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15/04/1999 | FRANCE | N°94NT01003

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Pleniere, 15 avril 1999, 94NT01003


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 septembre 1994, présentée par M. Jean X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1701 du 6 juillet 1994 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur sa demande, en date du 11 mars 1991, présentée en vue d'obtenir la révision de sa pension civile de retraite et tendant, d'autre part, à ce que l'Etat soi

t condamné à réparer le préjudice résultant de ce que le gouvernemen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 septembre 1994, présentée par M. Jean X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1701 du 6 juillet 1994 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur sa demande, en date du 11 mars 1991, présentée en vue d'obtenir la révision de sa pension civile de retraite et tendant, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice résultant de ce que le gouvernement n'a pas pris les dispositions réglementaires propres à le faire bénéficier de bonifications pour les services aériens commandés qu'il avait accomplis de 1960 à 1973 ;
2 ) de faire droit à ladite demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1999 :
- le rapport de Mme LISSOWSKI, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X..., titulaire, en qualité d'ancien commissaire divisionnaire de la police nationale, d'une pension de retraite concédée par arrêté du 24 décembre 1990, a demandé au ministre de l'intérieur, par lettre du 11 mars 1991, que les services aériens commandés qu'il avait accomplis de 1960 à 1973, années au cours desquelles il avait été mis à la disposition du service national de la protection civile comme pilote d'hélicoptères, lui ouvrent droit aux bonifications prévues par les dispositions de l'article L.12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, le ministre ayant opposé un refus implicite à sa demande, il soutient, à titre principal, que l'Etat doit être condamné à lui verser les arrérages de pension dont il a été privé en l'absence de prise en compte des bonifications pour services aériens, ainsi qu'une somme de 10 000 F pour troubles dans ses conditions d'existence, et, à titre subsidiaire, que l'Etat doit être condamné à lui verser une indemnité de 100 000 F en réparation du préjudice résultant de ce que le gouvernement n'a pas pris, en faveur des personnels du service national de la protection civile, les dispositions réglementaires dont l'article L.12 prescrivait l'intervention ;
Sur les conclusions principales de M. X... :

Considérant qu'aux termes de l'article L.12 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions détermi-nées par règlement d'administration publique, les bonifications ci-après : ... ; - d) Bonification pour l'exécution d'un service aérien ou sous-marin commandé ..." ; que le I - 1 de l'article R.20 du même code dispose : "Ouvrent droit à des bonifications, au sens de l'article L.12-d du code des pensions civiles et militaires de retraite : - 1 Les services aériens commandés exécutés en dehors des opérations de guerre dans les conditions suivantes : - A - Par les personnels militaires : - a) Services accomplis à bord d'aéronefs dans l'exercice des fonctions de leur spécialité militaire par les personnels navigants des armées ; - b) Vols à bord d'aéronefs suivis d'une descente en parachute et les descentes elles-mêmes, les vols en planeurs, les lancements par catapulte ou par fusée d'appoint et les accrochages sur plate-forme mobile ; - c) Services accomplis à bord d'aéronefs dans l'exercice des fonctions de leur spécialité par des personnels techniques militaires à l'occasion d'essais, de mise au point, de mise en uvre de matériel, équipements et dispositifs ressortissant de leur spécialité ; - d) Vols effectués par des personnels embarqués au-dessus de zones opérationnelles en vue de l'exécu-tion d'une mission de combat en liaison avec des formations engagées ; - e) Vols à bord d'aéronefs au cours d'une mission de secours : vols à bord d'aéronefs suivis d'une descente en rappel ou par treuillage et les descentes elles-mêmes ; - f) Vols effectués à bord d'aéronefs par les personnels militaires du service de santé des armées assurant une mission de convoyage de blessés ou malades. - B - Par les personnels civils : - a) Services accomplis par le personnel des corps d'ingénieurs techniciens d'études et de fabrications ou de techniciens d'études et de fabrications relevant du ministre de la défense et par le personnel technique de la navigation aérienne relevant du ministre chargé de l'aviation civile, à bord d'aéronefs dans l'exercice des fonctions de leur spécialité professionnelle à l'occasion des vols d'instruction, d'essais, de mise au point, de mise en uvre de matériels, équipements et dispositifs ressortissant à leur spécialité ; - b) Services accomplis par les personnels techniques de la météorologie nationale embarqués à bord d'aéronefs en vue de l'exécution de missions météorologiques à l'occasion de vols d'instruction, d'essais, de mise au point, de mise en uvre de matériels, équipements et dispositifs ressortissant de leur spécialité. - Tous autres vols accomplis en dehors des conditions prévues aux A et B ci-dessus notamment en qualité de passager, n'ouvrent pas droit à bonification" ;

