Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 février 2000, présentée pour la SARL Bout d'Laine, ayant son siège social 125, avenue du Général de Gaulle, à La Baule (44500), représentée par son mandataire liquidateur, Me Y, par Me ROSSINYOL, avocat au barreau de Nantes ;
La SARL Bout d'Laine demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 95.1811, 95.1813 et 95.1815 en date du 30 novembre 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, d'autre part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990, enfin, à la réduction de la cotisation de taxe professionnelle mise à sa charge par avis de mise en recouvrement du 31 octobre 1992 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ainsi que le bénéfice du plafonnement sollicité en ce qui concerne la taxe professionnelle ;
C
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F en vertu de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2004 :
- le rapport de M. MARTIN, premier conseiller,
- les observations de Me ROSSINYOL, avocat de la SARL Bout d'Laine,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SARL Bout d'Laine, qui exerçait une activité de vente de vêtements féminins, de pelotes de laine et de pulls tricotés par le personnel de la société, l'administration a réintégré dans les résultats de la SARL des recettes qui avaient été omises au titre des années 1988, 1989 et 1990 ; que la société a été assujettie, d'une part, à des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, d'autre part, à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990 ; qu'elle demande l'annulation du jugement du 30 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et à une réduction du montant de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 30 mars 2001, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique a prononcé, en application de l'article 1740 octies du code général des impôts, un dégrèvement des intérêts de retard encourus par la société Bout d'Laine en matière d'impôt sur les sociétés à concurrence de 20 468 F (3 120,32 euros) ; que les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces pénalités sont devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que l'administration a fait valoir devant le tribunal que les rencontres extra-professionnelles alléguées entre le vérificateur et le gérant de la SARL Bout d'Laine n'avaient pas de date précise ; que, par suite, le tribunal a pu estimer qu'il n'était pas démontré que ces rencontres aient eu lieu durant la vérification de comptabilité sans soulever d'office un moyen ;
Considérant que si la SARL Bout d'Laine soutient que le tribunal n'a pas répondu à sa remarque selon laquelle le vérificateur s'était refusé de procéder à un inventaire des stocks, il résulte de l'examen du jugement que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les parties à l'appui de leurs moyens, ont nécessairement et implicitement écarté cette remarque mentionnée dans les motifs ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que, par une première décision en date du 4 mars 1997 intervenue en cours d'instance devant le tribunal, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique avait prononcé, en application de l'article 1740 octies du code général des impôts, un dégrèvement des intérêts de retard et droits de poursuite encourus par la société Bout d'Laine en matière de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence, respectivement, de 13 342 F (2 033,97 euros) et 228,65 F (34,86 euros) ; que, dans ces conditions, les conclusions des demandes présentées par la société tendant à la décharge de ces pénalités et droits de poursuite étaient, devenues sans objet ; que c'est par suite à tort que le tribunal en a prononcé le rejet ; qu'il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer et de déclarer sans objet les conclusions des demandes tendant à la décharge de ces pénalités et droits de poursuite ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le service des impôts, avant d'informer le gérant de la SARL Bout d'Laine, M. X, de son intention de procéder à une vérification de la comptabilité de cette société à compter du 15 octobre 1991, a mis en évidence, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SARL Angora Folies, dont la gérante était l'épouse de M. X, que ce dernier avait prélevé sur les recettes de la société Bout d'Laine, durant les années 1988, 1989 et 1990, une somme d'environ 320 000 F destinée à verser des rémunérations occultes à des salariées des sociétés Bout d'Laine et Angora Folies ; que la société requérante soutient que ces prélèvements, dont l'existence a été reconnue par M. X dans une déclaration écrite datée du 10 septembre 1991, n'ont pu être découverts qu'après un examen de sa comptabilité et qu'ainsi le vérificateur avait commencé la vérification de comptabilité avant même de lui avoir adressé un avis de vérification ; que, toutefois, comme le soutient le ministre, lesdits prélèvements n'ayant pas été inscrits dans les comptes de la société Bout d'Laine, leur découverte n'impliquait pas en tout état de cause un examen préalable de ces comptes ; que la circonstance que l'administration n'ait tiré aucune conséquence fiscale de ces détournements en ce qui concerne la société Angora Folies est sans incidence sur l'appréciation de la date à laquelle a commencé la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Bout d'Laine ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la vérification de comptabilité commencée le 15 octobre 1991 aurait en fait été engagée dès le 10 septembre 1991 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que lors de la première intervention du vérificateur au siège de la société, sis 140, avenue du Général de Gaulle, à La Baule (Loire-Atlantique), le 15 octobre 1991, M. X a demandé par écrit que le contrôle s'effectue pour des raisons de commodité dans le bureau sis au 125 de la même avenue, siège de la SARL Angora Folies ; que si la société soutient que ce déplacement a contrevenu aux dispositions de l'article L.13 du livre des procédures fiscales, elle n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément de justification propre à établir que cette circonstance l'aurait empêchée d'avoir avec le vérificateur le débat oral et contradictoire que doivent normalement permettre les opérations de vérification sur place ; que si elle fait valoir que les opérations de vérification se seraient également déroulées dans d'autres lieux, elle n'en apporte pas la preuve ;
Considérant, en troisième lieu, que la société Bout d'Laine soutient qu'elle a été privée de l'exercice effectif de son droit de se faire assister de son conseil, expert-comptable domicilié à Paris, lors de chacune des interventions du vérificateur, faute d'avoir été informé à l'avance des dates de ces interventions ; que, toutefois, aucune disposition n'obligeait le vérificateur à avertir la société de la date de chacune de ses visites ; que, dès lors, la circonstance, au demeurant non établie, que la société n'aurait pas pu se faire assister de son conseil lors de certaines interventions du vérificateur n'a pas eu pour effet de la priver des garanties prévues par la loi ;
