Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 14 février 1994, présenté par le ministre du budget ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90298 du 19 octobre 1993 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1985 ;
2 ) de remettre à la charge de M. Y... cette imposition et la pénalité dont elle a été assortie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 1996 :
- le rapport de M. LAGARRIGUE, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. ISAÏA, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y... a commencé, en 1967, une activité de représentant des produits de la société des Laboratoires Humeau ; que ladite société lui a attribué, en 1972, la clientèle que démarchait auparavant l'un de ses représentants sur un autre secteur ; que, toutefois, en 1985, après que la société ait entrepris de réorganiser son réseau commercial et ait informé M. Y... qu'elle entendait mettre fin au mandat de représentation qu'elle lui avait confié, une transaction a été signée entre les deux parties prévoyant le versement à M. Y... d'une somme de 500 000 F ; que l'administration ayant compris cette somme dans les revenus imposables du contribuable, celui-ci a obtenu du Tribunal administratif de Nantes la décharge des impositions correspondantes ;
Considérant que le ministre du budget demande à la Cour de remettre lesdites impositions à la charge de M. Y... en soutenant que l'indemnité qu'il a perçue pour cessation de son activité doit entrer dans ses revenus imposables et que la doctrine administrative retenue par le Tribunal pour prononcer la décharge des impositions était inapplicable ; que M. Y... soutient au contraire que la clientèle lui appartenait et que la perte d'un contrat de clientèle constitue pour lui la perte d'un élément d'actif rendant l'indemnité perçue imposable au taux réduit des plus-values à long terme ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté, d'une part, que M. Y... exerçait, ainsi que l'indiquent notamment les termes mêmes de la transaction signée par les deux parties en 1985, "les fonctions d'agent commercial pour le compte des Laboratoires Humeau" ; que si M. Y... a créé, d'ailleurs seulement en partie, la clientèle auprès de laquelle il représentait les produits des Laboratoires Humeau, cette clientèle était celle de la société pour le compte de laquelle il agissait et non la sienne propre ; que, d'autre part, l'indemnité qu'il a perçue a été versée par la société, aux termes mêmes de la transaction, en tant qu'"indemnité forfaitaire de cessation de mandat" ; que, par suite, elle avait le caractère des indemnités visées à l'article 93-1 du code général des impôts dont il résulte que "toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle" doivent être comprises dans le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu ;
Considérant, il est vrai, que M. Y... demande, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du contenu de la réponse ministérielle à M. X... en date du 24 février 1968, selon laquelle, lorsque la clientèle a été entièrement créée par un mandataire et ne figure pas à son bilan, l'indemnité de clientèle perçue par ce mandataire en contrepartie de l'abandon définitif du contrat de représentation doit être regardée comme une plus-value à long terme ; que, toutefois, la situation de M. Y... ne correspond pas à celle ayant donné lieu à cette doctrine dès lors que M. Y... n'avait, en tout état de cause, pas créé la totalité de la clientèle de la société des Laboratoires Humeau, ayant, en 1972, repris la clientèle d'un autre représentant de la société ; que, par suite, le Tribunal administratif ne pouvait se fonder sur ladite doctrine pour exclure des revenus professionnels de M. Y... la somme de 500 000 F ; qu'enfin, le contribuable exerçant par ailleurs une activité principale dont les revenus étaient imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'indemnité de 500 000 F devait, en application des dispositions de l'article 155 du code général des impôts, être imposée dans cette dernière catégorie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a accordé à M. Y... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1985 ; que cette cotisation doit, par suite, être remise à la charge de M. Y... ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que M. Y... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 19 octobre 1993 est annulé.
Article 2 : M. Y... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1985 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.
Article 3 : Les conclusions de M. Y... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. Y....