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14/06/1995 | FRANCE | N°93NT00370

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 14 juin 1995, 93NT00370


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 1993 au greffe de la cour, présentée pour : - la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION (COMANAV), dont le siège social est fixé ...,
- l'ENTENTE, société anonyme d'Assurance et de Réassurance, dont le siège social est fixé ... II, Casablanca, Maroc,
- la COMPAGNIE AFRICAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES (C.A.A.), dont le siège social est fixé ... II, Casablanca 01, Maroc,
- l'ALLIANCE AFRICAINE d'ASSURANCES (A.A.A.), dont le siège social est fixé Tour Atlas, Place Zallaga, Casablanca 01, Maroc,
- la COMPAGNIE SANAD, dont le si

ge social est fixé ... V, Casablanca 01, Maroc,
- la COMPAGNIE d'ASSURANC...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 1993 au greffe de la cour, présentée pour : - la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION (COMANAV), dont le siège social est fixé ...,
- l'ENTENTE, société anonyme d'Assurance et de Réassurance, dont le siège social est fixé ... II, Casablanca, Maroc,
- la COMPAGNIE AFRICAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES (C.A.A.), dont le siège social est fixé ... II, Casablanca 01, Maroc,
- l'ALLIANCE AFRICAINE d'ASSURANCES (A.A.A.), dont le siège social est fixé Tour Atlas, Place Zallaga, Casablanca 01, Maroc,
- la COMPAGNIE SANAD, dont le siège social est fixé ... V, Casablanca 01, Maroc,
- la COMPAGNIE d'ASSURANCES et de REASSURANCES AL WATANYA, dont le siège social est fixé ...Armée Royale, Casablanca 01, Maroc,
- la COMPAGNIE d'ASSURANCES et de REASSURANCES ES SAADA, dont le siège social est fixé ... II, Casablanca 01, Maroc,
- la COMPAGNIE ATLANTIQUE d'ASSURANCES (CADA), dont le siège social est fixé ...Armée Royale, Casablanca 01, Maroc,
- la REUNION MAROCAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES (REMAR) , dont le siège social est fixé ...Armée Royale, Casablanca 01, Maroc,
- la société WEST OF ENGLAND, dont le siège social est fixé International House, 1 St Katherine's Way, London E1 9UE, Grande-Bretagne,
- l'OFFICE DE COMMERCIALISATION ET D'EXPORTATION DU MAROC, dont le siège social est fixé 71 avenue des F.A.R., Casablanca 01, Maroc,
par Me Lassez, avocat ;
Les sociétés requérantes demandent à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 892365 du 2 février 1993 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité l'indemnité mise à la charge de l'Etat à la somme de 2 049 495 F et a fixé le point de départ des intérêts au 29 novembre 1989, et limité à 20 000 F la somme mise à la charge de l'Etat au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de condamner l'Etat à leur verser une indemnité de 9 368 991 F, soit 1 071 279 F en raison des avaries subies par le navire Midelt du fait de son drossage sur le rideau de palplanches du feu antérieur de l'entrée du port de Dieppe, 2 176 200 F pour l'immobilisation du navire durant trente jours, 60 254 F pour la consommation de combustibles, 26 733 F pour les frais d'escale à Flessingue, 23 933 F pour les frais du bureau Veritas, 921 246,17 F pour les dépenses conservatoires, 3 978 590 F pour les intérêts cargaison, 11 256,80 F pour les frais d'expertise du constat d'urgence et 14 142,33 F pour les frais d'expertise de référés, lesdites indemnités étant assorties des intérêts à compter du 3 mars 1987, et la capitalisation des intérêts étant prononcée à cette même date, et enfin de condamner l'Etat à leur verser une somme de 100 000 F au titre de l'article premier du décret du 2 septembre 1988 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 1995 :
- le rapport de Mme Lackmann, président rapporteur,
- les observations de Me X..., se substituant à Me Lassez, avocat de la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION et autres,
- et les conclusions de M. Chamard, commissaire du gouvernement,

