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17/12/1998 | FRANCE | N°95NT00115

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 17 décembre 1998, 95NT00115


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 8 février et 6 mars 1995, présentés pour Mme Nicole Y..., demeurant au lieu-dit Kerzo à Caudan (56850), assistée par l'Association départementale "Dominique Lamour" des assistantes maternelles et familles d'accueil du Morbihan, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau de Lorient ;
Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-4058 du 23 novembre 1994 en tant que le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier s

pécialisé (C.H.S.) Charcot à lui verser, d'une part, une somme de 8...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 8 février et 6 mars 1995, présentés pour Mme Nicole Y..., demeurant au lieu-dit Kerzo à Caudan (56850), assistée par l'Association départementale "Dominique Lamour" des assistantes maternelles et familles d'accueil du Morbihan, dont le siège est ..., par Me X..., avocat au barreau de Lorient ;
Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-4058 du 23 novembre 1994 en tant que le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier spécialisé (C.H.S.) Charcot à lui verser, d'une part, une somme de 87 777 F, correspondant à diverses indemnités de licenciement auxquelles elle a droit, d'autre part, les indemnités de chômage qui lui sont dues ;
2 ) de condamner le C.H.S. Charcot à lui verser les sommes qu'elle a demandées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 1998 :
- le rapport de Mme LISSOWSKI, premier conseiller,
- les observations de Me A..., représentant Me COUDRAY, avocat du Centre hospitalier spécialisé Charcot,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Y..., assistante maternelle agréée, a été recrutée par le Centre hospitalier spécialisé (C.H.S.) Charcot, établissement public départemental, à compter du 1er mai 1976, en qualité d'assistante maternelle du placement familial surveillé de cet établissement par un contrat régularisé le 17 décembre 1982 ; que, dans le cadre de ce contrat, elle a accueilli à partir du 1er mai 1976, la jeune Muriel Z..., enfant handicapée et orpheline, jusqu'au 13 juillet 1990, date à laquelle Muriel, âgée de vingt ans, n'était plus prise en charge au titre de l'allocation d'éducation spéciale ; que, postérieurement à cette date, Mme Y... a continué d'assurer la garde de Muriel ; que le C.H.S. Charcot a alors estimé qu'à compter du 13 juillet 1990, Mme Y..., qui ne pouvait plus avoir en charge Muriel dans le cadre de son contrat de travail, avait unilatéralement mis fin à son contrat, et n'était, par suite, pas fondée à demander des indemnités de licenciement ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme Y... ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale, dans sa rédaction alors applicable : "Peuvent seules accueillir habituellement des mineurs à leur domicile moyennant rémunération les personnes qui sont agréées à cet effet ..." ; qu'aux termes de l'article 123-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : "Lorsque les personnes mentionnées à l'article 123-1 sont employées par des personnes morales de droit public ..., il est passé entre elles et leur employeur, pour chaque mineur confié en garde personnelle, un contrat de placement distinct du contrat de travail ..." ; qu'en vertu de l'article 123-5 du même code, s'appliquent aux assistantes maternelles employées par des personnes morales de droit public, les articles L.773-3 à 7 et L.773-10 à 15 du code du travail ; qu'aux termes de l'article L.773-7 du code du travail : "L'employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à une personne ... qu'il employait depuis trois mois au moins doit notifier à l'intéressée sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, à la date du dix-huitième anniversaire de Muriel Z..., le contrat de placement de cet enfant, passé, conformément aux dispositions précitées de l'article 123-3 du code de la famille et de l'aide sociale, entre le C.H.S. Charcot et Mme Y..., était rompu, le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 17 décembre 1982 entre les deux parties, se poursuivait tant que celles-ci n'entendaient pas y mettre fin ;
Considérant que le C.H.S. Charcot fait valoir qu'en décidant de garder Muriel Z..., au-delà de ses vingt ans, Mme Y... aurait exercé une activité d'accueil à domicile d'une handicapée adulte en méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de son contrat de travail qu'elle aurait ainsi rompu unilatéralement ; que, toutefois, la faute commise par un agent de droit public contractuel, si elle est éventuellement susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire, ne saurait être regardée comme une cause de rupture unilatérale de son contrat de travail par l'agent ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction qu'en décidant de ne plus confier, à compter du 13 juillet 1990, d'enfant mineur à Mme Y..., sans que celle-ci, contrairement à ce que soutient le C.H.S. Charcot, ait à en faire la demande, le centre hospitalier doit être regardé comme ayant mis fin à cette date au contrat de travail le liant à l'intéressée, alors même qu'il n'a pas respecté la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article 773-7 du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté, pour ce motif, les conclusions de sa demande, tendant à la condamnation du C.H.S. Charcot à lui verser des indemnités à la suite du licenciement dont elle a été l'objet ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les différents chefs de préjudice réclamés par Mme Y... devant le tribunal administratif et repris en appel ;
Considérant, en premier lieu, que si Mme Y... demande la condamnation du C.H.S. Charcot à lui verser une somme de 40 000 F en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail, il est constant qu'elle n'a pas présenté audit centre hospitalier, comme le fait valoir à bon droit ce dernier, une réclamation préalable susceptible de lier le contentieux ; que, dès lors, les conclusions de ce chef doivent être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 14 du protocole d'accord du 30 octobre 1986, signé entre différents syndicats de salariés représentant les assistants maternelles et des associations s'occupant de l'enfance et auquel les parties ont entendu se référer : "En cas de rupture du contrat de travail, le délai-congé réciproque est fixé ... après deux ans d'ancienneté : deux mois" ; que Mme Y..., qui avait quatorze ans d'ancienneté et percevait, avant son licenciement, un salaire mensuel de 5 017,75 F, est donc fondée à demander au C.H.S. Charcot le versement de la somme de 10 035,50 F au titre de l'indemnité de préavis ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 15 du même protocole d'accord prévoit le versement d'une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un demi mois de salaire par année de présence, sans pouvoir dépasser une somme égale à six mois du salaire moyen des douze mois précédant la rupture du contrat de travail ; qu'en application de ces dispositions, le C.H.S. Charcot doit être condamné à verser à la requérante, dont le salaire moyen des douze derniers mois précédant son licenciement s'élevait à 4 894 F, une somme de 29 364 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas condamné le C.H.S. Charcot à lui verser une somme de 39 399,50 F à titre d'indemnités de licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le C.H.S. Charcot à verser à Mme Y... la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribu-naux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que Mme Y..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au C.H.S. Charcot la somme de 7 500 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le C.H.S. Charcot est condamné à verser à Mme Nicole Y... une somme de trente neuf mille trois cent quatre vingt dix neuf francs cinquante centimes (39 399,50 F) à titre d'indemnités de licenciement et une somme de dix mille francs (10 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 2 : Le jugement en date du 23 novembre 1994 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Nicole Y... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du C.H.S. Charcot tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nicole Y..., au Centre hospitalier spécialisé Charcot et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00115
Date de la décision : 17/12/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AIDE SOCIALE - DIFFERENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE A L'ENFANCE.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - DEPARTEMENT - ATTRIBUTIONS - COMPETENCES TRANSFEREES - ACTION SOCIALE.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 123-1, 123-3, 123-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L773-3 à 7, L773-10 à 15, L773-7, 773-7


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme LISSOWSKI
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-12-17;95nt00115 ?
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