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09/06/1993 | FRANCE | N°91NT00679

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 09 juin 1993, 91NT00679


VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 août 1991 et le 3 janvier 1992 sous le n° 91NT00679, présentés pour M. et Mme X..., venant aux droits de M. Z..., décédé, et demeurant ... à 94500 Champigny-sur-Marne, par Maître Y... avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
M. et Mme X... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 16 avril 1991, par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'ils ont subi à la suite d'un effondrement de terrain survenu le 13 janvier

1982 sur le territoire de la commune de Villerville (Calvados) et les a ...

VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 août 1991 et le 3 janvier 1992 sous le n° 91NT00679, présentés pour M. et Mme X..., venant aux droits de M. Z..., décédé, et demeurant ... à 94500 Champigny-sur-Marne, par Maître Y... avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
M. et Mme X... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 16 avril 1991, par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'ils ont subi à la suite d'un effondrement de terrain survenu le 13 janvier 1982 sur le territoire de la commune de Villerville (Calvados) et les a condamnés à payer une part des frais d'expertise fixée à 36 039,47 F ;
2°) de condamner solidairement l'Etat, le département du Calvados et la commune de Villerville à leur payer la somme de 1 450 000 F, portée à 1 606 000 F, avec intérêts de droit depuis l'introduction de la requête et capitalisation des intérêts produits aux dates demandées et à la date d'introduction de l'appel ; 3°) de condamner les mêmes à leur rembourser les frais d'expertise soit 39 039 F avec intérêts de droit ;
4°) de condamner les mêmes parties à leur verser une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 28 pluviôse an VIII ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 1993 :
- le rapport de M. GRANGE, conseiller,
- les observations de Me Y... et Me Roche, avocats de M. et Mme X...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un important glissement de terrain s'est produit, dans la nuit du 13 au 14 janvier 1982, sur le territoire de la commune de Villerville (Calvados), sur des terrains dominant la Manche, en contrebas de la route départementale n° 513 ; que plusieurs maisons d'habitation ont été ruinées ; que le maire a prescrit l'évacuation de la zone dangereuse et la destruction de certaines de ces habitations ; qu'ultérieurement le préfet a interdit par arrêté toute construction ou reconstruction dans ce périmètre ; que M. et Mme X... venant aux droits de M. Z..., décédé, propriétaire d'un de ces immeubles, font appel du jugement du Tribunal administratif de Caen qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat, du département du Calvados et de la commune de Villerville à réparer les conséquences dommageables de cet accident ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, d'une part, que la zone présente une instabilité naturelle millénaire tenant à la nature des couches géologiques qui la composent, d'autre part, que cette instabilité a été aggravée par une conjonction d'événements tenant pour partie aux circonstances climatiques, résultant de la succession d'une période de fortes précipitations et d'une période de gel intense provoquant le blocage de l'écoulement naturel des eaux, et, pour une autre partie, à des facteurs humains ; que l'expert a ventilé ces différentes causes en évaluant à 70 % la part imputable aux facteurs naturels, à 20 % celle imputable à la route départementale n° 513, à 7 % celle imputable à l'urbanisation et au déboisement, et à 3 % celle imputable à l'aménagement d'un camping ;

Considérant que les circonstances d'ordre naturel ne sauraient engager la responsabilité ni de l'Etat, ni du département, ni de la commune, qui ne sont pas légalement tenus de créer un service de surveillance de la stabilité des terrains ni d'assurer la protection des habitants contre les mouvements naturels des sols ; que la circonstance que le préfet n'ait pas prescrit, comme il y était cependant tenu, la délimitation d'une zone exposée aux risques naturels, est sans influence sur la situation des requérants qui n'ont ni obtenu ni sollicité une décision administrative pour la délivrance de laquelle la délimitation susmentionnée aurait été nécessaire ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été dans une situation semblable à celle d'une victime qui avait obtenu un permis de construire et indemnisée de ce fait, et que, par suite, le principe d'égalité devant les charges publiques aurait été méconnu ; que le principe de solidarité de la nation devant les charges qui résultent des calamités nationales ne peut être utilement invoqué ; que le lien de causalité pouvant exister entre les dommages et des mesures qu'auraient prises une ou plusieurs autorités publiques en faveur de l'urbanisation ou du déboisement des zones environnantes n'est pas établi, non plus que celui pouvant exister entre ces dommages et l'implantation autorisée d'un camping, au demeurant situé en aval de la propriété des requérants ; que ni l'extraction de sable qu'aurait autorisée la commune de Villerville au pied de la falaise, ni le rôle qu'elle aurait joué dans le déclenchement du sinistre ne sont établis ;
Considérant que la route départementale n° 513, en l'absence de toute servitude d'écoulement des eaux sur le domaine public, n'avait pas pour vocation de servir d'exutoire aux eaux provenant des propriétés situées en amont ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle formait barrage à leur écoulement ; qu'ainsi les requérants invoquent en vain l'absence de drainage du soubassement de cette route ; que s'il est vrai que celle-ci ne comportait aucun dispositif propre d'évacuation des eaux de pluies qu'elle recevait directement, cette circonstance, eu égard à la faible surface de la route comparée à celle ayant été l'objet des mouvements du sol en cause, ne peut être regardée que comme secondaire ; qu'il n'est pas démontré, par les calculs théoriques de l'expert non confirmés par des constatations de fait sur les lieux, que la surcharge pondérale alléguée de ladite route ait joué un rôle dans le déclenchement du sinistre ; qu'ainsi le lien de causalité entre l'état d'entretien de la route départementale n° 513 et les dommages n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de ce texte s'opposent à ce que l'Etat, le département du Calvados et la commune de Villerville, qui ne sont pas en l'espèce parties perdantes, versent à M. et Mme X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. et Mme X... à verser au département du Calvados la somme qu'il demande au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Calvados sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X..., au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, au département du Calvados et à la commune de Villerville.


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