Vu la requête, enregistrée le 27 février 2008, présentée par le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE ; le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800337 du 25 janvier 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté, en date du 22 janvier 2008, décidant la reconduite à la frontière de M. Salah X et fixant le Maroc comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes, tendant à l'annulation dudit arrêté ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 3 septembre 2007 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Looten pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de Tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2008 :
- le rapport de M. Looten, vice-président désigné ;
- les observations de Me Range, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) - 7° Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans le cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 22 janvier 2008, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire de M. X, en raison de la menace qu'il constituait pour l'ordre public ; que l'intéressé entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public ;
Considérant que pour refuser le renouvellement de la carte de séjour temporaire de M. X en qualité de salarié, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE, s'est fondé sur la circonstance que la présence de l'intéressé en France constituait une menace pour l'ordre public ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par jugement correctionnel du Tribunal de grande instance d'Angers du 19 mai 2005, M. X a été condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, après avoir tenté, le 13 février 2005, de frapper une personne au visage avec un couteau ; que par jugement correctionnel du même Tribunal du 20 novembre 2006, l'intéressé a été condamné à huit mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis, assortis d'une mise à l'épreuve pendant deux ans et d'une obligation de soins et de réparation des dommages, pour violence aggravée, suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours en récidive, après avoir, le 18 novembre 2006, de façon préméditée et alors qu'il était passablement alcoolisé, agressé un individu de plusieurs coups de couteau ; que l'intéressé, qui a bénéficié d'un régime de semi-liberté en décembre 2007, soutient ne s'être pas fait défavorablement remarqué par la suite, avoir respecté son obligation de soins et être bien inséré socialement et professionnellement ; que toutefois, eu égard à la gravité des faits reprochés à M. X, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE, dont il n'est pas établi qu'il se serait fondé sur les seules condamnations pénales prononcées contre l'intéressé, sans prendre en compte son comportement, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 22 janvier 2008 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'illégalité de la décision du même jour portant refus de renouvellement de titre de séjour et résultant, selon lui, de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des circonstances de l'espèce au regard de la menace pour l'ordre public ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que, par un arrêté du 19 novembre 2007, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE a donné à M. Louis Le Franc, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'État dans le département de Maine-et-Loire, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés décidant de la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a procédé à l'examen de la situation personnelle de M. X, aurait estimé être en situation de compétence liée ;
Considérant que si M. X soutient que la notification de l'arrêté contesté a été effectuée en méconnaissance des stipulations des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et révèle un détournement de pouvoir, les conditions de notification de l'arrêté de reconduite à la frontière sont, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité ;
En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :
Considérant que, si M. X, entré en France en 2001, fait valoir qu'il est bien intégré socialement et professionnellement, qu'il a reconnu par anticipation l'enfant attendu par la ressortissante française avec laquelle il vit maritalement et qu'il dispose d'attaches familiales en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'établit ni la stabilité ni l'ancienneté de la communauté de vie qu'il invoque, n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où réside notamment sa mère ; que, dans ces conditions, compte tenu des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE MAINE-ET-LOIRE, en date du 22 janvier 2008, n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire, portant la mention « vie privée et familiale » est soumise à la réserve que la présence de l'étranger ne constitue pas une menace à l'ordre public ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet a pu légalement considérer que la présence de M. X en France constituait une menace pour l'ordre public ; que, par suite, l'arrêté contesté n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE MAINE-ET-LOIRE est fondé à demander l'annulation du jugement du 25 janvier 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 22 janvier 2008 ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement en date du 25 janvier 2008 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Salah X. Une copie sera transmise au PREFET DE MAINE-ET-LOIRE.
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