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03/07/1996 | FRANCE | N°94NT00008

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 03 juillet 1996, 94NT00008


Vu l'ordonnance en date du 22 décembre 1993 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée au Tribunal administratif de Caen le 22 novembre 1993 pour :
1 ) la COMMUNE DE LISIEUX, représentée par son maire en exercice, dûment habilité par le conseil municipal ;
2 ) la SOCIETE SONEX, dont le siège social est ..., représentée par son président du conseil d'administration en exercice ;
Vu, enregistrés au greffe de la Cour sous le n 94NT00008 la requête sommaire du 22 novembre 1993 et le mémoire complé

mentaire présenté le 4 février 1994, pour :
1 ) la COMMUNE DE LISIEUX, re...

Vu l'ordonnance en date du 22 décembre 1993 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée au Tribunal administratif de Caen le 22 novembre 1993 pour :
1 ) la COMMUNE DE LISIEUX, représentée par son maire en exercice, dûment habilité par le conseil municipal ;
2 ) la SOCIETE SONEX, dont le siège social est ..., représentée par son président du conseil d'administration en exercice ;
Vu, enregistrés au greffe de la Cour sous le n 94NT00008 la requête sommaire du 22 novembre 1993 et le mémoire complémentaire présenté le 4 février 1994, pour :
1 ) la COMMUNE DE LISIEUX, représentée par son maire en exercice, dûment habilité par le conseil municipal ;
2 ) la SOCIETE SONEX, dont le siège social est ..., représentée par son président du conseil d'administration en exercice, par Me Y..., avocat ;
La COMMUNE DE LISIEUX et la SOCIETE SONEX demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 85831-89296 du 7 septembre 1993 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation "in solidum" de la société Lefort-Francheteau, de la Compagnie Générale de Chauffage à Distance (CGCD) et de la société SCET BETURE au paiement au profit de la SOCIETE SONEX ou subsidiairement au profit de la COMMUNE DE LISIEUX d'une somme de 2 303 446,40 F et d'une somme de 56 937 F en réparation du coût des travaux de réfection de l'unité B des installations de chauffage collectif de la zone à urbaniser en priorité du Plateau Saint Jacques à Lisieux et des sommes de 1 846 029,70 F et 82 590,84 F pour l'unité C, avec intérêt légal ainsi qu'aux dépens ;
2 ) de condamner "in solidum" la société Lefort-Francheteau, la Compagnie Générale de Chauffage à Distance (CGCD) et la société SCET BETURE au paiement à la SOCIETE SONEX, pour l'unité B, des sommes de 2 303 446,40 F et de 56 937 F et, pour l'unité C, de la somme de 1 928 620,50 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 1996 :
- le rapport de M. LAGARRIGUE, président-rapporteur,
- les observations de Me Y..., représentant la COMMUNE DE LISIEUX et la SOCIETE SONEX,
- les observations de Me X..., représentant la Société d'Equipement de la Basse-Normandie,
- et les conclusions de M. ISAIA, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par acte d'engagement du 30 novembre 1967, la Société d'Equipement de la Basse-Normandie, maître d'ouvrage délégué par la COMMUNE DE LISIEUX, a attribué le marché de chauffage collectif de la zone à urbaniser en priorité du Plateau Saint Jacques à Lisieux à un groupement composé, d'une part, de la société Lefort-Francheteau et de la société Compagnie Générale de Chauffage à Distance, installateurs, et, d'autre part, de la société SECMA et de la société SOCHAN, exploitants ; que la SOCIETE SONEX s'est, par un avenant du 1er octobre 1982, substituée à la société SOCHAN et est ensuite, par un nouvel avenant du 21 avril 1988, devenue fermier des installations ; qu'ayant constaté le 20 novembre 1984 qu'une fuite s'était déclarée sur le réseau de chauffage collectif, la SOCIETE SONEX et la COMMUNE DE LISIEUX ont, d'une part, saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Caen le 20 juin 1985 d'une demande d'expertise tendant à faire rechercher les causes des désordres et ont, d'autre part, le 25 juillet 1985, demandé au Tribunal de condamner "in solidum" les trois autres entreprises, ainsi que la Société d'Equipement de la Basse-Normandie et la société SCET BETURE à lui verser une provision à valoir sur le montant des réparations ; qu'ultérieurement, la COMMUNE DE LISIEUX et la SOCIETE SONEX ont abandonné leurs conclusions contre la Société d'Equipement de la Basse- Normandie ;
