Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 septembre 1993, présentée pour M. Régis X..., demeurant 76110 Grainville-Ymauville, par Maître Bernard Y..., avocat ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 892186-892187-892188-920472 en date du 6 juillet 1993 du tribunal administratif de Rouen en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant :
à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1985 dans les rôles de la commune de Grainville-Ymauville ;
à la réduction, à concurrence des créances acquises au 31 décembre 1985, de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1986 dans les rôles de la même commune ;
à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 dans les rôles de la même commune ;
à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 par avis de mise en recouvrement du 24 décembre 1987 ;
à la restitution de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre des années 1983, 1984 et 1985 ;
2°) de prononcer les décharges, réduction et restitution demandées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'instruction n 3 A 18-80 du 1er septembre 1980 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 1996 :
- le rapport de M. Margueron, conseiller,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Considérant que M. X... fait appel du jugement en date du 6 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu et à la réduction de l'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1985 et 1986, à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986, à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 et, enfin, à la restitution de la taxe sur les salaires qu'il a acquittée au titre des années 1983, 1984 et 1985 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une décision en date du 8 juillet 1991, postérieure à l'enregistrement de la demande de M. X... devant le tribunal administratif, mais produite pour la première fois en appel et dont les premiers juges n'ont pas eu connaissance, le directeur régional des impôts de Rouen a accordé au contribuable le dégrèvement de la taxe sur les salaires que celui-ci avait acquittée au titre des années 1983, 1984 et 1985 ; que la demande était, dans cette mesure, devenue sans objet ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à la réduction de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article R 190-1 du livre des procédures fiscales : "Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit adresser une réclamation au service territorial de l'administration des impôts dont dépend le lieu de l'imposition" ; qu'aux termes de son article R 196-1 : "Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a. de la mise en recouvrement du rôle ... Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : ... c. Au cours de laquelle le contribuable avait connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi" ;
Considérant, en premier lieu, que la réclamation par laquelle M. X... a contesté le montant de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1986 n'a été reçue par l'administration que le 27 décembre 1990 ; que le délai de réclamation imparti par l'article R 196-1 du livre des procédures fiscales était alors expiré, que le point de départ de ce délai ait été la date de mise en recouvrement de l'imposition litigieuse, intervenue le 31 juillet 1987, ou bien, comme le soutient le requérant, la date de réception de la notification de redressements, relative aux années d'imposition antérieures, qui lui avait été adressée le 28 juillet 1987 et par laquelle il aurait eu connaissance de cotisations d'impôt sur le revenu faisant double emploi, au sens de la disposition du c. du second alinéa du même article ;
Considérant, en second lieu, que si M. X... se prévaut de cette dernière disposition pour soutenir que c'est à juste titre qu'il a réclamé la réduction de son imposition dans sa demande de première instance enregistrée le 28 septembre 1989, les conclusions en ce sens contenues dans cette demande étaient, en tout état de cause, irrecevables comme n'ayant pas été précédées de la réclamation au service des impôts exigée par l'article R 190-1 du livre des procédures fiscales ;
Sur les autres conclusions de M. X... :
En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée du 24 décembre 1987 :
Considérant qu'aux termes de l'article R 256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L 256 comporte : 1 Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2 Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits." ;
Considérant que M. X..., qui regardait son activité comme exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, n'avait fait au titre de la période d'imposition en cause aucune déclaration nécessaire au calcul des droits de cette taxe ; que l'administration était, dès lors, dispensée, par la dernière disposition du texte précité, de porter dans l'avis litigieux les éléments de ce calcul et de celui du montant des pénalités afférentes aux droits mis en recouvrement ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de ce que cet avis aurait été irrégulier, faute d'avoir comporté les éléments de calcul des droits et pénalités mis en recouvrement, doit être rejeté ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu de l'article 34 du code général des impôts, sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ; qu'aux termes de l'article 261 du même code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : "Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : ... 4 ... 5 les prestations de service et les livraisons de biens effectuées dans le cadre de leur activité libérale par les auteurs des oeuvres de l'esprit désignées à l'article 3 de la loi n 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ..." ; qu'enfin, selon l'article 1460 dudit code : "Sont exonérés de la taxe professionnelle ...2 les peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes et ne vendant que le produit de leur art ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si M. X..., qui était par ailleurs un sculpteur de renom, n'assurait pas une fonction exclusivement technique dans la réalisation des sculptures sortant de son atelier de fondeur d'art dont l'exécution lui était confiée, la conception de ces dernières n'était pas de son fait, mais de celui des artistes avec lesquels il travaillait et dont il recevait les commandes, directement ou par l'intermédiaire de galeries d'art ; qu'ainsi, comme il ressort d'ailleurs des mentions portées sur les sculptures, il devait être regardé comme ayant eu un rôle de collaborateur pour l'exécution des oeuvres et non de coauteur de celles-ci ; qu'à cet égard, il ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine de l'administration, telle qu'exprimée, notamment, dans l'instruction n 3A-18-80 du 1er septembre 1980, regardant comme coauteurs et leur ouvrant, à ce titre, le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée les personnes physiques qui ont concouru à la création intellectuelle d'une oeuvre de collaboration ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que la circonstance que les tirages successifs des oeuvres auxquels il procédait présentaient des différences qui auraient résulté non de la nature même de ces oeuvres, faites d'assemblages d'éléments métalliques, mais d'un apport personnel dans leur conception ; qu'en outre, à supposer même que ceci puisse s'expliquer par la nature et les dimensions des oeuvres en cause, l'exécution des sculptures sortant de l'atelier de M. X... nécessitait le recours à une main-d'oeuvre importante, dont le coût correspondait à environ 70 % du montant des recettes perçues par le contribuable lors de chacune des années en litige ; qu'il suit de tout cela que c'est à bon droit que l'administration a pu imposer les revenus professionnels du requérant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et lui refuser le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe professionnelle prévue par les dispositions précitées du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande ;
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 6 juillet 1993 est annulé en tant qu'il a statué sur celles des conclusions de la demande de M. X... qui étaient devenues sans objet.
Article 2 - Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. X... tendant à la restitution de la taxe sur les salaires qu'il avait acquittée au titre des années 1983, 1984 et 1985.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'économie et des finances.