Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2008, présentée pour M. Alihou X, demeurant chez ..., par Me Hervé Rouzaud-Le Boeuf, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-4986 du 11 décembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 30 novembre 2007, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Côte d'Ivoire comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. X et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de condamner l'État à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 3 septembre 2007 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Looten pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2008 :
- le rapport de M. Looten, magistrat délégué ;
- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2°) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité ivoirienne, est entré en France le 9 septembre 2004 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen ; qu'ainsi, il justifie être entré régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;
Considérant qu'en l'espèce, le premier juge a pu à bon droit estimer que la décision contestée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. X, trouvait son fondement légal dans les dispositions du 2° du II du même article L.511-1 et substituer de lui-même ces dispositions à celles du 1° dès lors qu'il en a informé les parties à l'audience, que la substitution de base légale ainsi opérée n'a pas pour effet de priver l'intéressé de garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi, le préfet disposant, en outre, du même pouvoir d'appréciation pour appliquer les dispositions initialement retenues et celles qui leur ont été substituées ;
Considérant que, si M. X fait valoir qu'il est le père d'un enfant né en Côte d'Ivoire, le 3 septembre 2002, scolarisé en France depuis deux ans, et que la compatriote avec laquelle il a eu cet enfant réside elle-même sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire, il ressort des pièces du dossiers qu'il est entré en France le 9 septembre 2004, à l'âge de 29 ans, sous couvert d'un visa de court séjour, que ses parents et toute sa famille vivent en Côte d'Ivoire, qu'il élève seul son enfant et ne fait état d'aucune circonstance qui l'empêcherait de l'emmener avec lui ; que, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'en le prenant, le préfet n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, M. X soutient que l'arrêté contesté aura pour effet de séparer son fils Mohammed Abdel Aziz soit de son père soit de sa mère ; que toutefois, rien ne s'oppose à ce que l'intéressé emmène avec lui son fils, qu'il élève seul, en Côte d'Ivoire, où cet enfant pourra poursuivre sa scolarité ; qu'en outre, dès lors que la mère du jeune Mohammed Abdel Aziz ne participe pas à son éducation, la décision attaquée ne peut être regardée comme méconnaissant l'intérêt supérieur de cet enfant ; qu'au surplus, rien ne s'oppose à ce que la mère de l'enfant, qui est de même nationalité, rende visite à son fils ; que c'est donc aussi à bon droit que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a estimé que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X ne méconnaissait pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation de l'intéressé :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alihou X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
N°08NT00116
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