Considérant qu'il appartenait au gouvernement de déterminer pour l'ensemble des personnels civils et militaires, les catégories de services aériens qui, compte tenu des risques et sujétions qu'ils comportent, ouvrent droit aux bonifications prévues par l'article L.12 précité ; que, si le gouvernement a défini pour les personnels militaires, et pour les personnels civils appartenant à certains corps de la défense, de l'aviation civile et de la météorologie nationale, les services ouvrant droit à bonification, il ne pouvait légalement exclure du bénéfice de ces bonifications les autres fonctionnaires civils sans considération de la nature des services aériens qu'ils avaient accomplis ;
Considérant, toutefois, qu'à la date à laquelle la pension de M. X... lui a été concédée, aucun décret n'était intervenu pour étendre à l'ensemble des fonctionnaires civils le bénéfice des bonifications en cause lorsque les intéressés effectuent des services aériens dans des conditions présentant des risques et sujétions ; que, dès lors, c'est à bon droit que le ministre de l'intérieur a refusé de faire bénéficier l'intéressé de bonifications pour services aériens commandés et a rejeté, en conséquence, sa demande de révision de pension ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision de refus implicite du ministre de l'intérieur, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser les arrérages de pension qu'il réclamait ; que, par suite, et en tout état de cause, le requérant n'est pas davantage fondé à solliciter une indemnité de 10 000 F en réparation des troubles qu'il aurait subis dans ses conditions d'existence en raison du refus litigieux ;
Sur les conclusions subsidiaires de M. X... ;
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre du budget :
Considérant qu'aux termes de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision ..." ;
Considérant que M. X... a présenté en première instance des conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant de la carence du gouvernement qui n'avait pas pris les dispositions réglementaires propres à le faire bénéficier de bonifications pour services aériens commandés ; que, si l'intéressé n'avait pas préalablement saisi l'administration d'une demande d'indemni-té, le ministre du budget a relevé, dans les observations qu'il avait produites le 21 janvier 1993 devant le Tribunal administratif, que M. X... ne pouvait utilement invoquer le caractère fautif de cette carence ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant opposé aux conclusions susanalysées une décision de rejet susceptible de lier le contentieux ; que, dès lors, la fin de non-recevoir soulevée en appel par le ministre et tirée du défaut de décision préalable, doit être écartée ;
Au fond :

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le gouvernement avait l'obligation de prendre, dans un délai raisonnable, un décret permettant d'étendre à l'ensemble des fonctionnaires civils le bénéfice des bonifications prévues par l'article L.12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à raison des services aériens qu'ils avaient accomplis et compte tenu des risques et sujétions que leurs missions avaient comportés ; qu'à la date de la demande de M. X..., ce délai était dépassé ; que, dans ces conditions, l'abstention du gouvernement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pendant les années 1960 à 1973, M. X... avait accompli, en qualité de pilote d'hélicoptères mis à la disposition du service national de la protection civile, des missions de secours en montagne et en mer ; qu'eu égard à leur nature, ces missions étaient susceptibles de lui ouvrir droit aux bonifications pour l'exécution d'un service aérien commandé que prévoit l'article L.12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par l'intéressé du fait de la privation de ces bonifications, en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 F, y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. X... une somme de cinquante mille francs (50 000 F) en réparation du préjudice résultant de ce que le gouvernement n'a pas pris les dispositions réglementaires pro- pres à le faire bénéficier de bonifications pour services aériens commandés, ainsi qu'une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel .
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes, en date du 6 juillet 1994, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 94NT01003
Date de la décision : 15/04/1999
Sens de l'arrêt : Condamnation de l'état réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 - RJ2 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - ENTREE EN VIGUEUR - ENTREE EN VIGUEUR SUBORDONNEE A L'INTERVENTION DE MESURES D'APPLICATION - Dispositions d'application incomplètes - Conséquences (1) (2).

01-08-01-02, 48-02-01-04-03, 60-01-03-04 a) Le Gouvernement auquel il appartenait de déterminer, pour l'ensemble des personnels civils et militaires, les catégories de services aériens qui, compte tenu des risques et sujétions qu'ils comportent, ouvrent droit aux bonifications prévues par l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'avait pas, à la date de la concession de la pension du requérant, défini pour les personnels civils autres que ceux appartenant à certains corps de la défense, de l'aviation civile et de la météorologie nationale, les services ouvrant droit à bonification. Dès lors, le requérant, qui avait été mis à la disposition du service national de la protection civile comme pilote d'hélicoptère et qui n'appartenait pas à l'un de ces corps, ne pouvait prétendre à des bonifications pour services aériens commandés (1) (2). b) Toutefois, le Gouvernement avait l'obligation de prendre, dans un délai raisonnable, un décret permettant d'étendre à l'ensemble des personnels civils le bénéfice des bonifications en cause, à raison des services aériens qu'ils avaient accomplis et compte tenu des risques et sujétions que leurs missions avaient comportés. Ce délai étant dépassé à la date de la demande de révision présentée par le requérant, l'abstention du Gouvernement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard. Les missions accomplies par l'intéressé étant susceptibles de lui ouvrir droit aux bonifications demandées, il y a lieu de réparer le préjudice résultant de la privation de ces bonifications.

- RJ1 - RJ2 PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - LIQUIDATION DES PENSIONS - BONIFICATIONS - Bonifications pour l'exécution d'un service aérien commandé (article L - 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite) - Non édiction des mesures réglementaires d'application de l'article L - 12 pour les services aériens accomplis par l'ensemble des fonctionnaires civils - Conséquences - a) Octroi de bonifications impossible pour les agents pour lesquels la réglementation d'application n'a pas été édictée (1) (2) - b) Responsabilité de l'Etat à raison de cette omission.

- RJ1 - RJ2 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS - Non édiction des mesures réglementaires d'application de l'article L - 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour les services aériens accomplis par l'ensemble des fonctionnaires civils.


Références :

Code des pensions civiles et militaires de retraite L12, R20
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R102, L8-1

1.

Rappr. CE, 1985-11-06, Leplus, p. 310 ;

CAA de Nantes, 1993-11-24, Milliot, T. p. 912. 2. Comp. CAA de Nancy, 1992-06-25, Chartus, p. 554


Composition du Tribunal
Président : M. Vandermeeren
Rapporteur ?: Mme Lissowski
Rapporteur public ?: Mme Coënt-Bochard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-04-15;94nt01003 ?
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