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31/12/2001 | FRANCE | N°98NT02174

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 31 décembre 2001, 98NT02174


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 août 1998, présentée pour la S.A. COMPTARMOR, dont le siège est à (22950) Trégueux, ..., représentée par son président-directeur général, par Me BONDIGUEL, avocat au barreau de Rennes ;
La S.A. COMPTARMOR demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-229 en date du 7 mai 1998 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 dans les rôles de la commune de Trég

ueux ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui p...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 août 1998, présentée pour la S.A. COMPTARMOR, dont le siège est à (22950) Trégueux, ..., représentée par son président-directeur général, par Me BONDIGUEL, avocat au barreau de Rennes ;
La S.A. COMPTARMOR demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-229 en date du 7 mai 1998 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 dans les rôles de la commune de Trégueux ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 100 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2001 :
- le rapport de M. JULLIERE, président,
- les observations de Me BONDIGUEL, avocat de la S.A. COMPTARMOR,
- et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 30 juin 1999, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Côtes d'Armor a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 145 246 F en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la S.A. COMPTARMOR a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
En ce qui concerne l'écriture de charge à payer :
Considérant qu'aux termes de l'article 1712 du code général des impôts : "Les droits des actes civils ou judiciaires emportant translation de propriété ou d'usufruit de meubles ou immeubles sont supportés par les nouveaux possesseurs et ceux de tous les autres actes le sont par les parties auxquelles les actes profitent, lorsque, dans ces divers cas, il n'a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes" ;
Considérant que la S.A. COMPTARMOR a comptabilisé dans les charges à payer de son exercice clos le 30 septembre 1985 une somme de 93 000 F dont elle soutient, pour en contester à concurrence de 83 000 F la réintégration au résultat de cet exercice, qu'elle correspondrait dans cette proportion à la quote-part mise contractuellement à sa charge des droits d'enregistrement dus à raison de la cession partielle de sa clientèle d'expert-comptable à la S.A. GESCO ; qu'à la supposer vérifiée, cette explication ne serait de nature à justifier la déduction demandée qu'à la condition que la société requérante apporte la preuve qu'au moment de son inscription au bilan de l'exercice précité la charge en cause représentait pour elle une dette certaine dans son principe et dans son montant ; que cette preuve ne saurait résulter ni de la convention produite, qui, si elle comporte une clause mettant à la charge de la société COMPTARMOR la moitié du montant des droits d'enregistrement grevant une cession de clientèle consentie par celle-ci à effet du 1er octobre 1985, n'a été signée que le 29 octobre 1985, soit postérieurement à la date de clôture de l'exercice concerné, ni de la facturation, par la société GESCO à la requérante, en mars 1987, d'une somme de 72 920 F dont le montant aurait été déterminé à partir de celle de 83 000 F dont la déduction est sollicitée ;
En ce qui concerne la valeur de la clientèle cédée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société COMPTARMOR a acquis, aux dates respectives du 1er octobre 1982 et du 1er octobre 1983, au prix de 500 000 F chacune, la clientèle de M. Y..., expert-comptable, et celle d'un conseil fiscal ; qu'après les avoir exploités à partir de son bureau secondaire de Guingamp, la requérante a, le 1er octobre 1985, revendu ces éléments incorporels à la S.A. GESCO pour 1 000 000 F ; que le service a regardé ce prix comme notablement inférieur à celui du marché et lui a substitué une valeur de 1 720 000 F, égale à 70 % du chiffre d'affaires hors taxe dégagé au cours de l'exercice clos le 30 septembre 1986 par la clientèle cédée ; qu'après la notification des redressements correspondants, qui a donné lieu à des observations de la part de la requérante, l'administration a admis d'appliquer le taux de 70 % précité à la moyenne pondérée des chiffres d'affaires hors taxe provenant de l'exploitation de la clientèle concernée durant les trois exercices clos au cours des années 1984 à 1986, ce qui a eu pour effet de ramener à 1 490 000 F la valeur de cession ; qu'enfin, pour se conformer à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a en définitive retenu une valeur de 1 384 000 F, résultant de l'application du taux de 65 % au montant de chiffre d'affaires déterminé dans les conditions susdécrites ;

