davantage invoquer la visite de la sous-commission départementale de sécurité de l'arrondissement de Chartres en date du 24 avril 2009, qui est postérieure à l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, en interdisant à la maison de retraite requérante d'accueillir les personnes âgées présentant un niveau de dépendance 1 à 4 selon la grille nationale d'évaluation, le président du conseil général et le préfet d'Eure-et-Loir n'ont pas entaché leur décision d'erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions des articles L. 311-3 et L. 311-4 relatives aux droits des usagers du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi du 2 janvier 2002 dont il a été fait application en l'espèce, étaient, contrairement à ce qu'il est soutenu, applicables à la date de la visite de contrôle du 10 octobre 2007 et de l'arrêté contesté ;
Considérant qu' il résulte de l'instruction que le préfet et le président du conseil général d'Eure-et-Loir auraient pris la même décision s'ils s'étaient fondés sur le seul motif tiré de l'inadaptation des locaux à la prise en charge des personnes âgées dépendantes ;
Considérant enfin que la circonstance que l'arrêté contesté entrainera la fermeture de l'établissement et aura des conséquences économiques et sociales défavorables pour les personnes qui y sont accueillies et la commune de Hanches est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE" n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2008 par lequel le président du conseil général et le préfet d'Eure-et-Loir lui ont enjoint de ne plus accueillir de personnes âgées présentant un niveau de dépendance de 1 à 4 selon la grille nationale à compter du 1er janvier 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise solidairement à la charge de l'Etat et du département d'Eure et Loir qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE" est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la MAISON DE RETRAITE "LA VIE MONTANTE", au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et au département d'Eure et Loir.
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N° 09NT01825 2
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