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04/12/1997 | FRANCE | N°94NT01177

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, 04 décembre 1997, 94NT01177


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 décembre 1994, présentée pour le département du Finistère, représenté par le président du conseil général, par la société civile professionnelle de Y..., avocats à Rennes ;
Le département du Finistère demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-928 du 5 octobre 1994, par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a déclaré responsable, à hauteur des trois quarts, de l'accident de la circulation survenu à Pencran (Finistère), le 10 juin 1990, à Mlle Josette X..., et l'a condamné à lui payer diverses

sommes, en ce qu'il a méconnu l'obliga-tion de faire intervenir la Caisse prima...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 décembre 1994, présentée pour le département du Finistère, représenté par le président du conseil général, par la société civile professionnelle de Y..., avocats à Rennes ;
Le département du Finistère demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-928 du 5 octobre 1994, par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a déclaré responsable, à hauteur des trois quarts, de l'accident de la circulation survenu à Pencran (Finistère), le 10 juin 1990, à Mlle Josette X..., et l'a condamné à lui payer diverses sommes, en ce qu'il a méconnu l'obliga-tion de faire intervenir la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M) du Nord-Finis-
tère pour que celle-ci fasse valoir sa créance qui doit s'imputer à due concurrence sur la part d'indemnité, mise à la charge du département, qui répare l'atteinte à l'intégrité physique subie par Mlle X... ;
2 ) de statuer à nouveau et d'imputer, à due concurrence, la créance de la C.P.A.M du Nord-Finistère sur la somme de 450 000 F, réparant l'atteinte à l'intégrité physique de Mlle X..., après prise en compte du partage de responsabilité, et de condamner Mlle X... à rembourser au département du Finistère, avec intérêts au taux légal à compter de leur règlement, les sommes complémentaires qui auraient été perçues à tort par Mlle X... en exécution du jugement attaqué, ainsi qu'aux dépens d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et notamment son article R.139 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 1997 :
- le rapport de M. CADENAT, conseiller,
- les observations de Me de KERVENOAËL, avocat du département du Finistère,
- les observations de Me TREGUIER, avocat de Mlle X...,
- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, le Tribunal administratif de Rennes, qui connaissait la situation d'assurée sociale de Mlle X..., avait l'obligation de mettre en cause la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M) du Nord-Finistère dans le litige opposant Mlle X... au département du Finistère et à la commune de Pencran, et, par suite, de communiquer la demande de Mlle X... à la caisse ; qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article R.139 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les notifications de la requête, du mémoire en défense ... sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception" ; qu'à défaut du respect de cette disposition, la demande de Mlle X... n'a pas été régulièrement notifiée à la C.P.A.M du Nord-Finistère ; qu'ainsi, le département du Finistère est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué pour avoir été rendu sur une procédure irrégulière ;
Considérant que, la C.P.A.M du Nord-Finistère ayant été mise en cause par la Cour, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mlle X... devant le Tribunal administratif de Rennes ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X..., qui circulait, le 10 juin 1990, à bord de son véhicule sur le chemin départemental n 764 dans sa traversée de la commune de Pencran (Finistère), en direction de Landerneau, a été victime, vers deux heures quarante, d'un accident de la circulation au lieu-dit "Voas-Glaz", son véhicule ayant heurté une bordure de trottoir dont il résulte de l'instruction qu'elle avait été déposée peu de temps auparavant, par malveillance, sur la chaussée, par des inconnus ; que Mlle X... a perdu le contrôle de son véhicule qui est allé se jeter contre un poteau électrique puis contre le mur d'une propriété voisine ; que Mlle X... a été gravement blessée dans cet accident ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que l'accident dont Mlle X... a été victime étant survenu sur une voie qui appartient au domaine public départemental, son entretien n'incombait pas à la commune de Pencran ; que, par suite, les conclusions de Mlle X... dirigées contre la commune de Pencran ne peuvent être que rejetées ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la bordure susvisée avait été provisoirement entreposée en bordure de la route dans l'attente d'une réutilisation éventuelle et que son stockage n'avait fait l'objet d'aucune précaution particulière alors qu'un semblable acte de malveillance avait déjà été commis lors de la semaine précédente ; que, dans ces conditions, l'accident doit être regardé comme résultant d'un défaut d'entretien normal du chemin départemental n 764 par le département du Finistère ; que, toutefois, cet accident résulte pour partie du défaut de maîtrise de son véhicule par Mlle X... ; que cette faute est, dans les circonstances de l'espèce, de nature à atténuer la responsabilité du département dans la proportion d'un quart ;
En ce qui concerne le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert commis en référé par le vice-président du Tribunal administratif de Rennes que Mlle X..., qui était âgée de vingt cinq ans au moment de l'accident et qui percevait alors un salaire mensuel de 4 691 F, reste atteinte, après consolidation de son état de santé fixé au 2 juillet 1993, d'une incapacité permanente de 35 % qui ne lui permet d'exercer à nouveau son travail de vendeuse dans une grande surface qu'à mi-temps ; que l'intéressée souffre, après consolidation, de troubles de l'équilibre à la marche et à la station debout, avec raideur du genou gauche, et qu'elle est affectée d'un reliquat de paralysie faciale, d'un ralentissement moteur et d'une hypoacousie de transmission gauche ; qu'en conséquence, il sera fait une juste appréciation de ses troubles dans les conditions d'existence en lui allouant, de ce chef, une indemnité de 600 000 F dont les deux tiers réparent l'atteinte à l'intégrité physique ;
Considérant, en deuxième lieu, que les souffrances endurées par Mlle X... ont été qualifiées, par l'expert, d'assez importantes ; que, compte tenu de la gravité des lésions initiales et des nombreux séjours hospitaliers nécessités par son état de santé, ces souffrances justifient l'octroi d'une indemnité de 30 000 F ;
Considérant, enfin, que Mlle X... est atteinte de légers troubles de l'équilibre ainsi que d'un reliquat de paralysie faciale ; qu'elle subit, de ce fait, un préjudice esthétique qualifié de moyen par le rapport d'expertise ; qu'il y a lieu, à ce titre, de lui allouer une indemnité de 30 000 F ;
En ce qui concerne les droits de Mlle X... :
Considérant que, même en l'absence de conclusions de la C.P.A.M du Nord-Finistère devant la Cour tendant au remboursement des sommes qu'elle a exposées, il y a lieu, en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, de défalquer lesdites sommes, soit 833 292,11 F de la partie de la condamnation qui aurait été mise à la charge du département si la caisse avait demandé le remboursement de ses débours, représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime, à l'exception des indemnités réparant les troubles dans les conditions d'existence autres que physiologiques, les souffrances physiques et le préjudice esthétique subis par la victime, soit, compte tenu du partage de responsabilité, 924 969, 06 F ; que, dans ces conditions, Mlle X... ne peut prétendre qu'à l'attribution d'une somme de 195 000 F;
En ce qui concerne les intérêts :
Considérant que Mlle X... a droit aux intérêts de la somme de 195 000 F à compter du 21 mai 1991, date de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Rennes ;
En ce qui concerne les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 9 mai 1994 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
En ce qui concerne la demande d'intérêts du département du Finistère :

