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27/04/1999 | FRANCE | N°96NT01875;96NT02075

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 27 avril 1999, 96NT01875 et 96NT02075


Vu 1 ) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 1996, sous le n 96NT01875, présentée par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de l'Orne, qui a son siège 52, boulevard du 1er Chasseurs à Alençon (61002), représentée par son directeur général ;
La CRCAM de l'Orne demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-1848 du 2 juillet 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été

assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990 ;
2 ) de lui accorder la déc...

Vu 1 ) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 1996, sous le n 96NT01875, présentée par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de l'Orne, qui a son siège 52, boulevard du 1er Chasseurs à Alençon (61002), représentée par son directeur général ;
La CRCAM de l'Orne demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-1848 du 2 juillet 1996 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990 ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, 2 ) le recours, enregistré le 8 octobre 1996, sous le n 96NT02075, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) de rétablir les suppléments d'impôt sur les sociétés dont le dégrèvement a été prononcé en première instance, à concurrence, en bases de 492 254 F pour 1988, 2 299 330 F pour 1989 et 3 032 084 F pour 1990 ;
2 ) de réformer en ce sens le jugement du Tribunal administratif de Caen du 2 juillet 1996 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 1999 :
- le rapport de M. ISA A, premier conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne et le recours du ministre chargé du budget sont dirigés contre un même jugement du Tribunal administratif de Caen par lequel il a été statué sur la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par son jugement en date du 2 juillet 1996, le Tribunal administratif de Caen a notamment accordé à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1988, à raison de la réintégration d'une provision pour litige salarial ;
Considérant que, postérieurement à l'appel du ministre chargé du budget contre ce jugement, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a, par une lettre enregistrée au greffe de la Cour le 19 mai 1998, indiqué à propos de la provision dont il s'agit qu'elle avait "décidé de se désister" ; qu'ainsi, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne doit être regardée comme ayant entendu renoncer au bénéfice de la chose jugée par le jugement dont la réformation est demandée par le ministre chargé du budget ; que ce jugement n'est dès lors plus susceptible d'exécution en ce qui concerne l'imposition susindiquée ; qu'à la suite de cette renonciation l'Etat doit être regardé comme ayant obtenu satisfaction ; que, dans ces conditions le recours du ministre chargé du budget est devenu sans objet en ce qui concerne le supplément d'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a été assujettie au titre de l'année 1988, à raison de la réintégration d'une provision pour litige salarial ;
Considérant que, s'agissant du recours du ministre chargé du budget, seuls restent désormais en litige les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a été assujettie au titre des années 1989 et 1990, à raison de la réintégration des cotisations "cartes bancaires" ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'alors qu'il a constaté, dans les motifs du jugement attaqué, qu'il y avait lieu de réduire les bases des impositions en litige à hauteur de 1 672 290 F au titre de 1989 et 1 087 106 F au titre de 1990, le tribunal administratif, dans le dispositif dudit jugement, a décidé de réduire les bases d'imposition de 2 299 330 F au titre de l'exercice 1989 et de 3 850 750 F au titre de l'exercice 1990 ; qu'ainsi, comme le soutient le ministre dans son recours, le jugement susvisé du Tribunal administratif de Caen est entaché de contradiction entre ses motifs et son dispositif et doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il a statué sur les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a été assujettie au titre des années 1989 et 1990, à raison de la réintégration des cotisations "cartes bancaires" ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, sur la demande présentée par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne en tant qu'elle concernait les impositions susindiquées ;
Sur les commissions perçues de la Caisse nationale de Crédit agricole et les cotisations "cartes bancaires" :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2. bis. Pour l'application des 1 et 2 les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à des échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution" ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1988, 1989 et 1990, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne plaçait auprès de sa clientèle divers produits d'épargne pour le compte de la Caisse nationale de Crédit agricole, qui lui versait, dès la date de souscription de ces produits, une commission de placement fixe dont le taux était égal à 0,6 % de la valeur nominale des souscriptions, et, à la date de remboursement des titres, une commission variable, dont le taux, calculé selon un barème fixé par accord entre la caisse nationale et la caisse régionale, allait de 0,020 % à 0,30 % suivant la durée de conservation du titre par le client ; que, par cette rémunération variable, la caisse régionale était incitée à convaincre ses clients de garder leurs titres jusqu'à une date aussi proche que possible de l'échéance ; que la commission variable rémunérait ainsi la prestation continue de suivi du placement fournie par la caisse régionale à la caisse nationale pendant la période comprise entre la souscription du titre et son remboursement ; que, par application des dispositions ci-dessus rappelées de l'article 38-2 bis du code général des impôts, et alors même que la caisse nationale les comptabilisait en charges à payer, dès l'année de souscription, pour les montants correspondant à leur taux maximal, qu'elles n'étaient versées à la caisse régionale qu'à la date de remboursement des titres et qu'elles étaient dues à la caisse ayant reçu la souscription, y compris dans le cas où le remboursement était effectué par une autre caisse régionale, les commissions variables devaient être prises en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations correspondantes ; qu'ainsi, c'est à tort que l'administration a procédé à la réintégration de la part des commissions qui avait été rattachée à des exercices postérieurs à ceux de la souscription des produits placés ;
Considérant, d'autre part, que la cotisation annuelle que paient les titulaires d'une carte bancaire constitue la contrepartie du droit d'accès aux différents services que leur procure ladite carte ; qu'ainsi, cette cotisation, qui reste acquise à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne en cas de résiliation du contrat ou de non utilisation des services, rémunère une prestation qui est achevée dès la conclusion du contrat entre la Caisse et l'utilisateur potentiel, concrétisée par la remise à celui-ci de la carte bancaire ; que, par suite, la circonstance que les services attachés à l'utilisation de la carte se poursuivent sur plusieurs exercices ne saurait conférer à la prestation dont s'agit le caractère d'une prestation continue au sens de l'article 38-2 bis du code général des impôts ; que, dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions dudit article que l'administration a rattaché l'intégralité de la cotisation annuelle en cause aux résultats imposables de l'exercice au cours duquel elle avait été payée ;
Sur la déductibilité des subventions :

