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08/07/1999 | FRANCE | N°97NT00486

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 08 juillet 1999, 97NT00486


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés respectivement au greffe de la Cour les 4 avril et 26 septembre 1997, présentés pour le Centre hospitalier (C.H.) du Havre, représenté par son directeur, dont le siège est rue Gustave Flaubert au Havre (76600), par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le C.H. du Havre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-149 du 5 février 1997 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser une somme de 100 000 F respectivement à Mme X...
Y... et à M. Cyri

l Z..., une rente viagère mensuelle de 5 000 F revalorisable pour leur f...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés respectivement au greffe de la Cour les 4 avril et 26 septembre 1997, présentés pour le Centre hospitalier (C.H.) du Havre, représenté par son directeur, dont le siège est rue Gustave Flaubert au Havre (76600), par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Le C.H. du Havre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-149 du 5 février 1997 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à verser une somme de 100 000 F respectivement à Mme X...
Y... et à M. Cyril Z..., une rente viagère mensuelle de 5 000 F revalorisable pour leur fille Alexandra, et une somme de 214 216,97 F à la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) du Havre, en réparation des préjudices résultant de l'infirmité dont était atteinte l'enfant à sa naissance ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme Y... et M. Z..., ainsi que celle présentée par la C.P.A.M. du Havre devant le Tribunal administratif de Rouen ;
3 ) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif
de Rouen en application de l'article R.125, premier alinéa, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 1999 :
- le rapport de M. LAINE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que sur le conseil de son gynécologue traitant, Mme Y..., alors âgée de 39 ans et enceinte de M. Z..., a subi le 20 août 1992 au laboratoire de cytogénétique du Centre hospitalier (C.H.) du Havre une amniocentèse, afin qu'il soit procédé à un examen chromosomique des cellules du f tus ; qu'alors que cet examen avait révélé, selon le médecin responsable du laboratoire, que l'enfant conçu serait un garçon, atteint du syndrome de Klinefelter, elle a donné naissance, le 28 janvier 1993, à une fille, Alexandra, atteinte d'une trisomie 21 ; que le C.H. du Havre demande l'annulation du jugement du 5 février 1997 par lequel le Tribunal administratif de Rouen l'a condamné à réparer les conséquences dommageables tant pour Mme Y... et M. Z... que pour leur fille de l'infirmité dont celle-ci était atteinte à sa naissance ; que, par la voie de l'appel incident, Mme Y... et M. Z... demandent l'augmentation des différentes indemnités qui leur ont été allouées, ainsi qu'une expertise pour évaluer précisément le montant de leurs chefs de préjudice ;
Sur l'appel du C.H. du Havre :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'information erronée donnée à Mme Y... résulte d'une mauvaise interprétation par le chef du laboratoire de cytogénétique du C.H. du Havre et deux de ses assistantes, des caryotypes issus de l'amniocentèse, en raison d'une confusion entre le chromosome surnuméraire caractéristique de la trisomie 21 et un chromosome sexuel masculin ; qu'en l'absence de négligence grave de la part du praticien intervenant, une telle erreur, commise dans les locaux et avec les moyens matériels et humains du service public hospitalier, constitue une faute de service entièrement imputable au C.H. du Havre, et non une faute personnelle du médecin, exonérant ledit établissement de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction que si Mme Y... avait décidé de poursuivre sa grossesse après avoir entendu les explications qui lui furent données sur le syndrome de Klinefelter, elle s'était soumise à cette amniocentèse afin d'éviter de mettre au monde un enfant atteint de l'infirmité majeure que constitue la trisomie ; qu'ainsi, en privant l'intéressée de la faculté de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, ouverte pour motif thérapeutique par l'article L.162-12 du code de la santé publique, la faute du C.H. doit être regardée comme la cause directe des préjudices entraînés pour Mme Y... et M. Z... par les handicaps de leur enfant ;
Considérant, en revanche, qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'infirmité dont souffre la petite Alexandra, qui est inhérente à son patrimoine génétique, aurait été consécutive à l'acte médical d'investigation que constitue l'amniocentèse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le C.H. du Havre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen l'a déclaré responsable de la trisomie 21 dont Alexandra est atteinte et, par voie de conséquence, l'a condamné, d'une part, à verser à Mme Y... et à M. Z..., en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille, Alexandra, une indemnité sous forme de rente mensuelle de sa naissance jusqu'à sa majorité, d'autre part, à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre les prestations que celle-ci a versées en raison de l'infirmité de l'enfant ;
Sur l'appel incident de Mme Y... et de M. Z... :
Considérant que le Tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence de Mme Y... et M. Z... ainsi que de certains éléments des préjudices matériels dont ils font état en condamnant le C.H. du Havre à payer à chacun d'eux une indemnité de 100 000 F ;
Considérant que doivent être également prises en compte, au titre du préjudice matériel, les charges particulières, notamment en matière de soins et d'éducation spécialisée, qui découleront pour Mme Y... et M. Z... de l'infirmité de leur enfant ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner le C.H. du Havre à leur payer globalement une indemnité en capital d'un million de francs, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par la voie de l'appel incident, Mme Y... et M. Z... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs conclusions tendant à ce que le C.H. du Havre soit condamné à leur verser globalement une indemnité en capital d'un million de francs au titre de leur préjudice matériel ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du 5 février 1997 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il condamne le Centre hospitalier du Havre à payer à Alexandra Z... une rente viagère mensuelle de cinq mille francs (5 000 F) revalorisable jusqu'à sa majorité.
Article 2 : L'article 2 du jugement du 5 février 1997 du Tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 3 : Le Centre hospitalier du Havre est condamné à payer globalement à Mme X...
Y... et à M. Cyril Z... une indemnité en capital d'un million de francs (1 000 000 F).
Article 4 : Le surplus de l'article 1er du jugement du 5 février 1997 du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du Centre hospitalier du Havre et le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme X...
Y... et de M. Cyril Z... sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au Centre hospitalier du Havre, à Mme X...
Y..., à M. Cyril Z..., à la Caisse primaire d'assurance maladie du Havre et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 97NT00486
Date de la décision : 08/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS INCIDENTES.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - ACTES MEDICAUX D'INVESTIGATION.


Références :

Code de la santé publique L162-12


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LAINE
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-07-08;97nt00486 ?
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