Considérant, en quatrième lieu, que la SARL Bout d'Laine soutient que le vérificateur aurait entretenu des relations amicales, lors de rencontres extra-professionnelles, avec M. X et son épouse dans le but principal de faciliter la mise en oeuvre des redressements et aurait ainsi manqué à son obligation de loyauté ; qu'il aurait aussi exercé des pressions sur M. X en se prévalant de leurs liens amicaux afin d'obtenir de lui notamment la reconnaissance écrite de prélèvements sur recettes effectués illégalement, la demande de changement du lieu de la vérification et l'acceptation des redressements ; que, toutefois, en produisant des photos, une attestation d'un avocat rédigée en termes très généraux, un document vidéo selon lequel le vérificateur et son épouse auraient été invités, à une date non déterminée, au domicile des époux X pour un repas, la société requérante n'apporte la preuve, ni de la réalité des pressions alléguées, ni d'un manque de loyauté de la part du service des impôts dans ses rapports avec la société vérifiée ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Bout d'Laine qui a déclaré, par lettre du 15 janvier 1992, accepter les redressements envisagés en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée n'aurait consenti cette acceptation que parce que le vérificateur la lui aurait présentée comme le seul moyen d'atténuer les conséquences des redressements notifiés ; que, par suite, il lui revient, en application des dispositions de l'article R.194-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des impositions dont elle demande la décharge ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes opérée par l'administration :
Considérant qu'il est constant que la société Bout d'Laine n'a pas été en mesure de présenter au vérificateur les documents comptables permettant d'individualiser les ventes réalisées pendant les exercices vérifiés ; que, par suite, l'administration a pu à bon droit écarter la comptabilité comme insuffisante et dépourvue de valeur probante ; que pour reconstituer le chiffre d'affaires et le résultat de la société, le vérificateur a évalué le produit des ventes pour chacun des secteurs d'activité concernés à partir des renseignements fournis par écrit par son gérant, portant sur les constantes de l'exploitation, les taux de marge pratiqués, la perte de chiffre d'affaires résultant des soldes pour chaque exercice et d'un relevé des prix de 58 articles établi contradictoirement le 25 octobre 1991 ;
Considérant que la société requérante, qui ne propose aucune autre méthode de reconstitution de son activité, se borne à faire valoir que l'existence d'un seul relevé de prix portant sur un nombre limité d'articles, établi postérieurement aux années vérifiées, révèle le caractère excessivement sommaire de la reconstitution ; que si le relevé de prix, effectué comme il a été dit de façon contradictoire par le vérificateur, ne porte pas sur la totalité des articles offerts à la vente par la société mais procède d'une sélection de 58 articles, cette circonstance, en l'absence de critique du taux de marge ainsi calculé, ne saurait suffire à établir le caractère sommaire de la reconstitution ; que si la SARL soutient qu'il n'a pas été tenu compte de l'existence de cinq points de vente présentant des caractéristiques différentes, elle n'apporte à l'appui de ce moyen, en se bornant à invoquer le caractère saisonnier du point de vente de Carnac et la différence de clientèle entre les points de vente de Nantes et de La Baule, aucun élément chiffré permettant d'apprécier son incidence sur le montant des recettes déterminé par l'administration ; qu'enfin, la circonstance que le vérificateur n'a pas procédé à un inventaire des stocks existants, alors que, comme l'indique le ministre, il n'est pas démontré ni même allégué que les stocks d'entrée et de sortie, ainsi que les achats retenus par le vérificateur étaient erronés, ne saurait établir le caractère vicié de la reconstitution ; qu'il suit de là que la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition ;
Sur les pénalités :
Considérant que l'administration a assorti les rappels d'imposition effectués en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Bout d'Laine des pénalités pour mauvaise foi prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.80-D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ; que la notification de redressements du 16 décembre 1991 fait référence aux textes applicables et évoque le caractère répétitif et délibéré des minorations de recettes à l'origine des redressements, caractéristique de la mauvaise foi, et la destruction volontaire de documents comptables ; qu'ainsi, la notification de redressement mentionne les considérations de droit et de fait qui fondent les pénalités et doit, par suite, être regardée comme constituant une motivation régulière et suffisante de ces pénalités ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la société, qui n'a pas été en mesure de présenter au vérificateur les documents comptables enregistrant les ventes journalières réalisées au cours de chacun des exercices vérifiés, a omis de déclarer une partie de ses recettes, minorant ainsi de façon significative ses bases d'imposition ; que ces faits mettent en évidence l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent en l'espèce la volonté délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration doit dès lors être regardée comme ayant apporté la preuve de la mauvaise foi de la société ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, s'agissant des impositions restant en litige, que la SARL Bout d'Laine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à verser à la SARL Bout d'Laine la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er :
Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Bout d'Laine relatives à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 3 120,32 euros (trois mille cent vingt euros trente deux centimes).
Article 2 :
Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 30 novembre 1999 est annulé en tant qu'il n'a pas constaté un non-lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions des demandes présentées par la société Bout d'Laine tendant à la décharge des intérêts de retard et des droits de poursuite qui ont été appliqués aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société, à concurrence respectivement de 2 033,97 euros (deux mille trente trois euros quatre vingt dix sept centimes) et 34,86 euros (trente quatre euros quatre vingt six centimes).
Article 3 :
Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des demandes de la SARL Bout d'Laine relatives à la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 2 068,83 euros (deux mille soixante huit euros quatre vingt trois centimes).
Article 4 :
Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Bout d'Laine est rejeté.
Article 5 :
Le présent arrêt sera notifié à Me Y, mandataire liquidateur représentant la SARL Bout d'Laine, et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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