VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 novembre 1991, présentée pour Mme Z..., demeurant ... (Manche) et la compagnie d'assurances G.A.M.F., par Me Delauney ;
Mme Z... et la compagnie d'assurances G.A.M.F. demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 1991 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à qu'il condamne le directeur départemental de l'équipement de la Manche à verser à la première la somme de 14 136,50 F en réparation du préjudice matériel qu'elle a subi du fait de l'accident de la route dont elle a été victime le 19 juillet 1985 ainsi qu'une provision de 30 000 F, et, à la seconde, la somme de 5 586 F en remboursement de la somme qu'elle a versée au propriétaire du mur endommagé par le véhicule de Mme Z..., avec intérêts de droit à compter du 13 septembre 1985 et tendant, en outre, avant dire droit, à la désignation d'un expert médical ;
2°) de réformer ce jugement pour déclarer le conseil général de la Manche entièrement responsable de l'accident dont a été victime Mme Z..., le 19 juillet 1985, à Les Moitiers en Bauptois ;
3°) de condamner le conseil général de la Manche à verser à Mme Z... la somme de 17 136,50 F en réparation de son préjudice matériel, 53 768,16 F en sus des pertes de salaires, des frais médicaux, pharmaceutiques d'hospitalisation, sauf à déduire la créance de la C.P.A.M. de la Manche et 52 000 F en réparation du prétium doloris et du préjudice esthétique, le tout avec intérêts de droit à compter de la requête introductive et capitalisation année par année ;
4°) de condamner le conseil général de la Manche à verser à la compagnie d'assurances G.A.M.F. la somme de 5 586 F en remboursement de la somme versée au propriétaire du mur endommagé par le véhicule de Mme Z... avec intérêts de droit à compter du 13 septembre 1985 ;
5°) de condamner le conseil général de la Manche aux dépens, y inclus les honoraires d'expertise du docteur X... et à verser à Mme Z... une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 1993 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- les observations de :
Me Laurent se substituant à Me Delauney, avocat de Mme Z... et de la compagnie d'assurances G.A.M.F.,
Me Y... se substituant à Me Salaün, avocat de la société Meslin,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article L.455-2 du code de la sécurité sociale : "Dans les cas prévus aux articles L.452-1 et L.452-5, L.453-1 et L.454-1, la victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement" ; que cette obligation a pour objet, en matière d'accidents du travail, de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de sécurité sociale dans les litiges opposant la victime d'un préjudice corporel et le tiers responsable de l'accident ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier de première instance que Mme Z..., qui demandait au département de la Manche réparation des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont elle a été victime, est assuré social ; que le Tribunal administratif de Caen n'a pas communiqué cette demande à la caisse de sécurité sociale ; qu'il a ainsi méconnu la porté de l'article L.455-2 du code de la sécurité sociale qui lui faisait obligation de mettre en cause la caisse de sécurité sociale de la Manche dans le litige opposant Mme Z... au département de la Manche ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter les prescriptions de l'article susindiqué, la violation de ces prescriptions a constitué une irrégularité que la Cour, saisie de conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement qui lui est déféré, doit soulever même d'office ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 28 mai 1991 ;
Considérant que la Cour ayant mis en cause la caisse primaire de sécurité sociale de la Manche, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement au fond ;
Sur la responsabilité :
Considérant que le 19 juillet 1985, vers 6 heures 45, sur le chemin départemental n° 24, au lieu dit "La Chaussée", sur le territoire de la commune des Moitiers en Bauptois, la voiture conduite par Mme Z..., après avoir été déportée dans un virage, a quitté la chaussée et percuté le mur d'une propriété voisine ; que si la requérante, qui a été sérieusement blessée dans cet accident, allègue que celui-ci est imputable à la présence sur la voie de gravillons mal stabilisés, il résulte de l'instruction, et notamment du procès verbal de gendarmerie, que la réfection de la chaussée était achevée au moment de l'accident et que l'emplacement des travaux qui avaient été effectués était précédé, dans les deux sens de circulation de deux panneaux dont l'un limitait la vitesse et l'autre signalait des risques de dérapage ; qu'ainsi, la signalisation mise en place était conforme à la réglementation et ce, nonobstant les témoignages produits par Mme Z... attestant que d'autres automobilistes avaient également dérapé sur le lieu de l'accident ; que la circonstance qu'immédiatement après l'accident l'administration ait installé des panneaux avec feux clignotants ne saurait établir l'insuffisance et le mauvais emplacement de la signalisation antérieure ; que, dès lors, le département de la Manche apporte la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la voie publique ; que, par suite, Mme Z... et la compagnie d'assurances G.A.M.F. ne sont pas fondées à demander la mise en cause de sa responsabilité ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme Z... et de la compagnie d'assurances G.A.M.F. les frais de l'expertise médicale ordonnée en référé par le président du tribunal administratif ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions présentées par Mme Z... et la compagnie d'assurances G.A.M.F., parties perdantes à l'instance, et tendant à ce que le département de la Manche soit condamné à leur payer la somme de 5 000 F au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 28 mai 1991 est annulé.
Article 2 - La demande et la requête de Mme Z... et de la compagnie d'assurances G.A.M.F. sont rejetées.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à Mme Z..., à la compagnie d'assurances G.A.M.F., au dépar-tement de la Manche, à l'entreprise Meslin, à la caisse primaire de sécurité sociale de la Manche et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.