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19/12/2011 | FRANCE | N°11NT00586

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 19 décembre 2011, 11NT00586


Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011, présentée par le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE ; le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100069 du 13 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté en date du 8 décembre 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. X à destination de l'Erythrée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes ;

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Vu les autres pièces du dossier ...

Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011, présentée par le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE ; le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100069 du 13 janvier 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté en date du 8 décembre 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. X à destination de l'Erythrée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le président de la cour a désigné Mme Grenier pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

Sur les conclusions du PREFET DE MAINE-ET-LOIRE :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (...). ; qu'en vertu de l'article L. 742-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité érythréenne, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 5 juin 2010 ; que par une décision du 26 août 2010, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE a, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 précité refusé de l'admettre au séjour ; que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure prioritaire prévue au second alinéa de l'article L. 723-1 précité, a rejeté la demande d'asile présentée par M. X par une décision du 16 novembre 2010 ; que le préfet pouvait, dès lors, en application des dispositions de l'article L. 742-6 du même code, décider sa reconduite à la frontière ; qu'ainsi, l'arrêté du 8 décembre 2010 portant reconduite à la frontière de M. X à destination de l'Erythrée a été pris sur le fondement du 1° de l'article L. 511-1 précité ; qu'il suit de là, que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité dont serait entachée la décision du 26 août 2010 portant refus d'admission provisoire au séjour est inopérant, dès lors que l'arrêté de reconduite à la frontière ne procède pas de cette décision mais de l'entrée irrégulière en France de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 8 décembre 2010 portant reconduite à la frontière de M. X à destination de l'Erythrée ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant le tribunal administratif de Rennes que devant la cour ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 31 décembre 2009, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE a donné à M. Alain Rousseau, secrétaire général de la préfecture, délégation permanente à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de Maine-et-Loire, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant l'éloignement des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière dont M. X a fait l'objet, énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision du 26 août 2010 portant refus d'admission provisoire au séjour de M. X, en raison de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, est inopérant à l'encontre de l'arrêté portant reconduite à la frontière du 8 décembre 2011 qui ne procède pas de cette décision mais de l'entrée irrégulière en France de l'intéressé ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant érythréen, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 5 juin 2010 et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'à l'occasion de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, ses empreintes digitales ont été relevées les 20 juillet et 24 août 2010 et se sont révélées inexploitables ; que M. X ne fait état d'aucune circonstance particulière permettant d'expliquer cette situation ; que, dès lors, l'impossibilité de procéder par deux fois à l'identification de ses empreintes a pu être regardée à bon droit par l'administration comme révélant une intention de fraude en application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de Maine-et-Loire a pu ainsi s'abstenir de lui délivrer, en l'état, une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile ; que par suite, M. X, dont la demande d'asile a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 16 novembre 2010, notifiée le 24 novembre suivant, entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; qu'en vertu de l'article 13 de cette même convention : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; qu'en vertu de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violées, a droit à un recours effectif devant un tribunal ; qu'aux termes de l'article 39 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres : 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants : a) une décision concernant leur demande d'asile (...) / 3. Les Etats membres prévoient le cas échéant les règles découlant de leurs obligations internationales relatives : a) à la question de savoir si le recours prévu en application du paragraphe 1 a pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l'Etat membre concerné dans l'attente de l'issue du recours ; b) à la possibilité d'une voie de droit ou de mesures conservatoires si le recours visé au paragraphe 1 n'a pas pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l'Etat membre concerné dans l'attente de l'issue de ce recours. Les Etats membres peuvent aussi prévoir une procédure d'office (...) ; qu'il résulte de leurs termes mêmes que les dispositions de l'article 39 de la directive du Conseil du 1er décembre 2005, si elles imposent aux Etats membres de garantir aux demandeurs d'asile un recours effectif devant une juridiction contre le refus qui leur est opposé, leur laissent le soin de déterminer les voies de droit et les mesures conservatoires dont peuvent disposer les étrangers qui ne sont pas autorisés à se maintenir sur leur territoire dans l'attente de l'issue de leur recours ;

Considérant que si M. X soutient qu'il n'a pas disposé d'un recours effectif, il a bénéficié de l'ensemble des garanties prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la possibilité d'introduire un recours à caractère suspensif tendant à l'annulation l'arrêté du 8 décembre 2010 devant le tribunal administratif de Rennes, à l'occasion duquel a pu être discuté notamment le choix du pays de renvoi ; qu'il pouvait également saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative à fin de suspension de cette mesure ; qu'il a pu contester la décision du 16 novembre 2010 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile devant la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, il n'apparaît pas que M. X serait, en raison de l'examen de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire, privé d'un droit au recours effectif en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et de l'article 39 de la directive du Conseil du 1er décembre 2005, du seul fait que son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente pas un caractère suspensif ; qu'il ne saurait utilement soutenir que les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales seraient méconnus, du seul fait que l'arrêté de reconduite à la frontière lui aurait été notifié sans le recours à un interprète ;

Considérant enfin que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que M. X soutient qu'il ne peut être éloignée vers l'Erythrée, dès lors qu'il y serait exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants ; qu'il fait valoir qu'il aurait été enrôlé de force au sein de l'armée régulière et victime de maltraitance pendant dix-huit jours au cours de son entraînement militaire au camp de Sawa avant de parvenir à s'enfuir ; que, toutefois, il ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément probant permettant d'établir qu'il serait personnellement exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il suit de là, qu'en fixant l'Erythrée comme pays à destination duquel il pourra être reconduit, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. X devant le tribunal tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2010 portant arrêté de reconduite à la frontière à destination de l'Erythrée doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. X à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X en première instance, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE MAINE-ET-LOIRE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par Me Le Bihan, avocat de M. X ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100069 du 13 janvier 2011 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Sami X. Copie en sera adressée pour information au PREFET DE MAINE-ET-LOIRE.

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N° 11NT00586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 11NT00586
Date de la décision : 19/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-19;11nt00586 ?
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