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09/06/1993 | FRANCE | N°91NT00594

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 09 juin 1993, 91NT00594


VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juillet 1991, présentée pour Monsieur Philippe X..., demeurant au lieudit "Brinville", à la Fresnay-sur-Chédouet (Sarthe), par Maître Z... et Maître Y..., avocats associés à la Cour d'appel de PARIS ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 1991 par lequel le Tribunal administratif de CAEN a rejeté sa demande tendant à ce que ledit tribunal :
- fixe à 4 000 F. l'indemnité due au requérant pour suspension abusive, illégale et irrégulière du permis de conduire ;
- à 1 500 F. l'inde

mnité au titre des frais exposés ;
- dise qu'il a droit aux intérêts desdites s...

VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juillet 1991, présentée pour Monsieur Philippe X..., demeurant au lieudit "Brinville", à la Fresnay-sur-Chédouet (Sarthe), par Maître Z... et Maître Y..., avocats associés à la Cour d'appel de PARIS ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 1991 par lequel le Tribunal administratif de CAEN a rejeté sa demande tendant à ce que ledit tribunal :
- fixe à 4 000 F. l'indemnité due au requérant pour suspension abusive, illégale et irrégulière du permis de conduire ;
- à 1 500 F. l'indemnité au titre des frais exposés ;
- dise qu'il a droit aux intérêts desdites sommes à compter de la réception de sa demande par le préfet ;
- dise que la capitalisation des intérêts sera acquise à l'expiration d'un an et que la capitalisation se fera à l'expiration de chaque année écoulée ;
2°) dire et juger la mesure de retrait du permis de conduire abusive et irrégulière et condamner l'Etat à verser au requérant la somme de 4 000 F. avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1986 et à la capitalisation desdits intérêts, eux-mêmes productifs d'intérêts au 5 décembre 1987, 5 décembre 1988, 5 décembre 1989, 5 décembre 1990, en réparation du préjudice moral et matériel ainsi causé ;
3°) de condamner l'Etat à verser par ailleurs la somme de 10 000 F. au titre de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel concernant les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
VU la constitution ;
VU le code de la route ;
VU la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
VU la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 1993 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R 58 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les actions en responsabilité fondées sur une cause autre que la méconnaissance d'un contrat ou d'un quasi-contrat et dirigées contre l'Etat, les autres personnes publiques ou les organismes privés gérant un service public relèvent : 1° lorsque le dommage invoqué est imputable à une décision qui a fait ou aurait pu faire l'objet d'un recours en annulation devant un tribunal administratif, de la compétence de ce tribunal" et qu'aux termes de l'article R 52 du même code : "Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises à l'encontre de personnes par les autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs de police relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence des personnes faisant l'objet des décisions attaquées à la date desdites décisions" ;
Considérant que la décision de suspension du permis de conduire prise par le Préfet de l'Orne à l'encontre de M. X... constituait une mesure de police administrative qui, en application des dispositions précitées, pouvait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir seulement devant le tribunal administratif dans le ressort duquel était domicilié l'intéressé ; que dès lors que M. X... résidait dans le département de la Sarthe, seul le Tribunal administratif de NANTES aurait été compétent pour connaître d'un tel recours ; qu'ainsi, l'action en responsabilité de M. X... dirigée contre l'Etat relevait de la compétence du Tribunal administratif de NANTES ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de CAEN a statué sur la demande de M. X... ; que, dès lors, son jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de CAEN ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article L 18 du code de la route : "Saisi d'un procès-verbal constatant une des infractions visées à l'article L 14, le préfet du département dans lequel cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer, à titre provisoire, soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n'en est pas encore titulaire. La durée de la suspension ...ne peut excéder six mois ... La décision intervient sur avis d'une commission spéciale après que le conducteur ou son représentant aura été mis en mesure de prendre connaissance du dossier, y compris le rapport, et de présenter sa défense ... Les mesures administratives prévues au présent article ... seront comme non avenues en cas d'ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive au droit de conduire ..." ;