Considérant que si aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1. Le bénéfice net imposable est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1 Les frais généraux de toute nature ...", la déductibilité de ces frais ou charges demeure en toute hypothèse subordonnée à la condition que l'entreprise justifie qu'elles ont été exposées dans l'intérêt direct de son exploitation ;
Considérant que la Caisse requérante n'établit pas, comme elle en a la charge, que les subventions qu'elle a allouées au cours des années 1988, 1989 et 1990 à l'Union des organismes agricoles de l'Orne ont été effectuées dans l'intérêt direct de son exploitation ; qu'elle ne saurait utilement se prévaloir de la documentation de base DB FE 4-C475 du 15 février 1986 dès lors que les subventions en cause ne sont pas consenties dans l'intérêt direct de l'entreprise ni au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général visés par ladite documentation ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les subventions dont il s'agit dans les bénéfices imposables de la Caisse requérante ;
Sur les crédits d'impôt italien :
Considérant que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a réalisé, au cours de l'année 1990, des opérations portant sur des obligations italiennes ; qu'à cette occasion, l'établissement payeur italien lui a versé les intérêts attachés aux coupons desdites obligations, diminués de la retenue à la source effectuée au profit du trésor public italien ; que la Caisse a déclaré dans ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1990 les intérêts ainsi perçus augmentés des crédits d'impôt correspondant à la retenue à la source pratiquée par l'établissement italien, soit un montant de 3 026 992 F ; que l'administration a réduit ce crédit d'impôt à un montant de 46 972 F en faisant valoir que les porteurs successifs des titres ont bénéficié d'un crédit d'impôt au prorata de la durée de leur détention en application des pratiques bancaires et fiscales en vigueur en Italie, entraînant une décote des prix d'acquisition des titres équivalente à la retenue à la source courue par chaque porteur ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958, applicable au moment des faits : "Il est entendu que la double imposition est évitée de la manière suivante : ... 2 en ce qui concerne les dividendes visés à l'article 8 et les intérêts visés à l'article 9, l'Etat du domicile imputera sur l'impôt afférent à ces dividendes ou intérêts l'impôt effectivement perçu dans l'autre Etat, sur les mêmes revenus, dans les conditions fixées par lesdits articles" ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations de la convention franco-italienne applicable à l'imposition des intérêts acquis en Italie par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne, que cette dernière pouvait imputer sur l'impôt sur les sociétés dû en France la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie en Italie, sans que le crédit d'impôt ainsi imputable puisse, en l'absence de toute disposition en ce sens, être diminué en considération de l'avantage financier que représente pour la Caisse la décote du coût d'acquisition des titres résultant des pratiques bancaires et fiscales en vigueur en Italie ; que, par suite, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne était en droit de demander que son imposition à l'impôt sur les sociétés soit réduite de la totalité du crédit d'impôt de 3 026 992 F susmentionné, et la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Normand, qui vient aux droits de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne, est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de cette dernière en tant qu'elle tendait à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990 à raison des commissions de placement et du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1990 à raison des crédits d'impôt italien ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de ce qui précède que le ministre chargé du budget est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a accordé à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 à raison de la réintégration des cotisations "cartes bancaires" ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du ministre chargé du budget en tant qu'il tendait au rétablissement du supplément d'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a été assujettie au titre de l'année 1988, à raison de la réintégration de la provision pour litige salarial.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 2 juillet 1996 est annulé en tant qu'il a statué sur les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a été assujettie au titre des années 1989 et 1990, à raison de la réintégration des cotisations "cartes bancaires".
Article 3 : Le supplément d'impôt sur les sociétés au titre des années 1989 et 1990 établi à raison de la réintégration des cotisations "cartes bancaires" est remis à la charge de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Normand, venant aux droits de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne.
Article 4 : Il est accordé à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Normand la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne a été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990 à raison des commissions de placement et du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1990, à raison des crédits d'impôt italien.
Article 5 : Le surplus du jugement du Tribunal administratif de Caen du 2 juillet 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 4 du présent arrêt.
Article 6 : La demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne en tant qu'elle tendait à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990, à raison de la réintégration des cotisations "cartes bancaires" est rejetée et, ensemble, le surplus des conclusions de sa requête.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Normand, venant aux droits de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Orne et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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