Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 13 mars et 9 mai 1997, présentés pour M. Jean X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat au barreau de Caen ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-1370 du 7 janvier 1997 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 1996 du ministre de l'intérieur prononçant son expulsion du territoire français ;
2 ) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n 82-440 du 26 mai 1982 portant application des articles 23, 24, 26, 28 et 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 1999 :
- le rapport de M. LAINE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article 23 : ( ...) 3 L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 26 de ladite ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n 93-1027 du 24 août 1993 : "L'expulsion peut être prononcée : ( ...) b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour ... la sûreté publique, par dérogation à l'article 25 ..." ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure ( ...) nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ..." ;
Considérant que M. X..., de nationalité sénégalaise, est arrivé en France en 1975, à l'âge de six ans, et y a toujours résidé ; que s'il s'est rendu coupable de 1987 à 1991 d'infractions lui ayant valu des condamnations à plusieurs peines d'emprisonnement, dont, en dernier lieu, une peine de huit ans de réclusion criminelle pour des vols avec port d'arme et des violences volontaires avec menace d'une arme, il ressort des pièces du dossier qu'outre un très bon comportement, il a manifesté lors de son incarcération à la maison d'arrêt d'Evreux puis au centre de détention de Caen une réelle volonté de réinsertion sociale et professionnelle, qui s'est concrétisée notamment par la préparation puis l'obtention d'un C.A.P. et d'un B.E.P. de magasinage et gestion de stocks et de la première partie du brevet d'éducateur sportif ; que la totalité des membres de sa famille résidant en France depuis de nombreuses années, dont ses parents et ses sept frères et s urs qui ont pour la plupart la nationalité française, il est dénué de toute attache dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, au regard de la modification certaine et sérieuse du comportement de l'intéressé, le ministre a apprécié de manière erronée l'ensemble des circonstances de l'espèce en estimant que son expulsion revêtait le caractère d'une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, et l'arrêté litigieux du 23 février 1996 a porté au droit de M. X... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, de nature à méconnaître les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur l'expulsant du territoire français ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 7 janvier 1997 et l'ar-rêté susvisé du ministre de l'intérieur du 23 février 1996 sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean X... et au ministre de l'inté-rieur.