Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 17 avril 1998, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-1939 en date du 18 décembre 1997 du Tribunal administratif d'Orléans ;
2 ) de décider que M. Z... sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1987 et 1989, à raison de l'intégralité des impositions supplémentaires initialement mises à sa charge, assorties des intérêts de retard y afférents ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2001 :
- le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
- et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues au 2 et 3 du II et au III de l'article 44 bis, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant" ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis : " ... Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z... a apporté l'entreprise individuelle de plomberie, chauffage, électricité, ramonages, couvertures qu'il avait créée le 2 juillet 1985 et qui bénéficiait des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts, à l'EURL Z..., constituée par lui par acte sous-seing privé du 24 juin 1987 et qui a acquis à M. et Mme Y..., le 1er août 1987, un fonds artisanal d'installations sanitaires ; que les dispositions précitées ne prévoient pas que les droits à exonération acquis par un contribuable à raison de l'entreprise qu'il a créée puissent être transférés, pour la période restant à courir, à une autre entreprise à la suite de la cession ou de l'apport du fonds à celle-ci ; que l'EURL Z... constituant une personne morale, distincte du précédent contribuable et imposable en tant que telle, ladite société ne pouvait prétendre, en tout état de cause, au regard de la loi fiscale, au régime de faveur prévu par les dispositions précitées des articles 44 quater et 44 bis du code général des impôts ;
Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant que, devant le tribunal, M. Z... s'était prévalu, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la réponse ministérielle à M. Bruno A..., député, publiée au Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale du 24 décembre 1984, faisant l'objet d'un commentaire administratif au BO X... 4-A-7-85 du 9 août 1985, selon laquelle une société résultant de la transformation d'une entreprise individuelle bénéficiant des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts, peut, dans certaines conditions et limites, bénéficier également de ce régime et, notamment à la condition que la société soit entièrement nouvelle au moment de l'apport ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. Z... a fait apport de son entreprise individuelle à l'EURL Z... le 24 juin 1987 ; que, dès le 1er juillet 1987 cette société a eu la jouissance du fonds de commerce d'installations sanitaires exploité par M. Y... jusqu'au 25 juin de la même année, date de cessation de son activité ; que les époux Z... ont également acquis l'atelier appartenant aux époux Y..., situé au lieu retenu comme siège de la société ; qu'il ressort aussi de l'instruction que M. Y..., pour satisfaire aux prescriptions du code de l'urbanisme, avait, dès le 15 mai 1987, adressé au maire de la commune une déclaration l'informant de son intention de céder son immeuble aux époux Z... ; qu'enfin, le 3 août 1987, l'EURL Z... a pris le nom commercial de société "LEROY-DURAND" ; que, dans ces conditions, l'EURL Z... ne peut être regardée comme ayant eu, au moment de sa création, le caractère d'une société "entièrement nouvelle" au sens de la réponse ministérielle susindiquée ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a considéré, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, que ladite EURL était en droit de bénéficier de l'exonération d'imposition de ses bénéfices, prévue par les dispositions précitées de l'article 44 quater du code général des impôts, pour la période résiduelle restant à courir depuis l'année de création de l'entreprise individuelle de M.
Z...
;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Z... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant que M. Z... demande, à titre subsidiaire, que pour la période résiduelle l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts lui soit au moins accordée pour les bénéfices résultant de l'exploitation du fonds qu'il a lui-même apporté à l'EURL ; que, toutefois, aucune disposition du code général des impôts ne prévoit une exonération dans une telle situation ; que, par suite, les prétentions du requérant sur ce point ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. Z... la décharge des impositions litigieuses ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 18 décembre 1997 est annulé.
Article 2 : M. Z... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu des années 1987 et 1989, à raison de l'intégralité des impositions supplémentaires initialement mises à sa charge, assorties des intérêts de retard y afférents.
Article 3 : Les conclusions de M. Z... tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Z....