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14/06/1995 | FRANCE | N°93NT00206

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, 14 juin 1995, 93NT00206


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 1993 au greffe de la cour, présentée pour M. X..., demeurant ..., par Maître Kaufmann, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 901180 du 30 décembre 1992 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité la responsabilité de l'Etat à la réparation des deux tiers des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 22 avril 1989 à l'hôpital d'instruction des armées de Lorient et qu'il a évalué les préjudices afférents aux troubles dans ses conditions d'existence à 450 000F

, aux souffrances physiques subies à 50 000 F et au préjudice esthétique ...

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 1993 au greffe de la cour, présentée pour M. X..., demeurant ..., par Maître Kaufmann, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 901180 du 30 décembre 1992 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité la responsabilité de l'Etat à la réparation des deux tiers des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 22 avril 1989 à l'hôpital d'instruction des armées de Lorient et qu'il a évalué les préjudices afférents aux troubles dans ses conditions d'existence à 450 000F, aux souffrances physiques subies à 50 000 F et au préjudice esthétique à 50 000 F ;
2 ) de condamner l'Etat à réparer l'intégralité des conséquences dommageables de ladite opération et de fixer le montant des indemnités dues à 900 000 F au titre de l'incapacité permanente partielle, 100 000 F au titre du préjudice d'agrément, 150 000 F au titre des souffrances physiques et 100 000 F au titre du préjudice esthétique, lesdites indemnités assorties des intérêts à compter du 2 mars 1990 ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 000 F en application des dispositions de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 1995 :
- le rapport de Mme Lackmann, président rapporteur,
- les observations de Maître Kaufmann, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. Chamard, commissaire du gouvernement,

Considérant que M. X..., victime d'un accident, présentait lors de son admission le 22 avril 1989 à l'hôpital d'instruction des armées de Lorient un traumatisme ouvert du coude gauche, des troubles vasculaires et une cyanose du bras gauche ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le chirurgien, qui l'a opéré le jour même, croyant pratiquer une hémostase de l'artère radiale est, en fait, intervenu sur l'artère humérale ; que M. X... a dû ensuite subir deux nouvelles opérations et une longue rééducation ; qu'il reste atteint d'une incapacité permanente partielle de 45 % ; que l'expert commis par les premiers juges qualifie son préjudice esthétique d'assez important et les souffrances physiques subies d'importantes ; que, par le jugement attaqué, le tribunal a déclaré l'Etat responsable des deux tiers des conséquences dommageables de l'opération du 22 avril 1989 et l'a condamné à verser respectivement à M. X... une indemnité de 167 132,69 F, à la CPAM du Morbihan une indemnité de 782 648,80 F et à la mutuelle de la marine une indemnité de 44 003,81 F ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que si l'erreur commise lors de cette intervention chirurgicale est constitutive d'une faute de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que lors de son admission M. X... présentait de telles lésions au bras gauche qu'il n'aurait pu, en tout état de cause, récupérer totalement la motricité de son bras et de sa main ; que le tribunal a donc pu, à bon droit, limiter de ce fait la responsabilité de l'Etat au deux tiers des conséquences dommageables de l'intervention ; que, contrairement à ce que soutient M. X..., les premiers juges, pour atténuer la responsabilité de l'administration, se sont fondés exclusivement sur la gravité des lésions initiales et non sur les circonstances que l'intervention ait dû être effectuée en urgence et que l'état d'ébriété de la victime ait aggravé les difficultés auxquelles a été confronté le chirurgien ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, que le juge de la responsabilité n'indemnise pas l'invalidité elle-même mais le préjudice qui en résulte ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. X..., l'évaluation des troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence ne doit pas être déterminée par un barème correspondant au taux d'invalidité mais en fonction des conséquences de l'invalidité sur ses conditions de vie ; que le préjudice d'agrément n'est pas indemnisé en tant que tel mais intégré dans l'évaluation des troubles dans les conditions d'existence subis ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient procédé, dans les circonstances de l'espèce, à une inexacte appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 450 000 F ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en évaluant à 50 000 F la réparation due à M. X... au titre du préjudice esthétique subi, le tribunal n'en a pas fait une inexacte appréciation ;
Considérant, en troisième lieu, que dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... en raison des souffrances physiques endurées en fixant à 80 000 F la réparation due par l'Etat à ce titre ;

Considérant dès lors que le préjudice global subi par M. X... est de 580 000 F ; que, compte tenu du partage de responsabilité susrappelé, il y a lieu de porter l'indemnité qui lui est due de 167 132,69 F à 187 132,69 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité à 167 132,69 F l'indemnité mise à la charge de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 4 000 F au titre des dispositions précitées ;
Article 1er - La somme de cent soixante sept mille cent trente deux francs soixante neuf centimes (167 132,69 F) mise à la charge de l'Etat par l'article 1er du jugement n 901180 du 30 décembre 1992 du tribunal administratif de Rennes est portée à cent quatre vingt sept mille cent trente deux francs soixante neuf centimes (187 132,69 F).
Article 2 - Le jugement n 901180 du 30 décembre 1992 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 - L'Etat est condamné à verser à M. X... une somme de quatre mille francs (4 000 F) en application des dispositions de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à M. X..., au ministre de la défense, à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et à la mutuelle de la marine.


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