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22/11/1995 | FRANCE | N°93NT00165;94NT00165

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 22 novembre 1995, 93NT00165 et 94NT00165


Vu 1 ) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 février 1993 sous le n 93NT00165, et le mémoire ampliatif enregistré le 16 avril 1993, présentés pour la COMMUNE DE CRESTOT, représentée par son maire en exercice, par Me Edouard Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a déclarée responsable des dommages survenus à la propriété de M. Z... à la suite d'un orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988, a mis hors

de cause le SIVOM du canton du Neubourg, l'Etat et le département de l'...

Vu 1 ) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 février 1993 sous le n 93NT00165, et le mémoire ampliatif enregistré le 16 avril 1993, présentés pour la COMMUNE DE CRESTOT, représentée par son maire en exercice, par Me Edouard Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a déclarée responsable des dommages survenus à la propriété de M. Z... à la suite d'un orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988, a mis hors de cause le SIVOM du canton du Neubourg, l'Etat et le département de l'Eure et, avant de statuer sur la demande d'indemnité présentée par M. Z..., a ordonné une expertise ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Z... devant le tribunal administratif ;

Vu, 2 ) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 février 1994 sous le n 94NT00165, et le mémoire ampliatif enregistré le 23 mars 1994, présentés pour la COMMUNE DE CRESTOT, représentée par son maire en exercice, par Me Edouard Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 31 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à M. Z... la somme de 531 467 F, portant intérêt au taux légal à compter du 21 février 1990 dans la limite de 76 467 F, a mis à sa charge des frais d'expertise liquidés et taxés aux sommes de 10 656,80 F et 3 795,20 F, et l'a condamnée à verser à M. Z... une somme de 2 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande de M. Z... devant le tribunal administratif ;
3 ) à titre subsidiaire, de réformer le jugement précité en limitant à 309 620 F, au titre du préjudice immobilier, avec intérêts à compter de la date du jugement, l'indemnité allouée à M. Z... et en rejetant pour le surplus la demande de ce dernier ; . . Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 1995 :
- le rapport de M. Margueron, conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me Copper- Royer, avocat de la COMMUNE DE CRESTOT, de Me Druais, avocat du SIVOM du canton du Neubourg,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Considérant que les requêtes n 93NT00165 et n 94NT00165 de la COMMUNE DE CRESTOT sont relatives à un même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que la COMMUNE DE CRESTOT fait appel des jugements en date des 17 décembre 1992 et 31 décembre 1993 par lesquels le tribunal administratif de Rouen, d'une part l'a déclarée responsable des dommages subis par M. Z... à la suite de l'inondation soudaine de sa propriété par les eaux pluviales lors d'un orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988 et a ordonné une expertise en vue de déterminer la valeur vénale de ladite propriété, valeur du terrain exclue, d'autre part l'a condamnée à verser à M. Z... la somme totale, en principal, de 531 467 F ; que M. Z... a présenté des conclusions tendant à ce que l'indemnité devant lui être allouée soit fixé au montant de 817 334,62 F, à titre principal, ou de 525 000 F, à titre subsidiaire, en ce qui concerne son préjudice immobilier et au montant total de 271 779,56 F en ce qui concerne les autres chefs de préjudice ; qu'il a également présenté des conclusions tendant à ce que le SIVOM du canton du Neubourg et l'Etat soient également déclarés responsables des dommages et, en conséquence, soient condamnés conjointement et solidairement avec la COMMUNE DE CRESTOT et, en tant que de besoin le département de l'Eure, à lui verser les sommes précitées ;
Sur la régularité du jugement du 17 décembre 1992 :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE CRESTOT, les premiers juges n'ont pas entaché de contradiction les motifs de leur jugement du 17 décembre 1992 en estimant, après avoir relevé que l'inondation de la propriété de M. Z... avait eu lieu, notamment, compte tenu de la faiblesse d'un puits absorbant réalisé en limite de cette propriété, que l'existence de cet ouvrage n'était pas directement l'origine du sinistre, dès lors que cette faiblesse se rapporte non à l'existence de l'ouvrage mais à ses conditions de fonctionnement lors de l'orage ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que M. Z..., qui, dans les circonstances de l'espèce, avait la qualité de tiers par rapport à la voie communale et au puits absorbant, était recevable à rechercher la responsabilité des personnes publiques qu'il mettait en cause en invoquant un préjudice anormal et spécial qu'il imputait à l'existence ou au fonctionnement desdits ouvrages ; que la circonstance, qui n'était pas établie au jour de sa demande devant le tribunal administratif, qu'il aurait été remboursé de ses dommages par son assureur n'était pas de nature à le priver d'un intérêt à agir ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'aussi exceptionnelle qu'ait été l'intensité des pluies qui se sont abattues dans la nuit du 7 au 8 mai 1988 sur le territoire de la COMMUNE DE CRESTOT, et sans que la circonstance que leurs conséquences aient justifié l'intervention d'un arrêté interministériel du 2 août 1988 constatant l'état de catastrophe naturelle puisse avoir une influence à cet égard, il résulte des éléments du dossier que de telles précipitations ont été enregistrées à quatre reprises environ au cours des précédentes décennies à la station météorologique d'Evreux, distante d'une vingtaine de kilomètres ; qu'il n'est pas établi que les conditions climatiques prévalant dans la région du Neubourg seraient substantiellement différentes de celles d'Evreux ; que, dès lors, les dommages subis par M. Z... ne sauraient être regardés comme ayant été causés par une circonstance de force majeure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les eaux pluviales qui avaient envahi la propriété de M. Z... lors de l'orage ont brusquement disparu dans le sol dans la matinée du 8 mai 1988 et qu'il s'en est immédiatement suivi la création d'un fontis provoquant l'affaissement et le basculement vers l'ouest de la maison ; que ces eaux ont été canalisées jusqu'à ce point par la voie communale n 71, le long de laquelle aucun dispositif d'évacuation des eaux pluviales n'était prévu, et n'ont pu se déverser dans le puits absorbant destiné à éviter leur accumulation au bas de la voie ; qu'en effet, celui-ci, qui présentait des capacités d'absorption insuffisantes en cas de fortes précipitations, n'a pu, lors de l'orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988, empêcher l'inondation de la propriété ; qu'il suit de là que la cause des dommages subis par M. Z... réside à la fois dans les caractéristiques défectueuses de la voie communale, lesquelles sont de nature à engager la responsabilité de la commune, et dans le mauvais fonctionnement du puits absorbant ; que s'agissant de ce dernier ouvrage, s'il est constant qu'il a été réalisé par le SIVOM du canton du Neubourg en qualité de maître d'ouvrage, à la demande de la COMMUNE DE CRESTOT et sur un terrain appartenant à celle-ci, il ne résulte pas des pièces du dossier que la commune en serait devenue propriétaire après sa réception ; qu'il suit de là que la responsabilité du SIVOM du canton du Neubourg est engagée à l'égard de M. Z... à raison du fonctionnement de cet ouvrage ;
Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, lors de l'édification de sa maison en 1978, M. Z... ait eu connaissance du caractère inondable des lieux en cas de très fortes précipitations et qu'il aurait ainsi commis une imprudence de nature à exonérer en tout ou partie la COMMUNE DE CRESTOT et le SIVOM du canton du Neubourg de leur responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CRESTOT et le SIVOM du canton du Neubourg doivent être déclarés conjointement et solidairement responsables des conséquences dommageables de l'envahissement de la propriété de M. Z... par les eaux pluviales lors de l'orage survenu dans la nuit du 7 au 8 mai 1988 ; qu'en revanche, l'Etat, qui n'est intervenu qu'en qualité de maître d'oeuvre dans la réalisation du puits absorbant, et le département de l'Eure, qui n'est intervenu à aucun titre, doivent être mis hors de cause ;
Sur la réparation des préjudices allégués :

