VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 août 1991, présentée par M. X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de NANTES du 17 juin 1991 en tant qu'il a rejeté partiellement ses demandes tendant respectivement à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 et à la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 1980 au 30 septembre 1984 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) à titre subsidiaire :
- d'inviter l'administration à lui communiquer les éléments, y compris les calculs, qui lui ont permis d'établir les redressements ;
- de désigner un expert afin de s'assurer de la valeur probante de sa comptabilité ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 1993 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant que M. X..., boucher-charcutier, a fait l'objet d'une vérification ayant porté sur les années 1981 à 1984 ; que des redressements affectant l'impôt sur le revenu et la taxe sur la valeur ajoutée ont été apportés aux recettes déclarées ; qu'en outre, les bénéfices ont été majorés pour tenir compte de la réintégration de dépenses personnelles et de l'incidence de la taxe sur la valeur ajoutée omise ; qu'eu égard aux déficits antérieurs et aux amortissements réputés différés, ces rehaussements n'ont pas donné lieu à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1981 et 1982 ; qu'après les réductions prononcées par l'administration et ordonnées par le tribunal seuls restent en litige la taxe sur la valeur ajoutée relative aux exercices 1981 et 1982 et l'impôt sur le revenu de l'année 1983 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant que les moyens tirés de ce que le vérificateur aurait commis des erreurs dans le calcul des redressements et, à supposer cette circonstance établie, consulté les documents comptables sans examiner les brouillards de caisse et les bandes enregistreuses correspondantes, ne suffisent pas, à eux seuls, à établir que le requérant n'aurait pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire à l'occasion de la vérification de comptabilité dont il a été l'objet du 15 mars au 13 mai 1985 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 75 du livre des procédures fiscales, alors en vigueur : "Les bénéfices ou les éléments qui servent au calcul des taxes sur le chiffre d'affaires déclarés par les contribuables, peuvent être rectifiés d'office dans les cas suivants : a) En cas de défaut de présentation de la comptabilité ou des documents en tenant lieu ; b) Lorsque des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées sont constatées dans la comptabilisation des opérations effectuées par les contribuables ; c) Lorsque l'absence de pièces justificatives prive la comptabilité ou les documents en tenant lieu de toute valeur probante" ;
Considérant qu'au cours des exercices clos en 1981 et 1982 les recettes de M. X... étaient globalisées en fin de journée et n'étaient pas ventilées par taux d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les bandes de caisse enregistreuse dont le requérant fait état ne sont en réalité que des tickets récapitulatifs qui ne permettent pas de connaître le détail des ventes réalisées quotidiennement ; que les livres de comptes et les tickets de caisse produits par le requérant ne font état que de la récapitulation quotidienne du total des recettes sans en indiquer le détail ; qu'ainsi, l'absence de pièces justificatives prive la comptabilité de toute valeur probante ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de soumettre à expertise ladite comptabilité ; que le moyen tiré de ce que les déclarations de chiffre d'affaires auraient été déposées dans les délais légaux est inopérant au regard des conditions d'application de l'article L. 75 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, l'administration était en droit de recourir à la procédure de rectification d'office pour déterminer le chiffre d'affaires des exercices clos en 1981 et 1982 ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à l'année 1983, qui reste en litige au titre de l'impôt sur le revenu, ne subordonnaient pas le recours à la procédure d'évaluation d'office à l'envoi d'une mise en demeure ; que le requérant ne peut utilement invoquer, en se fondant sur les dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, une instruction du 17 janvier 1978 qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut, en tout état de cause, être regardée comme comportant une "interprétation d'un texte fiscal" au sens dudit article ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du même livre : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ; que la notification de redressements en date du 18 septembre 1985, indiquait quelles étaient les bases d'imposition retenues pour chacune des années vérifiées et précisait les modalités suivant lesquelles le vérificateur avait reconstitué les chiffres d'affaires à partir desquels elles avaient été déterminées ; que, par suite, ladite notification était régulièrement motivée au regard des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, que le requérant ne peut utilement invoquer les irrégularités dont serait entachée la procédure d'imposition suivie en matière d'impôt sur le revenu pour les années 1981 et 1982 dès lors qu'aucune imposition de cette nature ne reste en litige au titre desdites années ;
Considérant que les modifications apportées après la notification par le vérificateur à la détermination du montant des frais financiers de l'entreprise exposés dans l'intérêt personnel du contribuable n'ont pas eu pour effet de majorer le montant des redressements notifiés et procèdent du même examen des rapports entre l'entreprise et son dirigeant ; que par suite le vérificateur n'était pas tenu de procéder à une nouvelle notification de redressements ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la procédure d'évaluation d'office appliquée en matière d'impôt sur le revenu et la procédure de rectification d'office utilisée en matière de taxe sur la valeur ajoutée n'ont été entachées d'aucune irrégularité ; que, dès lors, il appartient à M. X..., en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des évaluations retenues par l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les minorations de recettes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des notifications de redressements en date des 12 septembre et 18 octobre 1985 que pour reconstituer le chiffre d'affaires et les résultats de l'entreprise de boucherie-charcuterie de M.
X...
le vérificateur, après avoir effectué contradictoirement le 28 mars 1985 un relevé de prix de ventes portant sur 77 produits, a déterminé les quantités vendues à partir des factures d'achats ; qu'il a ensuite calculé des coefficients de bénéfice brut par catégorie de produits, réduits pour tenir compte des pertes dues à la découpe et à la dessiccation des viandes, puis pondérés pour être ramenés à un coefficient global de bénéfice brut par exercice ; que, toutefois, en dépit des demandes du contribuable, tant en première instance qu'en appel, l'administration n'a jamais précisé les modalités de prise en compte des pertes dues à la découpe et à la dessiccation, ni les calculs ayant conduit, après pondération, à la détermination d'un coefficient unique de bénéfice brut, au surplus différent pour chaque année vérifiée ; que si la notification de redressements adressée au contribuable pouvait s'en tenir aux indications prévues par les dispositions susmentionnées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, le service était toutefois tenu de fournir à l'intéressé, au plus tard devant le juge de l'impôt, le détail de la méthode de reconstitution des recettes ; qu'à défaut, le requérant, qui n'a ainsi jamais été en mesure de contester utilement la méthode du vérificateur, apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des redressements résultant des minorations de recettes s'élevant à 44 878 F. au titre de l'exercice clos en 1981 et à 50 967 F. au titre de l'exercice clos en 1982 ;
En ce qui concerne les autres redressements ;
Considérant que M. X... n'apporte aucun élément de nature à établir que le vérificateur aurait procédé à une estimation excessive du taux retenu pour déterminer le montant des frais financiers supportés par l'entreprise pour le compte personnel de l'intéressé, ni qu'il aurait tenu insuffisamment compte des amortissements antérieurs réputés différés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y lieu de prononcer la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige et d'ordonner la réduction du complément d'impôt sur le revenu restant à la charge de M. X... pour l'année 1983, à concurrence de l'incidence des rehaussements de recettes effectués à tort au titre des années 1981 et 1982 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de NANTES a rejeté en totalité le surplus de sa demande ;
Article 1er - Il est accordé à M. X... décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre des exercices clos en 1981 et 1982.
Article 2 - L'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1983 sera calculé en tenant compte de l'incidence de l'annulation des redressements de recettes effectués sur les exercices clos en 1981 et 1982.
Article 3 - Il est accordé à M. X... décharge de la différence entre l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1983 et ce même impôt calculé suivant les dispositions de l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 - Le jugement du Tribunal administratif de NANTES est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 3 du présent arrêt.
Article 5 - Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre du budget.