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05/02/1992 | FRANCE | N°89NT00595

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 05 février 1992, 89NT00595


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes, le 18 janvier 1989, sous le n° 89NT00595, présentée par M. Marcel Y..., demeurant ... ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 novembre 1988, par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978 et 1981 dans les rôles de la commune de Vertou ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été ass

orties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes, le 18 janvier 1989, sous le n° 89NT00595, présentée par M. Marcel Y..., demeurant ... ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 4 novembre 1988, par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978 et 1981 dans les rôles de la commune de Vertou ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 1992 :
- le rapport de M. Bruel, conseiller,
- et les conclusions de M. Lemai, commissaire du gouvernement,

Considérant que M. Y... a acquis, en 1968, un fonds de station-service et réparation d'automobiles sis à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique), au prix de 150 000 F ; qu'il a cédé ce fonds à la Société Vendéenne Ardennaise, par actes des 2 et 7 juillet 1976, moyennant le prix de 390 000 F ; que, par jugement du 10 octobre 1977, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé l'annulation de cette vente ; qu'à la suite d'un protocole d'accord intervenu le 26 avril 1978, M. Y... s'est désisté de l'appel qu'il avait formé contre ce jugement et a repris l'exploitation du fonds à la date du 2 mai 1978 ; que le 17 mars 1981, il a, à nouveau, vendu le fonds à M. X... qui l'exploitait en location-gérance depuis le 10 mars 1979, pour le prix de 320 000 F ;
Considérant qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1976, M. Y... a déclaré la plus-value dégagée lors de la première cession, soit la somme de 236 776 F, répartie en une plus-value à long terme sur les éléments incorporels, de 194 810 F, qui a été imposée au taux de 15 %, et une plus-value à court terme sur le matériel, de 41 966 F, qui a été incluse dans le bénéfice commercial de l'exercice ; qu'au titre de l'exercice ouvert le 1er janvier 1977 et clos le 31 mars 1978, il a provisionné une somme de 236 890 F pour perte de plus-value résultant de l'annulation judiciaire de la vente ; qu'au titre de l'exercice clos le 31 mars 1979, il a réinscrit le fonds de commerce à l'actif pour sa valeur d'acquisition en 1968, réintégré la provision de 236 890 F, déduit une perte de 237 049 F, et constitué une provision de 102 000 F pour dépréciation du fonds de commerce ; qu'enfin, au titre de l'exercice clos le 31 mars 1981, il a déclaré la plus-value dégagée par la seconde vente, soit 167 084 F, se décomposant entre une plus-value à long terme de 147 443 F et une plus-value à court terme de 19 641 F, réintégré dans les résultats imposables la provision de 102 000 F et déclaré le cinquième de ces sommes en application d'un étalement qu'il a lui-même opéré sur le fondement de l'article 163 du code général des impôts ;
Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 1978, à concurrence de 236 710 F, la provision de 236 890 F constituée par M. Y..., et après avoir procédé au décompte des plus ou moins-values découlant de la seconde cession du fonds et du matériel en retenant pour valeur d'origine leur prix de cession en 1976, a constaté, au titre de l'exercice clos le 31 mars 1981, une moins-value à long terme de 47 367 F et une moins-value à court terme de 3 415 F ; qu'elle a, en outre, remis en cause l'étalement antérieurement effectué et réintégré la totalité de la provision de 102 000 F devenue sans objet ; que le requérant, d'une part, conteste le rehaussement des résultats de l'année 1978, d'autre part, soutient qu'il est en droit de bénéficier de l'étalement des plus values constatées en 1981 augmentées de la provision de 102 000 F réintégrée et, par suite, d'une réduction de son imposition sur le revenu de l'année 1981 ;
En ce qui concerne l'année 1978 :
Sur la recevabilité :
Considérant que l'administration a soutenu devant les premiers juges que la réclamation de M. Y..., non signée, n'était pas recevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.200-2 du livre des procédures fiscales : "Les vices de forme prévus aux a, b et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. Il en est de même pour le défaut de signature de la réclamation lorsque l'administration a omis d'en demander la régularisation dans les conditions prévues au c du même article" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 21 octobre 1983, le directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique a informé M. Y... que la réclamation que celui-ci aurait formée antérieurement n'était pas parvenue au service ; que la photocopie de la réclamation adressée à l'administration, en réponse à cette correspondance, ne comportait pas la signature de son auteur ; que, toutefois, l'administration n'a pas invité le réclamant à régulariser ce vice de forme dans les conditions susmentionnées ; que, par suite, cette irrégularité a été couverte par la demande au tribunal, régulièrement signée par un avocat ;
Au fond :
Considérant que la résiliation judiciaire de la vente du fonds de commerce de M. Y..., intervenue après la clôture de l'exercice au cours duquel la vente a eu lieu, reste sans incidence sur les résultats de cet exercice ; que, cependant, M. Y... était fondé, par application des articles 38 et 39 du code général des impôts, à déduire de ses revenus imposables au titre de l'année au cours de laquelle la décision du tribunal judiciaire prononçant l'annulation de la vente est devenue définitive, une perte de la plus-value antérieurement réalisée ; qu'en l'espèce, l'annulation est devenue définitive lors de l'exercice clos en 1979, du fait du désistement de l'appel formé par M. Y... contre le jugement prononçant cette annulation ; que si les dispositions des articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts soumettent, par dérogation à l'article 38, les profits et pertes provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé à un régime spécial d'imposition aux conditions particulières qu'elles définissent, elles ne prévoient aucun régime spécifique pour le cas des cessions ultérieurement annulées ; que, dans ces circonstances, seules les dispositions de l'article 38 doivent trouver application ; qu'il s'ensuit que M. Y... était tenu de tirer les conséquences de la résiliation en inscrivant à l'actif de son bilan, pour la valeur qui était la sienne avant la cession réputée n'être jamais intervenue, le fonds de commerce qu'il avait acquis en 1968 et en comptabilisant la restitution à la société Vendéenne Ardennaise de la somme qui avait été versée pour le prix de ce fonds ; que cette opération ayant eu pour effet de diminuer l'actif net de l'entreprise, M. Y... était fondé à constater cette perte en 1979 et donc à comptabiliser une provision d'égal montant, au titre de l'exercice clos le 31 mars 1978, dès l'intervention de la décision judiciaire qui, bien que non définitive en raison de l'exercice d'un recours en appel, rendait probable la perte de plus-value ; qu'ainsi, l'administration a réintégré à tort dans les résultats de cet exercice la provision litigieuse ;

