Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2002, présentée pour la SA CATIMINI, dont le siège est situé ..., qui vient aux droits de la SA SUBLIM, par Me X..., avocat au barreau de Nantes ; la SA CATIMINI demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 97.1282 en date du 12 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SA SUBLIM tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1991 et 1992 ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
Vu la Constitution de 1958 ;
Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2005 :
- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SA SUBLIM, qui exerçait l'activité de confection de vêtements pour enfants, l'administration a inclus dans le prix de revient de ses stocks et produits en cours inscrits aux bilans des exercices clos les 30 novembre 1991, 1992 et 1993, pour la détermination de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, une partie des charges salariales de son service de création ainsi que les dépenses liées aux prestations de modélistes, de patronniers et d'études qui lui étaient refacturées par la SA CATIMINI, au motif que ces frais de collection, qui donnent naissance à des dessins et modèles, constituaient la première phase du cycle de production des vêtements commercialisés au cours de l'exercice suivant ; que la SA CATIMINI, qui vient aux droits de la SA SUBLIM qu'elle a absorbée, fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de cette dernière tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles, après correction symétrique des bilans, elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 1991 et 1992 en conséquence desdits redressements ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a estimé que les frais de collection en litige correspondaient à des opérations entrant dans le processus de production dont la valeur devait être prise en compte dans les stocks au titre des productions en cours évaluées au prix de revient ; qu'il a, ce faisant, contrairement à ce que soutient la société requérante, répondu au moyen tiré de ce que lesdites opérations auraient constitué, non des travaux en cours, mais des prestations totalement réalisées et achevées au cours de l'exercice et, comme telles, susceptibles d'être évaluées au cours du jour ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-1 du même code : “1… le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises… 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés… 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. Les travaux en cours sont évalués au prix de revient” ; qu'aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III audit code : “Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières premières, des matières et fournitures consommables, des productions en cours, des produits intermédiaires, des produits finis, des produits résiduels et des emballages non destinés à être récupérés, qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation du bénéfice de l'exploitation. Les productions en cours sont les biens ou les services en cours de formation au travers d'un processus de production…” ; qu'aux termes de l'article 38 nonies de la même annexe : “Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. Le coût de revient est constitué : … pour les productions en cours, par le coût d'achat des matières premières et fournitures consommées, augmentées de toutes les charges directes et indirectes de production à l'exclusion des frais financiers. Ces coûts sont fournis par la comptabilité analytique ou, à défaut, déterminés par des calculs ou des évaluations statistiques” ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA SUBLIM assurait par son service de création et par l'intermédiaire de prestataires extérieurs la conception de collections de vêtements pour enfants dont elle commandait la réalisation et la fabrication à des entreprises tierces en leur fournissant l'ensemble des matières premières nécessaires et dont elle assurait ensuite la commercialisation par son réseau de distribution ; que, dès lors, cette société devait être regardée comme exerçant la responsabilité de l'ensemble du processus de fabrication de ces vêtements, alors même qu'elle ne disposait pas en propre du personnel et du matériel nécessaires à leur fabrication ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à regarder les travaux de conception des modèles de vêtements réalisés au cours d'un exercice en vue de la fabrication industrielle et de la commercialisation de nouvelles collections au cours de l'exercice suivant comme entrant dans le processus de fabrication desdites collections, au sens de l'article 38 ter précité de l'annexe III au code général des impôts, et à intégrer la valeur de ces travaux, au titre des productions en cours, au côté des matières premières, des marchandises, des produits intermédiaires et des produits finis, dans celle des stocks de l'entreprise à prendre en compte pour la détermination de son actif net ; que si certains modèles, compte tenu des perspectives de commercialisation, étaient abandonnés et ne donnaient finalement lieu à aucune production de vêtements, ils étaient, indirectement, à l'origine de la réalisation industrielle des collections de vêtements reproduisant les autres modèles ; que, par suite, les frais liés à leur conception présentaient le caractère de charges de production indirectes au sens des dispositions de l'article 38 nonies précité, et devaient être intégrés, en application des dispositions précitées du 3 de l'article 38 du code général des impôts, à leur prix de revient dans le coût des productions en cours à la clôture de l'exercice, indépendamment de leur valeur vénale ;
Considérant, en second lieu, que la SA CATIMINI fait valoir qu'au cours des exercices antérieurs à l'exercice clos le 30 novembre 1991, premier exercice non prescrit, la SA SUBLIM ne comprenait pas ses frais de collection dans l'évaluation de ses stocks ; qu'elle soutient qu'en application de la règle de correction symétrique des bilans, le service aurait dû corriger le bilan d'ouverture de l'exercice clos en 1991, laquelle correction aurait eu pour effet de diminuer le montant des dépenses à intégrer dans les stocks au titre de cet exercice et, par voie de conséquence, le montant des impositions supplémentaires mises à sa charge ;
Considérant que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application des dispositions précitées de l'article 38-2 du code général des impôts, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L.168 et L.169 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, cependant, que l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 du 30 décembre 2004 dispose que : “I Le code général des impôts est ainsi modifié : 1°) Après le 4 de l'article 38, il est inséré un article 4 bis ainsi rédigé : 4 bis : Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L.169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou une surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnées au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan…” ; qu'en outre, aux termes du IV du même article : “Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'application des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005… sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard” ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, tel que défini par le premier alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, est applicable aux impositions établies avant le 1er janvier 2005, sauf si le contribuable est en droit de se prévaloir de l'une des exceptions à l'application dudit principe prévues par les deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 ;
Considérant que la SA CATIMINI conteste la rétroactivité des dispositions législatives précitées au motif qu'elles porteraient atteinte aux principes d'égalité des citoyens devant la loi et devant l'impôt et seraient ainsi contraires à l'article 2 de la Constitution de 1958 ainsi qu'à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à laquelle renvoie le préambule de la Constitution ; que, toutefois, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité des lois à la Constitution ; que la SA CATIMINI ne peut davantage se prévaloir utilement des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne visent que les procès portant sur des droits et obligations de caractère civil et des accusations pénales ;
Considérant, par ailleurs, que les erreurs commises dans l'évaluation des stocks ne sont pas au nombre des exceptions pour lesquelles le troisième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts a prévu que, par dérogation au principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, elles pouvaient être corrigées ; que si la société requérante se prévaut des dispositions du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 qui disposent que ledit principe ne peut être opposé aux entreprises qui apportent la preuve que l'erreur ou l'omission qu'elles ont commise et qui a entraîné une sous-estimation ou une surestimation de leur actif net est intervenue plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice, elle ne peut être regardée en tout état de cause comme apportant une telle preuve dès lors qu'il résulte de l'instruction que la SA SUBLIM a été créée le 14 novembre 1986, moins de sept ans avant le 1er décembre 1990, date d'ouverture de son premier exercice non prescrit ; que, par suite, l'administration est fondée à soutenir que le moyen tiré par la SA CATIMINI de ce que les écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit de la SA SUBLIM devaient être corrigées est devenu inopérant en application des dispositions précitées du IV de l'article 43 de la loi susvisée du 30 décembre 2004 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA CATIMINI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SA SUBLIM ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SA CATIMINI la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA CATIMINI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA CATIMINI et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 02NT00847
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