Considérant que le 3 mars 1987 le navire Midelt, appartenant à la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION, a heurté de nuit la musoir du feu de "La Morgue" puis a été drossé sur le rideau de palplanches protégeant le musoir du feu antérieur de l'alignement d'entrée du port de Dieppe ; que, par un premier jugement du 19 mai 1992, le tribunal administratif de Rouen a, avait dire droit sur le montant du préjudice subi par le navire Midelt, mis à la charge de l'Etat le quart des conséquences dommageables résultant du seul drossage du navire sur le rideau de palplanches ; que par arrêt du 8 juillet 1993 la cour de céans a porté la part de responsabilité mise à la charge de l'Etat à la moitié des conséquences dommageables résultant tant du drossage sur le rideau de palplanches que du heurt avec le musoir du feu de "La Morgue" ; que, par décision du 30 septembre 1994, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi en cassation dirigé contre cet arrêt ; que, par un deuxième jugement du 2 février 1993, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION, à l'ENTENTE, à la COMPAGNIE AFRICAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES, à l'ALLIANCE AFRICAINE D'ASSURANCES, à la compagnie SANAD, à la compagnie AL WATANYA, à la compagnie ES SAADA, à la compagnie LA CADA, à la REUNION MAROCAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES, à la WEST OF ENGLAND et à l'OFFICE de COMMERCIALISATION et d'EXPORTATION du MAROC, une indemnité de 2 049 495 F assortie des intérêts ainsi qu'une somme de 20 000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et a mis à sa charge les frais d'expertise, soit 25 399,13 F ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise ordonné par les premiers juges, que le coût de la réparation des avaries subies par le navire en raison du heurt du musoir du feu de "La Morgue" et de son drossage sur le mur de palplanches s'est élevé respectivement à 703 946 F et 1 071 279 F ; que si les sociétés requérantes demandent à la cour de fixer le montant du préjudice lié à la réparation des avaries du navire en raison de son drossage sur le musoir du feu de "La Morgue" à la somme de 1 318 380 F, incluant dans cette somme les frais de l'expertise effectuée à Rotterdam ainsi qu'une partie des frais d'immobilisation du navire, ces frais relèvent de chefs de préjudice distincts dont l'indemnisation est par ailleurs demandée ; qu'il n'y a donc pas lieu de les prendre en compte ;

Considérant, en deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient l'Etat, qu'en fixant à trente jours la période d'immobilisation du navire, conformément aux conclusions du rapport d'expertise, le tribunal n'a pas, compte tenu de l'importance des avaries, surévalué le préjudice subi par les sociétés requérantes ; que la circonstance que l'expert se soit référé pour évaluer le coût journalier d'immobilisation du navire aux dires de l'armateur n'est pas de nature, à elle seule, en l'absence de critique utile du coût retenu, à permettre d'écarter l'évaluation qu'il a faite de ce chef de préjudice à 2 176 200 F ; que la consommation de combustibles durant cette immobilisation a été de 60 254 F et le coût de l'intervention du bureau Veritas pour certifier de l'état du navire après réparation de 23 933 F ; qu'il y a lieu de porter l'indemnité allouée par le tribunal au titre des frais d'escale à Flessingue de la somme de 26 733 F à 33 861 F afin de prendre en compte également les frais relatifs à la réparation du bulbe du Midelt ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il n'y a pas lieu de défalquer de l'indemnité de 697 007 F allouée par le tribunal au titre des "dépenses conservatoires", conformément au rapport d'expertise, la somme de 60 254 F représentant la consommation de combustible, cette somme n'ayant pas été prise en compte par l'expert ; qu'il résulte de l'instruction, en revanche, que le coût de l'intervention du bureau Veritas, précédemment indemnisé, est compris dans l'indemnité allouée ; qu'ainsi il y a lieu de réduire l'indemnité précitée de 697 007 F à 673 074 F ; que si les sociétés requérantes s'appuient sur un "rapport d'avarie commune" pour demander que l'indemnité allouée au titre des dépenses conservatoires soit portée à 921 246,17 F, elles n'apportent aucune autre précision ni justification à l'appui de leurs conclusions ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'indemnité due au titre du préjudice relatif à la perte d'une partie de la cargaison doit être évaluée à 3 978 590 F alors même que le "rapport d'avarie commune" n'aurait pas été établi de manière contradictoire avec l'Etat, ce rapport se bornant à se référer aux conclusions de l'expert commis par le tribunal de commerce de Dieppe dont le rapport a été versé au dossier du présent litige ;
Considérant, enfin, que les sociétés requérantes, qui n'établissent pas que cette expertise aurait été directement utile à la solution du litige, n'apportent aucune justification à l'appui de leurs conclusions tendant au remboursement des frais de l'expertise effectuée à Rotterdam pour un montant de 16 614,48 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice global subi par la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION et les compagnies d'assurances requérantes du fait de l'accident dont a été victime le navire Midelt doit être évalué à 8 721 138 F et non 8 197 981,17 F comme l'a jugé le tribunal ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu par l'arrêt de la cour en date du 9 juillet 1993, il y a lieu de porter l'indemnité mise à la charge de l'Etat par le jugement attaqué de 2 049 495 F à 4 360 569 F ;
Sur les intérêts :
En ce qui concerne les intérêts afférents aux frais d'expertise :