Considérant que si le département du Finistère a été indûment condamné à payer à Mlle X... la somme de 495 000 F par le jugement annulé, il n'est pas fondé à demander à la Cour les sommes que Mlle X... devra lui rembourser soient assorties d'intérêts ;
En ce qui concerne les frais d'expertise exposés devant le tribunal admi- nistratif :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais, qui s'élèvent à la somme de 3 000 F, à la charge du département du Finistère ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que Mlle X... succombe dans la présente instance ; que ses conclusions tendant à ce que le département du Finistère soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doivent, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en vertu des mêmes dispositions, de faire droit à la demande du département du Finistère ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 5 octobre 1994 est annulé.
Article 2 : Le département du Finistère est condamné à payer à Mlle X... la somme de cent quatre vingt quinze mille francs (195 000 F) avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 1991. Les intérêts échus le 9 mai 1994 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés devant le Tribunal administratif de Rennes, qui s'élèvent à la somme de trois mille francs (3 000 F), sont mis à la charge du département du Finistère.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mlle X... devant le Tribunal administratif de Rennes et de la requête du département du Finistère, ensemble leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département du Finistère, à Mlle X..., à la commune de Pencran, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Nord-Finistère et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NT01177
Date de la décision : 04/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - INSTRUCTION - CARACTERE CONTRADICTOIRE DE LA PROCEDURE.

PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - FRAIS D'EXPERTISE.

PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DEVOLUTIF ET EVOCATION - EVOCATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES - ETAT OU AUTRES COLLECTIVITES PUBLIQUES - DEPARTEMENT OU COMMUNE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - PERTE DE REVENUS SUBIE PAR LA VICTIME D'UN ACCIDENT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE SUBIS PAR LA VICTIME D'UN ACCIDENT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - SOUFFRANCES PHYSIQUES.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE ESTHETIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - IMPUTATION DES DROITS A REMBOURSEMENT DE LA CAISSE - ARTICLE L - 376-1 (ANCIEN ARTICLE L - 397) DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES SUR LES VOIES PUBLIQUES TERRESTRES - DEFAUT D'ENTRETIEN NORMAL - CHAUSSEE.


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L376-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R139, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CADENAT
Rapporteur public ?: Mme JACQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1997-12-04;94nt01177 ?
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