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12/07/2011 | FRANCE | N°10NT02532

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Formation de chambres réunies a, 12 juillet 2011, 10NT02532


Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2010, présentée pour Mlle Ramila X, élisant domicile ..., par Me Pollono, avocat au barreau de Nantes ;

Mlle X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1001800, 1001801 et 1001802 du tribunal administratif de Nantes en date du 7 juillet 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 4 mars 2010 portant refus d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'ad

mettre au séjour en qualité de demandeur d'asile dans le délai de 7 jours à compter de la no...

Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2010, présentée pour Mlle Ramila X, élisant domicile ..., par Me Pollono, avocat au barreau de Nantes ;

Mlle X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1001800, 1001801 et 1001802 du tribunal administratif de Nantes en date du 7 juillet 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 4 mars 2010 portant refus d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile dans le délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Pollono, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du conseil du 11 décembre 2000 ;

Vu la directive 2005/85/CE du conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2011 :

- le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouillon, substituant Me Pollono, avocat de Mlle X ;

Considérant que Mlle X, ressortissante russe, interjette appel du jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 7 juillet 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 4 mars 2010 portant refus d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus d'admission au séjour en date du 4 mars 2010 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue ; qu'aux termes de l'article R. 742-1 du même code : Dans un délai de quinze jours après qu'il a satisfait aux obligations prévues à l'article R. 741-2, l'étranger est mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention en vue de démarches auprès de l'OFPRA, d'une validité d'un mois, pour autant qu'il ne soit pas fait application du 1° au 4° de l'article L. 741-4 sans préjudice des dispositions du premier alinéa de l'article L. 742-6 ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 dudit code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (...) ; qu'aux termes de l'article 18-1 du règlement (CE) susvisé du 11 décembre 2000 concernant la création du système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 [demandeurs d'asile] ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées. ; et qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié : En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : / a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Ils sont informés du calendrier, ainsi que des moyens dont ils disposent pour remplir leur obligation de présenter les éléments visés à l'article 4 de la directive 2004/83/CE. Ces informations leur sont communiquées à temps pour leur permettre d'exercer les droits garantis par la présente directive et de se conformer aux obligations décrites à l'article 11 ; (...) ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que Mlle X, pour laquelle a été complété et signé le 2 février 2010 à la préfecture de la Loire-Atlantique un formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile rédigé en français et en anglais -produit par le préfet en défense-, a été prise en charge et assistée par une association à laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avait confié par une convention relative au premier accueil des demandeurs d'asile en date du 30 décembre 2009 la réalisation des actions de premier accueil, au nombre desquelles figure la mise à disposition des usagers des informations utiles traduites dans des langues compréhensibles par eux, au bénéfice des personnes se présentant, d'une part, à la préfecture de la Loire-Atlantique en vue de présenter une première demande d'asile, d'autre part, au siège de l'association pour une prise en charge au titre du dispositif de premier accueil des demandeurs d'asile ; que, toutefois, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, cette circonstance ne suffit pas à elle seule à établir, en l'espèce, alors que Mlle X conteste avoir reçu de la part de cette association une information dans une langue comprise par elle relativement à ses droits et obligations s'agissant de la prise d'empreintes, que l'intéressée, qui a été reçue une première fois le 4 février 2010 à la préfecture afin qu'il soit procédé au relevé de ses empreintes digitales, se serait vu délivrer à ce moment, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'elle la comprend, telle que le russe, les informations prévues par les articles précités du règlement du 11 décembre 2000 et de la directive du 1er décembre 2005 ; que cette preuve ne saurait, en tout état de cause, pas davantage résulter du fait, relevé par le préfet de la Loire-Atlantique, que Mlle X a effectivement répondu à toutes les convocations qui lui ont été adressées pour la prise de ses empreintes, que l'ensemble des formulaires relatifs à sa situation ont été complétés et qu'elle a bénéficié de l'aide d'un traducteur pour renseigner son dossier de saisine de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X est fondée à soutenir que la décision en date du 4 mars 2010 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'impossibilité dans laquelle l'intéressée, dont les empreintes digitales altérées s'étaient révélées inexploitables, l'avait placé, de manière délibérée, par son propre comportement, d'instruire sa demande, est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté litigieux comme entaché d'un vice de forme, n'implique pas que le préfet de la Loire-Atlantique admette au séjour en qualité de demandeur d'asile Mlle X, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a d'ailleurs rejeté la demande d'admission au statut de réfugié par décision en date du 12 avril 2010 ; que les conclusions de l'intéressée en ce sens ne peuvent, dès lors, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 37 de la loi susvisée n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante le versement d'une somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié de cette aide à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Pollono, avocat de Mlle X, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 7 juillet 2010 en tant qu'il a rejeté la demande de Mlle X et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique en date du 4 mars 2010 portant refus d'admission au séjour de Mlle X en qualité de demandeur d'asile sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Pollono, avocat de Mlle X, la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Ramila X et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie pour information en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique et à Me Pollono.

