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02/12/1992 | FRANCE | N°90NT00266

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 02 décembre 1992, 90NT00266


VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 28 mai et le 28 septembre 1990, présentés par M. Noël Y..., demeurant Les Grands Pays, à PONCE SUR LE LOIR (Sarthe) ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 1990 par lequel le Tribunal administratif de NANTES a rejeté en partie sa demande en décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1984 et du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 198

3 et 1984 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pé...

VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 28 mai et le 28 septembre 1990, présentés par M. Noël Y..., demeurant Les Grands Pays, à PONCE SUR LE LOIR (Sarthe) ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 1990 par lequel le Tribunal administratif de NANTES a rejeté en partie sa demande en décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1984 et du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1983 et 1984 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;
3°) de prononcer le remboursement des frais exposés ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1992 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- les observations de M. Y...,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision en date du 17 janvier 1991 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Sarthe a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 9 297 F, du complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1983 ; que les conclusions de la requête de M. Y... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la détermination des recettes de l'entreprise :
Considérant que pour rectifier d'office le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par M. Y..., qui exerce la profession de marchand ambulant à PONCE SUR LE LOIR (Sarthe), l'administration a ajouté aux recettes déclarées les remises faites aux dépositaires, qu'elle a considérées comme des commissions correspondant à une rétrocession de chiffre d'affaires, et les soldes des balances de trésorerie, qu'elle a regardés comme des recettes commerciales non déclarées ; que M. Y... conteste la qualification donnée aux remises et leur montant, ainsi que l'existence des soldes créditeurs des balances de trésorerie ;
En ce qui concerne les remises :
Considérant que, dès lors que les marchandises déposées auprès des détaillants restent la propriété de M. Y..., sont vendues au prix qu'il fixe et donnent lieu à des comptes rendus d'opérations matérialisés par des bordereaux, les remises accordées aux dépositaires constituent des commissions ; que, dès lors, les recettes effectivement réalisées par M. Y... sont celles qui correspondent au prix de vente total des marchandises, y compris la rémunération du dépositaire ;
Considérant que pour déterminer le montant des commissions, le vérificateur s'est borné à ajouter 25 % au chiffre d'affaires déclaré ; que, toutefois, M. Y... verse au dossier des bordereaux faisant mention de remises de 5 % et de ventes sans aucune remise ; que l'administration ne conteste ces documents que par des considérations de portée générale ; que, par suite, il convient de réduire les rehaussements de recettes retenus au titre des commissions de la différence existant entre le montant desdites commissions, tel qu'il a été déterminé par le vérificateur, et celui résultant des bordereaux faisant apparaître un taux de 5 % ou une absence de remise, soit une réduction en base de 7 532 F au titre de l'année 1983 et de 8 215 F au titre de l'année 1984 ;
En ce qui concerne le solde des balances de trésorerie :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'attestation du receveur des postes en date du 1er mars 1983 que M. Y... a obtenu à cette date le remboursement d'un bon du trésor d'un montant de 13 950 F ; que, toutefois, ladite attestation n'établit pas que ce bon aurait été acquis par lui antérieurement à la période d'imposition ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à demander que cette somme soit déduite de ses bases d'imposition de l'année 1983 ;

Considérant, d'autre part, que, s'agissant du prêt personnel qu'il invoque, M. Y..., en produisant des bordereaux de remises de chèques qui à l'exception du mois de mars 1984 concordent exactement avec l'échéancier des remboursements prévus, justifie de la réalité de ce prêt ; que, dès lors, les soldes créditeurs des balances de trésorerie des années 1983 et 1984 doivent être réduits d'une somme correspondant aux intérêts perçus par le contribuable que le vérificateur a refusé de prendre en compte, soit une réduction en base de 3 125 F au titre de l'année 1983 et de 4 125 F au titre de l'année 1984 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.75 du livre des procédures fiscales, alors en vigueur : POLICE "Les bénéfices ou les éléments qui servent au calcul des taxes sur le chiffre d'affaires déclarés par les contribuables, peuvent être rectifiés d'office dans les cas suivants :
a. En cas de défaut de présentation de la comptabilité ou des documents en tenant lieu ;
b. Lorsque des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées sont constatées dans la comptabilisation des opérations effectuées par les contribuables ;
c. Lorsque l'absence de pièces justificatives prive la comptabilité ou les documents en tenant lieu de toute valeur probante" ;
Considérant que si M. Y... conteste pour les années en litige le recours à la procédure de rectification d'office de ses bénéfices et des éléments servant au calcul des taxes sur son chiffre d'affaires, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il omettait de déclarer une partie de ses recettes ; que les recettes comptabilisées étaient enregistrées globalement en fin de semaine sans que fussent conservés des documents accessoires de nature à justifier de leur détail ; que dans ses écritures il ne faisait aucune distinction entre les opérations réglées en espèces et les opérations réglées par chèque ; que, dès lors, sa comptabilité, qui ne permettait pas de suivre de façon détaillée la totalité des recettes, était ainsi dépourvue de valeur probante ; que pour justifier sa manière de faire, le requérant ne peut invoquer sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales l'instruction administrative 4 G. 2334 du 23 février 1983, concernant la procédure d'imposition, qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale ; que si les dispositions de l'article 202 septies A ter A du code général des impôts autorisent les contribuables relevant d'un régime simplifié d'imposition a n'enregistrer journellement que le détail des encaissements et des paiements, elles ne sauraient les dispenser de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes portées en écritures dans les formes prévues audit article ; qu'enfin, le moyen tiré des conditions dans lesquelles l'administration est en droit de constater la caducité d'un forfait est inopérant s'agissant de la régularité de la procédure d'imposition menée à l'encontre d'un contribuable soumis à un régime réel d'imposition ;

Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, la notification de redressement en date du 9 octobre 1985 a été suffisamment motivée dès lors qu'en faisant clairement référence au défaut de comptabilisation des remises versées aux détaillants et en désignant ces dernières comme des "commissions", elle a mis le contribuable en mesure de contester la qualification donnée par le service aux sommes en cause, comme il l'a d'ailleurs fait dans sa réponse à l'administration ;
Considérant que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a rectifié d'office le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par M. Y... au cours des années 1983 et 1984 ; que, dès lors, il appartient au contribuable, conformément aux dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des évaluations de l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les prélèvements personnels :
Considérant que si M. Y... conteste le montant des prélèvements personnels de marchandises qui ont été réintégrés dans ses bases d'imposition par le service, il n'apporte aucun justificatif à l'appui de ses allégations ;
En ce qui concerne la déduction des commissions :
Considérant qu'aux termes de l'article 240-1 du code général des impôts : POLICE "Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres ..., doivent déclarer ces sommes ..." ; et qu'aux termes de l'article 238 du même code :POLICE "Les personnes physiques ... qui n'ont pas déclaré les sommes visées à l'article 240-1 premier alinéa, perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l'établissement de leurs propres impositions. Toutefois, cette sanction n'est pas applicable, en cas de première infraction, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite" ;
Considérant que M. Y... demande, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'interprétation de l'article 238 précité contenue dans une réponse ministérielle à M. X..., député, en date du 28 mai 1968, aux termes de laquelle : POLICE " ...il est admis que le délai prévu à l'article 238 du code général des impôts pour la réparation des omissions de déclaration des commissions, courtages, etc, ne doit pas être opposé, en cas de première infraction, lorsque le contribuable justifie, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises en temps opportun dans les propres déclarations de ces derniers. L'application de cette mesure de tempérament ... - ne saurait ... être refusée du seul fait que les sommes non déclarées ont été reçues par les bénéficiaires au cours d'une période prescrite ; mais elle demeure ... soumise à la condition que l'administration puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications" ;

Considérant que le requérant produit au dossier des attestations signées par des commerçants, indiquant leur nom et leur raison sociale, le montant des sommes perçues et l'année de leur déclaration ; que ces justifications, dont l'administration était en mesure de vérifier l'exactitude, nonobstant la circonstance, tenue pour indifférente par la réponse précitée, que certaines années pouvaient être prescrites aux dates auxquelles ont été établies les attestations, satisfont aux conditions posées par ladite réponse ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire le redressement afférent aux exercices 1983 et 1984 de sommes respectivement de 25 781 F et 24 139 F calculées après déduction des ventes à 5 % ou sans remise déjà prises en compte et des attestations correspondant à des opérations qui étaient comprises dans les précédentes ;
En ce qui concerne la réduction d'impôt pour frais de comptabilité :
Considérant que si aux termes de l'article 199 quater B du code général des impôts, une réduction d'impôt est accordée aux contribuables adhérents de centres de gestion agréés, c'est à la condition que leur chiffre d'affaires soit inférieur aux limites du forfait ; qu'en l'espèce, cette condition n'est pas remplie par M. Y... ; que, dès lors, sa demande tendant au maintien de cet avantage ne peut qu'être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir, par les moyens qu'il invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de NANTES a rejeté le surplus de ses demandes relatives aux impositions établies au titre des années 1983 et 1984 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux justifications produites, de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 15 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er - A concurrence de la somme de neuf mille deux cent quatre vingt dix sept francs (9 297 F), en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1983, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y....
Article 2 - Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. Y... au titre des années 1983 et 1984 sont réduites d'une somme respectivement de trente six mille quatre cent trente huit francs (36 438 F) et trente six mille quatre cent soixante dix neuf francs (36 479 F).
Article 3 - Il est accordé à M. Y... décharge des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 - Le jugement du Tribunal administratif de NANTES du 28 mars 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 - L'Etat (ministre du budget) versera à M. Y... une somme de quinze mille francs (15 000 F) au titre de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 7 - Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 90NT00266
Date de la décision : 02/12/1992
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - REDRESSEMENTS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL - RECTIFICATION ET TAXATION D'OFFICE.


Références :

CGI 202 septies, 240 par. 1, 238, 199 quater B
CGI Livre des procédures fiscales L75, L80 A, L193
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction 4G-2-83 du 23 février 1983


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: ISAIA
Rapporteur public ?: CHAMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1992-12-02;90nt00266 ?
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