Considérant que, par jugement du 7 septembre 1993, le Tribunal a mis hors de cause la Société d'Equipement de la Basse-Normandie, rejeté la demande de la COMMUNE DE LISIEUX et de la SOCIETE SONEX et mis à leur charge les frais d'expertise, mis à la charge de la Compagnie Générale de Chauffage à Distance les frais de l'extension d'expertise qu'il avait précédemment ordonnée ; que la COMMUNE DE LISIEUX et la SOCIETE SONEX demandent à la Cour d'annuler ce jugement et de condamner "in solidum" les constructeurs des installations de chauffage collectif à lui rembourser, outre intérêts et capitalisation, le coût des réparations supportées par la SOCIETE SONEX, soit, pour l'unité B des installations, les sommes de 2 303 446,40 F et 56 937 F et, pour l'unité C, les sommes de 1 846 029,70 F et 82 590,84 F ; que la Compagnie Générale de Chauffage à Distance, aux droits de laquelle vient la société INES, demande le rejet de la requête et, subsidiairement, à être garantie par la société SCET BETURE et que cette dernière demande également le rejet de la requête et à être garantie par la Compagnie Générale de Chauffage à Distance ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par la COMMUNE DE LISIEUX devant le Tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 du cahier des charges annexé à la convention liant la COMMUNE DE LISIEUX à la SOCIETE SONEX : "l'autorité concédante subroge le concessionnaire dans tous droits ou actions, nés ou à naître à l'encontre de tout tiers qui occasionnerait des dommages aux installations." et qu'aux termes de l'article 8 de l'avenant n 4 au même cahier des charges : " ...la commune subroge le fermier dans tous ses droits ou actions nés ou à naître à l'encontre des installations des constructeurs, des exploitants antérieurs et de tous tiers." ; que, dès lors, seule la SOCIETE SONEX avait qualité pour présenter une demande en réparation des dommages causés aux installations dont elle était fermière ; que, par suite, la COMMUNE DE LISIEUX n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les responsabilités encourues :
Considérant qu'aux termes de l'article 0.6 du cahier des clauses communes applicable aux marchés d'exploitation de chauffage : "2. Entretien et garantie totale. L'entretien et la garantie totale pendant trente ans de l'installation, que celle-ci doive être réparée ou renouvelée par suite d'usure normale ou anormale, ou d'accident quelle qu'en soit l'origine, impliquent qu'aucune dépense d'aucune sorte ne reste à la charge de la société ou de ses ayants-droits. L'attention des soumissionnaires est attirée sur cette disposition qui constitue une des clauses essentielles du marché. Elle aura pour corollaire de prévoir dans les tarifs des provisions de renouvellement ..." ; qu'aux termes du cahier des charges annexé à la convention de concession de chauffage collectif : "Article 12 - Entretien et renouvellement. ...Il est précisé que le concessionnaire a donné sa garantie totale concernant non seulement les installations, mais encore les réparations de tous dommages causés par ces installations ... Cette garantie comporte l'exécution, à la charge du concessionnaire, de toutes les réparations et tous remplacements exigés par une usure normale ou accidentelle des installations, quelle qu'en soit la cause de telle sorte qu'aucune dépense ne reste à la charge de l'autorité concédante." ; qu'il résulte des termes mêmes de ces documents contractuels que l'obligation de garantie qui a été ainsi mise d'abord, à la charge solidaire des installateurs et des exploitants, puis des seuls exploitants, devenus concessionnaires et ensuite fermiers, ne concernait que l'entretien et le renouvellement normal des installations ; que ces stipulations contractuelles n'excluaient pas expressément la garantie décennale que les constructeurs d'ouvrages publics doivent, en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, au maître d'ouvrage ou à son subrogé et à laquelle la commune n'a jamais renoncé ; que, dès lors, la responsabilité des sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance était susceptible d'être recherchée sur le fondement de cette garantie ;

Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence, dans les documents contractuels, de disposition relative au point de départ de la garantie décennale, celle-ci doit être regardée comme ayant couru à compter de la réception définitive de chacune des tranches du marché en cause ; qu'il résulte des pièces du dossier que la plus ancienne des dates de réception définitive de l'ensemble des tranches est le 4 mars 1977 ; que, par suite, la demande au fond présentée par la SOCIETE SONEX au Tribunal administratif de Caen le 25 juillet 1985 n'était pas tardive ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que la corrosion et la perforation des canalisations des unités B et C des installations de chauffage collectif dont se plaint la SOCIETE SONEX, proviennent de la pénétration d'eaux de ruissellement dans les caniveaux contenant les canalisations d'eau chaude ; que ces désordres ont pour origine, d'une part, la mauvaise qualité des joints ou leur absence entre les plaques de recouvrement des caniveaux du réseau de chauffage et, d'autre part, la mauvaise qualité du calorifugeage de ces canalisations ; que lesdits désordres qui rendent les ouvrages impropres à leur destination sont au nombre de ceux qui entrent dans le champ d'application de la garantie décennale que les constructeurs doivent au maître d'ouvrage ou à son subrogé ;
Considérant qu'il suit de là que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la responsabilité solidaire des sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance, constructeurs des installations défectueuses, est engagée ; qu'il résulte de l'instruction que les désordres sont imputables à leur action commune ; qu'elles doivent en conséquence être condamnées solidairement ; qu'en revanche, la SOCIETE SONEX n'établissant pas avoir eu de lien contractuel avec la société SCET BETURE, aux droits de laquelle vient la société BETURE, la responsabilité de cette dernière ne saurait être recherchée ; que la SOCIETE SONEX est, par suite, seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre les sociétés Lefort- Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance ;
Sur le montant des réparations :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports de l'expert commis par les premiers juges, que le coût des travaux de remise en état des installations s'est élevé, pour les unités B et C, respectivement, à 1 474 750 F hors taxes et 490 466,84 F hors taxes, d'une part, et 803 164 F hors taxes et 753 140 F hors taxes et 59 363 F hors taxes, d'autre part, et les frais d'honoraires de maîtrise d' uvre à 153 067,64 F hors taxes et 128 282,31 F hors taxes ; qu'il y a lieu d'ajouter à ces sommes le coût des dépenses supplémentaires de gaz exposées par la société, lesquelles s'élèvent aux sommes non contestées de 56 937 F hors taxes et 82 590,84 F hors taxes ; qu'en revanche, si la société requérante demande le versement des sommes de 121 804,49 F et de 102 080,41 F hors taxes au titre de ses propres frais de pilotage des travaux, elle n'établit pas avoir exposé réellement de tels frais alors surtout que la maîtrise d' uvre des travaux était assurée par un bureau d'étude ; que les sommes totales qui doivent être mises à la charge solidaire des sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance s'élèvent ainsi à 2 175 221,48 F hors taxes et 1 826 540,15 F hors taxes ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la SOCIETE SONEX a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes susindiquées à compter respectivement du 31 janvier 1989 et du 13 novembre 1989, conformément à ses demandes ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 janvier 1996 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les frais des expertises ordonnées par les premiers juges doivent être mis à la charge solidaire des sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance ;
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la société Compagnie Générale de Chauffage à Distance contre la société SCET BETURE :
Considérant que l'appel en garantie formé par la société Compagnie Générale de Chauffage à Distance contre la société SCET BETURE est nouveau en appel et par suite irrecevable ; qu'il doit en conséquence, et en tout état de cause, être rejeté ;
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la société SCET BETURE contre la société Compagnie Générale de Chauffage à Distance :
Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée contre la société SCET BETURE, l'appel en garantie qu'elle a formé est irrecevable et doit, en tout état de cause, être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la Société d'Equipement de la Basse-Normandie ayant été mise hors de cause en première instance et aucune conclusion n'ayant été dirigée contre elle en appel, sa demande de remboursement des frais de conseil doit être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de condamner solidairement les sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance à payer, d'une part, à la SOCIETE SONEX la somme de 4 000 F et, d'autre part, à la société SCET BETURE, aux droits de laquelle vient la société BETURE, la somme de 4 000 F ;
Article 1er : La société Lefort-Francheteau et la société Compagnie Générale de Chauffage à Distance, aux droits de laquelle vient la société INES sont condamnées solidairement à payer à la SOCIETE SONEX la somme de deux millions cent soixante quinze mille deux cent vingt et un francs quarante huit centimes (2 175 221,48 F) hors taxes, qui portera intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1989 et la somme de un million huit cent vingt six mille cinq cent quarante francs quinze centimes (1 826 540,15 F) hors taxes, qui portera intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 1989. L'ensemble des intérêts ci-dessus échus le 31 janvier 1996 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE SONEX est rejeté.
Article 3 : Les frais des expertises sont mis à la charge solidaire des sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance, aux droits de laquelle vient la société INES.
Article 4 : Les conclusions de la COMMUNE DE LISIEUX sont rejetées.
Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 7 septembre 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Les sociétés Lefort-Francheteau et Compagnie Générale de Chauffage à Distance, aux droits de laquelle vient la société INES, verseront à la SOCIETE SONEX une somme de quatre mille francs (4 000 F) et à la société BETURE une somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Les conclusions de la Société d'Equipement de la Basse-Normandie et le surplus des conclusions de la société BETURE sont rejetés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LISIEUX, à la SOCIETE SONEX, à la société INES, à la société Lefort- Francheteau, à la société BETURE, à la Société d'Equipement de la Basse-Normandie et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


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