Considérant que le taux de 70 % précité, initialement retenu par le service pour évaluer la valeur de la clientèle cédée, a été déterminé par comparaison avec cinq cessions intervenues de 1983 à 1985 dans le même département, dont il n'est pas contesté que l'une, réalisée en 1983 entre un expert-comptable et la société COMPTARMOR elle-même, portait sur une clientèle comparable à celle vendue à la S.A. GESCO ; que si, pour critiquer l'adéquation de ces termes de comparaison, la requérante fait valoir que l'acte de cession de sa clientèle ne comportait pas de garantie d'honoraires, l'administration en a suffisamment tenu compte en se ralliant, comme cela a été ci-dessus indiqué, à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que si la société requérante fait état de facteurs particuliers de moins-value, tenant notamment à des difficultés de personnel, elle ne conteste pas que le chiffre d'affaires correspondant à la clientèle cédée avait, depuis son acquisition par la S.A. COMPTARMOR, progressé davantage que celui lié à l'ensemble de son activité et que le ratio frais de personnel sur chiffre d'affaires de l'établissement de rattachement de la clientèle concernée était plus satisfaisant que celui constaté globalement dans l'entreprise ; que le moyen par lequel la société requérante se prévaut de l'indissociabilité de la cession de clientèle litigieuse avec celle, intervenue d'ailleurs seulement en mars 1987, par M. Y..., directeur général de la S.A. GESCO, à M. X..., son propre président-directeur général, des parts détenues par le premier dans le capital de la S.A.R.L. MECARMOR, société mère de la S.A. COMPTARMOR, est inopérant dans le présent contentieux ; que la société COMPTARMOR ne peut davantage se prévaloir utilement du jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en date du 14 décembre 1993 ayant statué dans le litige opposant M. X... à l'administration fiscale en ce qui concerne les droits d'enregistrement dus à raison de la cession de parts précitée, ni de l'avis par lequel la commission départementale de conciliation, saisie du différend relatif aux droits d'enregistrement afférents à la cession de clientèle consentie à la S.A. GESCO, a estimé à 1 200 000 F la valeur de cette clientèle ; que la circonstance que l'administration se serait abstenue d'imposer à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers la distribution correspondante est également sans influence sur le bien-fondé du redressement litigieux ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'en consentant la cession litigieuse de clientèle au prix de 1 000 000 F, la S.A. COMPTARMOR a accordé à la S.A. GESCO un avantage sans contrepartie d'une valeur de 384 000 F et, par là-même, procédé à un acte anormal de gestion ;
En ce qui concerne le prêt et les avances sans intérêts :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la clôture de chacun des exercices 1984 à 1986, la S.A. COMPTARMOR détenait une créance sur la S.A.R.L. MECARMOR, société mère ; que cette créance était d'un montant de 1 604 430 F pour l'exercice clos le 30 septembre 1984 et de 1 713 238 F s'agissant de ceux clos le 30 septembre des années 1985 et 1986 ; que ladite créance a son origine à concurrence de 1 560 368 F dans un prêt sans intérêts consenti en 1983 à la société MECARMOR pour lui permettre d'acquérir des actions de la société requérante et, pour le surplus, dans des avances sans intérêts ; qu'ayant estimé que la société COMPTARMOR s'était écartée d'une gestion commerciale normale par l'abandon d'intérêts sans contrepartie, l'administration a procédé aux réintégrations de produits financiers correspondantes pour les trois exercices précités ; qu'elle a, à cette fin, appliqué au prêt et aux avances concernés un taux de rémunération correspondant à 80 % de la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ; qu'en cours d'instance, il a toutefois été substitué à ce taux celui de 6 % revendiqué à titre subsidiaire par la requérante, ce qui a eu pour conséquence l'intervention du dégrèvement dont il est ci-dessus fait état ;
Considérant que le fait de consentir des prêts ou avances sans intérêts à un tiers constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale sauf s'il est établi l'existence d'une contrepartie ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve si l'auteur de l'abandon n'est pas en mesure de justifier de l'existence de contreparties ;
Considérant, d'une part, que les allégations de la société COMPTARMOR selon lesquelles la société-mère lui facturait des prestations, informatiques notamment, à un prix proche du coût de revient, qui aurait été remis en cause en cas de facturation d'intérêts, ne sont assorties d'aucun élément de justification ; que, d'autre part, dès lors qu'elle ne conteste pas que son capital était déjà, comme l'affirme le directeur des services fiscaux en première instance, détenu pour plus de 85 % par la S.A.R.L. MECARMOR, la requérante n'est pas fondée, en tout état de cause, à se prévaloir de la nécessité dans laquelle elle se serait trouvée, pour pouvoir solliciter son inscription à l'ordre des experts-comptables et comptables agréés, de faciliter l'acquisition par sa société mère, elle-même inscrite à l'ordre, de participations à son capital jusqu'à un minimum de 75 % ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé des redressements ;
Sur les pénalités demeurant en litige :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration n'établit pas, nonobstant la circonstance que la S.A. COMPTARMOR exerçait l'activité d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, que celle-ci aurait délibérément cherché à éluder l'impôt en consentant un prêt et des avances sans intérêt à sa société mère ; que l'administration n'établit pas, non plus, dans les circonstances de l'espèce, que la sous-évaluation de la valeur vénale de la clientèle cédée résulterait d'une intention délibérée de minorer la plus-value imposable ; que la S.A. COMPTARMOR est fondée à demander la décharge de la majoration pour mauvaise foi dont ont été assortis les droits correspondant aux deux chefs de redressement susmentionnés ; qu'il y a lieu, toutefois, de substituer à cette majoration, dans la limite de son montant, les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des impositions restant en litige, la S.A. COMPTARMOR est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté l'intégralité de sa demande ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la S.A. COMPTARMOR une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : A concurrence de la somme de cent quarante cinq mille deux cent quarante six francs (145 246 F) en ce qui concerne les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la S.A. COMPTARMOR a été assujettie au titre des années 1984 à 1986, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : Les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts sont substitués, dans la limite de leurs montants, aux majorations pour mauvaise foi.
Article 3 : L'Etat versera à la S.A. COMPTARMOR une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. COMPTARMOR est rejeté.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 7 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. COMPTARMOR et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98NT02174
Date de la décision : 31/12/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION


Références :

CGI 1712, 1727
Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. JULLIERE
Rapporteur public ?: Mme MAGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2001-12-31;98nt02174 ?
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