Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 23 août 1991 et 3 février 1992, sous le n° 91NT00697, présentés, pour M. Jean X..., demeurant ..., par la S.C.P. Lesourd et Baudin, avocat aux Conseil d'Etat ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 25 juin 1991, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre un avis de mise en recouvrement du 15 janvier 1987 au titre du premier rôle établi sur les bases de répartition des dépenses de l'Association Syndicale Autorisée de Défense contre la mer de Jullouville-Nord et tendant :
- à ce qu'il soit constaté que l'association syndicale n'a pas été valablement constituée ;
- subsidiairement, à ce que soit constatée la nullité des opérations ayant fixé les bases de répartition des dépenses ;
- à la décharge des taxes litigieuses ;
2°) d'annuler les opérations ayant fixé les bases de répartition des dépenses et de prononcer la décharge des taxes litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 21 juin 1865 ;
Vu le décret du 18 décembre 1927 :
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 1993 :
- le rapport de M. Bruel, conseiller,
- les observations de Maître Hurel-Moy, avocat de l'Association Syndicale de Défense contre la mer de Jullouville-Nord,
- et les conclusions de M. Chamard, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article 41 du décret du 18 décembre 1927 : "Aussitôt après son entrée en fonctions, le syndicat fait procéder aux opérations nécessaires pour déterminer les bases d'après lesquelles les dépenses de l'association seront réparties entre les intéressés. Ces bases doivent être établies de telle sorte que chaque propriété soit imposée en raison de l'intérêt qu'elle a à l'exécution des travaux." ; qu'aux termes de l'article 42 du même décret : "Un exemplaire du dossier et un registre destiné à recevoir les observations des intéressés sont déposés pendant quinze jours à la mairie de chacune des communes, sur le territoire desquelles sont situées les propriétés syndiquées." ;
Considérant en premier lieu, que l'enquête préalable à la décision prise le 14 juillet 1986 par le syndicat de l'Association Syndicale de Défense contre la mer de Jullouville-Nord (Manche), en vue d'arrêter les bases de répartition des dépenses entre les propriétaires intéressés, a été annoncée par voie d'affiche apposée à la mairie de Jullouville le 7 mai 1986, invitant les propriétaires à consulter le dossier d'enquête du 9 au 23 mai ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit l'envoi préalable d'un avis de dépôt du dossier d'enquête à chaque intéressé ;
Considérant en second lieu, que le syndicat a réparti les dépenses afférentes aux travaux pour lesquels l'association a été créée au prorata de la superficie des propriétés, affectée d'un coefficient de 1, 2, 3 ou 6 selon leur éloignement du rivage ; que les bases de répartition ainsi adoptées qui prennent en compte à bon droit, l'inégale gravité de la menace de la mer selon l'emplacement des terrains par rapport au rivage, n'avaient pas à retenir, contrairement à ce que soutient le requérant, des critères tirés de la distinction entre terrains bâtis ou non bâtis, constructibles ou inconstructibles, dès lors que chaque propriétaire a un égal intérêt aux travaux destinés à éviter la disparition de son terrain quelle que soit l'affectation qu'il lui ait donnée, sa valeur ou celle des constructions qu'il supporte ;
Considérant toutefois, que les bases de répartition des dépenses ont été établies sur la surface utile des propriétés, déterminée en excluant de la surface réelle les voies de desserte, parkings et autres terrains cadastralement rattachés aux propriétés mais réservés, en fait, à l'usage collectif de certains propriétaires ; que, si l'association, dont les statuts ne faisaient aucune distinction entre ses membres selon qu'ils possédaient ou non des voies à l'intérieur de son périmètre, pouvait exonérer les parcelles dont l'usage est ouvert à l'ensemble des membres de l'association, elle ne pouvait exonérer certaines parcelles, alors même qu'elles étaient affectées à l'usage de voies de circulation et de places de stationnement par quelques-uns de ses membres, sans porter atteinte au principe selon lequel chaque propriété doit être imposée en raison de l'intérêt qu'elle a à l'exécution des travaux, comme l'exigent les dispositions précitées ; que, par suite, M. X... est fondé à demander la décharge de la taxe syndicale à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1987 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 25 juin 1991 est annulé.
Article 2 - M. X... est déchargé de la taxe syndicale à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1987.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à l'Association Syndicale de Défense contre la mer de Jullouville-Nord et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.