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18/06/2003 | FRANCE | N°99NT02502

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 18 juin 2003, 99NT02502


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 octobre 1999, présentée pour M. et Mme Y, demeurant ..., par Me X..., avocat au barreau de l'Essonne ;

M. et Mme Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1744 du Tribunal administratif de Caen en date du 6 juillet 1999 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que de la contribution sociale généralisée correspondante ;

2°) de prononcer

la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

.................

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 octobre 1999, présentée pour M. et Mme Y, demeurant ..., par Me X..., avocat au barreau de l'Essonne ;

M. et Mme Y demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1744 du Tribunal administratif de Caen en date du 6 juillet 1999 qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1992, 1993 et 1994 ainsi que de la contribution sociale généralisée correspondante ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

.............................................................................................................

C+ CNIJ n° 19-01-03-03

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2003 :

- le rapport de M. ISAÏA, président,

- et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que les requérants font valoir que les notifications de redressements du 29 décembre 1995 et du 9 février 1996 faisaient état, s'agissant de l'examen par le vérificateur du loyer versé à la SCI Trama, d'éléments constatés sur place, sans énoncer la nature et la teneur de ces éléments ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les notifications dont il s'agit ne faisaient pas référence à des tels éléments mais indiquaient clairement la nature et le montant des redressements envisagés, la catégorie de revenus visée et les années d'imposition ; que, dans ces conditions, elles étaient suffisamment motivées et la procédure de redressement n'est pas entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; ... l'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ;

Considérant que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte et dès lors qu'elle s'est abstenue, comme en l'espèce, de prendre avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que lesdits actes ont un caractère fictif ou à défaut qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation et à ses activités ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Trama, constituée le 11 septembre 1992 et dont le capital de 10 000 F est réparti à parts égales entre M. et Mme Y, a acquis le 9 novembre de la même année le Haras de Y..., situé à Sainte-Marie-du-Mont (Manche), pour une somme de 1 088 000 F ; que le 11 novembre 1992 les bâtiments d'exploitation et les terres agricoles ont été donnés à bail aux époux Y pour un loyer annuel de 5 000 F ainsi que la maison d'habitation pour la somme de 1 000 F par an ; que le service des impôts, en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, a estimé que la création de la SCI était destinée à éluder ou atténuer les charges fiscales que les intéressés auraient normalement supportées, eu égard à leur situation et à leurs activités ; qu'en conséquence il a refusé aux époux Y l'imputation sur leurs revenus fonciers des années 1992, 1993 et 1994 des déficits dégagés par la SCI, s'élevant, respectivement, à 146 096 F, 147 561 F et 146 455 F et correspondant aux travaux de réparation et aux intérêts d'emprunt supportés par ladite SCI à raison du domaine donné en location à ses associés ;

Considérant qu'en relevant les faits exposés ci-dessus qui établissent que la SCI n'a été constituée par les époux Y, avec un faible capital et en vue d'une activité unique, qu'afin de leur permettre de prendre en location le domaine immobilier dont il s'agit, l'administration doit être regardée dans les circonstances de l'espèce comme apportant la preuve, dont la charge lui incombe, que les requérants ont entendu faire échec, d'une part, en ce qui concerne le logement situé sur le domaine, aux dispositions de l'article 15 - II du code général des impôts qui excluent la déductibilité des charges afférentes aux immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance et, d'autre part, s'agissant des bâtiments et des terres agricoles, aux dispositions de l'article 156 - I - 1° du même code qui limitent les possibilités d'imputer sur le revenu global les déficits provenant d'exploitations agricoles lorsque, comme en l'espèce, le total des revenus nets d'autres sources excède un certain montant, fixé à 100 000 F pour les années 1992 et 1993 et à 150 000 F pour l'année 1994 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme Y auraient agi pour des motifs tenant à la demande de création d'une société qui leur aurait été faite par l'établissement prêteur, à la protection de leur patrimoine agricole et à la transmission de celui-ci à leurs héritiers ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'ils auraient pu obtenir les mêmes avantages fiscaux en inscrivant les immeubles en cause à l'actif de leur exploitation ou en les conservant dans leur patrimoine privé propre ; que la circonstance que pour la détermination de ses résultats la SCI Trama n'aurait pas pris en compte les dépenses afférentes à la maison d'habitation n'est pas de nature à établir que les requérants n'auraient pas cherché à échapper à l'application des dispositions de l'article 15 - II du code général des impôts dès lors que les intérêts que la société a déduits étaient afférents à un emprunt destiné à l'acquisition de l'ensemble du domaine immobilier et donc y compris les locaux réservés à l'habitation ; qu'enfin, les moyens tirés de l'absence de caractère fictif des opérations litigieuses sont inopérants, la procédure d'abus de droit étant fondée, en l'espèce, non pas sur ce caractère mais sur l'intention exclusive d'atténuer ou d'éluder les charges fiscales normalement supportées par le contribuable ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et une majoration de 4 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie et de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L.64 du livre des procédures fiscales... ;

Considérant, d'une part, que comme il a été dit ci-dessus, les faits reprochés aux époux Y sont constitutifs d'un abus de droit au sens de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, d'autre part, que les stipulations de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle..., sont applicables à la contestation, devant les juridictions compétentes, des majorations d'impositions prévues par le 1. de l'article 1729 du code général des impôts dans le cas où la mauvaise foi du contribuable est établie et dans celui où il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet, comme les simples intérêts de retard prévus par l'article 1727, la seule réparation d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les prononcer à l'autorité administrative, des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention ; que, toutefois, les dispositions précitées du 1 de l'article 1729 du code général des impôts qui proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration respectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard ; que les stipulations du 1. de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ; qu'il s'ensuit que le juge de l'impôt ne saurait moduler le taux de la pénalité litigieuse et que, par suite, les conclusions en ce sens des époux Y ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Y ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, lequel était suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

DÉCIDE :

Article 1er :

La requête de M. et Mme Y est rejetée.

Article 2 :

Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 99NT02502
Date de la décision : 18/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. ISAIA
Rapporteur public ?: Mme MAGNIER
Avocat(s) : DORASCENZI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-06-18;99nt02502 ?
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