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N°10NT025322

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Formation de chambres réunies a
Numéro d'arrêt : 10NT02532
Date de la décision : 12/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

- RÈGLEMENT DU CONSEIL EN DATE DU 11 DÉCEMBRE 2000 - DIRECTIVE DU 1ER DÉCEMBRE 2005 - EXIGENCE D'INFORMATION LINGUISTIQUE - MÉCONNAISSANCE - CONSÉQUENCE - ANNULATION DE LA DÉCISION DE REFUS D'ADMISSION.

095-02-04 Décision préfectorale portant refus d'admission en France sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - Demande d'asile reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures d'asile - Empreintes digitales inexploitables à deux reprises - Annulation de la décision faute pour l'intéressée d'avoir bénéficié des garanties procédurales prévues par l'article 18-1 du règlement concernant la création du système “Eurodac” pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin et le paragraphe 1 de l'article 10 de la directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, lesquels requièrent son information, au moment où les empreintes digitales sont relevées, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'elle la comprend, concernant la procédure à suivre, ses droits et obligations au cours de celle-ci ainsi que les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - PREUVE - RÈGLEMENT DU CONSEIL EN DATE DU 11 DÉCEMBRE 2000 - DIRECTIVE DU 1ER DÉCEMBRE 2005 - DEMANDE D'ADMISSION À L'ASILE - EXIGENCE D'INFORMATION LINGUISTIQUE - ADMINISTRATION DE LA PREUVE - RÉALISATION DES « ACTIONS DE PREMIER ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE » DÉLÉGUÉE PAR L'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTÉGRATION À UNE ASSOCIATION (1).

54-04-04 La circonstance qu'une ressortissante russe, pour laquelle a été complété et signé un formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile rédigé en français et en anglais, a été prise en charge et assistée par une association à laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a confié par une « convention relative au premier accueil des demandeurs d'asile » la réalisation des actions de premier accueil, au nombre desquelles figure la mise à disposition des usagers des informations utiles traduites dans des langues compréhensibles par eux, au bénéfice des personnes se présentant, d'une part, à la préfecture en vue de présenter une première demande d'asile, d'autre part, au siège de l'association pour une prise en charge au titre du dispositif de premier accueil des demandeurs d'asile, ne suffit pas à elle seule à établir, alors que l'intéressée conteste avoir reçu de la part de cette association une information dans une langue comprise par elle relativement à ses droits et obligations s'agissant de la prise d'empreintes digitales, qu'elle se serait vu délivrer à ce moment, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'elle la comprend, telle que le russe, les informations prévues par l'article 18-1 du règlement concernant la création du système “Eurodac” pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin et le paragraphe 1 de l'article 10 de la directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié.


Références :

1. Inf. TA Nantes formation élargie, 1er juillet 2010, M. Samir Eltaiybseddik (C+).


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine WUNDERLICH
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-07-12;10nt02532 ?
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