Considérant que si les sociétés requérantes ont, en vertu des ordonnances de taxation et de liquidation des frais d'expertise, versé à l'expert les sommes de 11 256,80 F et 14 142,33 F dont elles se sont trouvé déchargées par le jugement attaqué, elles ne sont pas fondées à demander à la cour la condamnation de l'Etat à la réparation sous la forme d'intérêts au taux légal du préjudice qu'elles ont subi du fait du versement desdites sommes, auxquelles elles étaient tenues en raison du caractère exécutoire des ordonnances de taxation précitées ;
En ce qui concerne les autres intérêts :
Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, les intérêts courent à compter du jour de la demande de paiement du principal et non à compter du fait générateur de la créance ; qu'ainsi, en l'absence de demande préalable, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé au 29 novembre 1989, date de l'enregistrement de la demande devant le tribunal, le point de départ des intérêts dûs aux sociétés requérantes ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à ce que les intérêts courent à compter du 3 mars 1987 et soient capitalisés à cette même date doivent être rejetées ;
Sur les frais irrépétibles alloués en première instance :
Considérant, d'une part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande des sociétés requérantes et de porter la somme de 20 000 F allouée par le tribunal en application des dispositions, alors applicables, de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à la somme de 100 000 F ;
Considérant, d'autre part, que si les sociétés requérantes entendent contester la modalités de l'exécution du jugement attaqué en sollicitant le versement d'intérêts sur la somme précitée de 20 000 F, ces conclusions n'ont pas été présentées au tribunal et sont, en tout état de cause, nouvelles en appel ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser un complément d'intérêts sur l'indemnité allouée par le tribunal :
Considérant que ces conclusions n'ont pas été présentées devant le tribunal et sont nouvelles en appel ; qu'elles sont donc, en tout état de cause, irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande des sociétés requérantes tendant au bénéfice des dispositions précitées ;
Article 1er - L'indemnité de deux millions quarante neuf mille quatre cent quatre vingt quinze francs (2 049 495 F) mise à la charge de l'Etat par l'article premier du jugement n 892365 du 2 février 1993 du tribunal administratif de Rouen est porté à quatre millions trois cent soixante mille cinq cent soixante neuf francs (4 360 569 F).
Article 2 - Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 2 février 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête et de l'appel incident du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme est rejeté.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à la COMPAGNIE MAROCAINE DE NAVIGATION, à l'ENTENTE, à la COMPAGNIE AFRICAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES, à l'ALLIANCE AFRICAINE D'ASSURANCES, à la compagnie SANAD, à la compagnie AL WATANYA, à la compagnie ES SAADA, à la compagnie LA CADA, à la REUNION MAROCAINE d'ASSURANCES et de REASSURANCES, à la WEST OF ENGLAND et à l'OFFICE de COMMERCIALISATION et d'EXPORTATION du MAROC et au ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93NT00370
Date de la décision : 14/06/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - INTERETS - POINT DE DEPART.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lackmann
Rapporteur public ?: M. Chamard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1995-06-14;93nt00370 ?
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