Considérant qu'en vertu de l'article L.125-1 du code des assurances, les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l'objet de tels contrats, l'état de catastrophe naturelle étant constaté par arrêté interministériel ; que l'état de catastrophe naturelle a été constaté pour les dommages dus aux inondations survenus dans la COMMUNE DE CRESTOT les 7 et 8 mai 1988 par l'arrêté du 2 août 1988 précité ; que M. Z... ne conteste pas que ses biens étaient assurés par un contrat du type de ceux visés à l'article L.125-1 du code des assurances ; que, dans ces conditions, il y a lieu, avant de statuer sur la réparation des préjudices allégués, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins pour M. Z... de justifier devant la cour, par tout document émanant de son assureur, de la nature et de l'étendue des préjudices qui resteraient à sa charge après remboursement par ce dernier ;
Article 1er - L'Etat et le département de l'Eure sont mis hors de cause.
Article 2 - Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt demeurant réservés, il est ordonné un supplément d'instruction aux fins pour M. Z..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de justifier devant la cour, par tout document émanant de son assureur, de la nature et de l'étendue des préjudices qui resteraient à sa charge après remboursement par ce dernier.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CRESTOT, à M. Z..., au SIVOM du canton du Neubourg, au département de l'Eure et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NT00165;94NT00165
Date de la décision : 22/11/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FORCE MAJEURE - ABSENCE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONCEPTION ET AMENAGEMENT DE L'OUVRAGE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'OUVRAGE.


Références :

Code des assurances L125-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Margueron
Rapporteur public ?: M. Cadenat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1995-11-22;93nt00165 ?
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