VU le recours, enregistré au greffe de la Cour le 5 octobre 1990 sous le n° 90NT00542, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 7 juin 1990, par lequel le Tribunal administratif de Nantes a réduit les bases d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu de la somme de 36 558 F pour 1981, 33 503 F pour 1982, 15 238 F pour 1983 et 20 873 F pour 1984 ;
2°) de remettre à la charge de M. X... l'intégralité de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ; VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 1992 :
- le rapport de M. BRUEL, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant que M. X..., qui exploitait à titre individuel un commerce de brasserie-restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre des années 1981, 1982 et 1983, et d'un contrôle de la déclaration des résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1984 ; qu'à la suite de ces opérations, l'administration a réintégré dans les bénéfices commerciaux imposables au titre de chacun de ces exercices, les sommes respectives de 36 558 F, 33 503 F, 15 238 F et 20 873 F, correspondant à une fraction des intérêts de deux emprunts contractés par le requérant en 1977 et d'un troisième contracté en 1979 ; que ces intérêts ont été regardés comme imputables aux prélèvements excessifs que l'intéressé avait faits dans la caisse de l'entreprise et que révélait le solde débiteur de son compte personnel aux dates de clôture des exercices dont s'agit ; que le MINISTRE DU BUDGET fait appel du jugement, en date du 7 juin 1990, par lequel le Tribunal administratif de NANTES, après avoir réduit les bases d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu des sommes susvisées, lui a accordé décharge des droits et pénalités formant surtaxe à raison desdites réductions ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, le bénéfice net imposable "est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés" ; qu'aux termes de l'article 39-1 du même code : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges" ; que les charges financières supportées durant l'exercice sont au nombre de ces charges déductibles, mais à la condition d'avoir été effectivement exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;
Considérant que, dans une entreprise individuelle, le capital engagé dans l'entreprise est à tout moment égal au solde créditeur du compte personnel de l'exploitant ; que le compte de celui-ci doit, à la clôture de chaque exercice, être crédité ou débité des résultats bénéficiaires ou déficitaires et doit, en cours d'exercice, être crédité ou débité des suppléments d'apports ou des prélèvements effectués ; qu'aucune disposition législative n'oblige l'exploitant à faire des prélèvements à l'effet de maintenir engagé dans l'entreprise un capital minimum, les droits des créanciers étant garantis par la responsabilité personnelle et illimitée de l'exploitant à leur égard ; que, par suite, ne peuvent être regardés comme anormaux les prélèvements effectués par un exploitant sur son compte personnel tant que ce compte, crédité ou débité ainsi qu'il a été dit plus haut, présente un solde créditeur ; que si, au contraire, le solde ainsi calculé devient débiteur, ce qui signifie que l'exploitant alimente sa trésorerie privée au détriment de la trésorerie de l'entreprise, et si, par suite, l'entreprise doit, en raison de la situation de sa trésorerie, recourir à des emprunts ou à des découverts bancaires, les frais et charges correspondant à ces emprunts ou à ces découverts ne peuvent être regardés comme supportés dans l'intérêt de l'exploitant, et ne sont dès lors pas déductibles des bénéfices imposables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les constatations faites à l'occasion de la vérification de comptabilité et du contrôle de la déclaration des résultats de M. X... sont de nature à justifier les réintégrations opérées par l'administration si et dans la mesure où les emprunts qui ont entraîné les frais financiers litigieux sont la conséquence des prélèvements de l'exploitant ayant rendu, en 1981, 1982, 1983 et 1984, son compte personnel débiteur ;
Considérant qu'il est constant que les emprunts contractés par M. X... en 1977 et 1979, à une période où le compte de l'exploitant était constamment créditeur, étaient destinés à faire face à des investissements liés à la création, puis à l'extension de l'entreprise et non à compenser des difficultés de trésorerie imputables à l'exploitant ; que les charges financières afférentes à ces emprunts, supportées au cours de chacun des exercices 1981, 1982, 1983 et 1984, ont ainsi été exposées, non dans l'intérêt de M. X..., mais dans celui de l'entreprise ; que, par suite, les intérêts de ces emprunts étaient intégralement déductibles des bénéfices imposables des années considérées, en application des dispositions de l'article 39-1 précité du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de NANTES a accordé décharge à M. X... du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 à raison des redressements contestés ;
Article 1er - Le recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET et à M. X....