Considérant qu'à la suite d'un excès de vitesse commis par M. X..., le préfet de l'Orne, par arrêté du 27 juin 1986, a prononcé une suspension pour 8 jours du permis de conduire de l'intéressé qui, par ailleurs, a été condamné par ordonnance pénale du président du Tribunal de police d'ALENCON, en date du 14 novembre 1986, à 700 F. d'amende ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L 18 du code de la route que le préfet est en droit de prendre une mesure provisoire de suspension de permis de conduire aussi longtemps que le juge judiciaire, éventuellement saisi, ne s'est pas prononcé ; que si, en vertu des mêmes dispositions, la suspension du permis de conduire de M. X... doit, à compter de l'intervention de l'ordonnance pénale, être tenue pour "non avenue", cette mesure ne saurait être regardée, par l'effet de la décision de la juridiction répressive, comme retirée, ni même comme dépourvue de base légale, dès lors que le juge pénal a reconnu l'existence de l'infraction commise par M. X... ;
Considérant qu'en raison de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal, les moyens tendant à contester la réalité de l'infraction et tirés de l'emplacement du radar dans l'agglomération de LE MENIL-BROUT sont inopérants ;
Considérant que, l'avis émis par la commission de suspension du permis de conduire n'étant pas au nombre des décisions administratives mentionnées à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, le moyen tiré de ce que les dispositions de ladite loi auraient été méconnues est inopérant ;
Considérant que, l'arrêté du préfet de l'Orne en date du 27 juin 1986 indique que la mesure de retrait de permis de conduire est prise par application des articles L 14 et L 18 du code de la route en raison d'une infraction aux dispositions de l'article R 10 du même code et après avis de la commission de suspension du permis de conduire ; qu'ainsi, le préfet a satisfait à l'obligation de motivation édictée par la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que, l'arrêté préfectoral litigieux a été communiqué au préfet de la Sarthe, chargé de notifier cette décision à l'intéressé, conformément aux dispositions de l'article R 272 du code de la route ; que c'est à bon droit que le préfet de la Sarthe a demandé à la gendarmerie de LA FRESNAYE-SUR-CHEDOUET, où M. X... était domicilié, de procéder au retrait du permis ; qu'il est constant que l'arrêté préfectoral a été directement notifié à l'intéressé par les gendarmes le 17 juillet 1986 ; que, par suite, cette décision lui était opposable au sens des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 et a pu servir de base légale au retrait effectif du permis intervenu immédiatement après ;

Considérant que les mesures de suspension de permis de conduire prononcées par le préfet ne constituent pas la sanction d'une faute, mais une mesure de police administrative ; qu'en conséquence, elles ne portent pas atteinte aux principes reconnus par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lesquels, d'une part, toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente et, d'autre part, il ne peut être prononcé une double condamnation pour une même infraction ; que, par ailleurs, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité des lois à la Constitution ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de l'inconstitutionnalité de l'article L 18 du code de la route en ce qu'il permettrait de sanctionner deux fois une même infraction ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté du préfet de l'Orne en date du 27 juin 1986 n'est entaché d'aucune illégalité ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à demander la mise en cause de la responsabilité de l'Etat du fait de cet arrêté ;
Sur l'application des dispositions de l'article L-8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions présentées par M. X..., partie perdante à l'instance, et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer la somme de 10 000 F. au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de CAEN est annulé.
Article 2 - La demande et la requête de M. X... sont rejetées.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. X..., au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et au ministre de la défense.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91NT00594
Date de la décision : 09/06/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - COMPETENCE A L'INTERIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPETENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPETENCE TERRITORIALE.

POLICE ADMINISTRATIVE - OBJET DES MESURES DE POLICE - PERMIS DE CONDUIRE - SUSPENSION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.


Références :

Code de la route L18, L14, R10, R272
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R58, R52, L8-1
Constitution du 04 octobre 1958
Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Loi 78-753 du 17 juillet 1978 art. 8
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. ISAIA
Rapporteur public ?: M. LEMAI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1993-06-09;91nt00594 ?
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