En ce qui concerne l'année 1981 :
Considérant qu'il est constant que le montant de la provision pour dépréciation de ce fonds devenue sans objet et réintégrée aux résultats de l'exercice 1981, est inférieur à la moyenne des revenus nets des trois années antérieures ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, M. Y... n'est, en tout état de cause, pas fondé à demander le bénéfice de l'étalement des revenus exceptionnels prévu par l'article 163 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté en totalité sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, ministre chargé du budget, à verser à M. Y... la somme de 3 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 4 novembre 1988 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. Y... relatives à l'année 1978.
Article 2 - Les résultats de l'exercice clos le 31 mars 1978 sont réduits d'une somme de deux cent trente six mille sept cent dix francs (236 710 F).
Article 3 - Il est accordé à M. Y... la décharge de la différence entre l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1978 et celui qui résulte de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 - L'Etat (ministre délégué au budget) est condamné à verser à M. Y... la somme de trois mille francs (3 000 F) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 5 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89NT00595
Date de la décision : 05/02/1992
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - THEORIE DU BILAN - ACTIF SOCIAL - Pertes - Conséquences de la résiliation judiciaire d'une vente de fonds de commerce.

19-04-02-01-03-01-01, 19-04-02-01-03-03 Dans le cas où la cession d'un fonds de commerce ayant entraîné des plus-values à long terme et à court terme est résiliée ultérieurement par une décision de justice, le contribuable est tenu d'inscrire à l'actif de son bilan le fonds de commerce pour la valeur qui était la sienne avant la cession réputée ne pas être intervenue et de comptabiliser la somme restituée à l'acquéreur. Ces opérations, qui ont pour effet de provoquer une diminution de l'actif net de l'entreprise et donc du bénéfice imposable, lui permettent de constater une perte, directement déductible des bénéfices de l'exercice au cours duquel la résiliation est devenue définitive, par application de l'article 38 du code général des impôts, dès lors que, si les dispositions des articles 39 duodecies et suivants du même code soumettent, par dérogation à l'article 38, les profits et pertes provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé à un régime spécial d'imposition aux conditions particulières qu'elles définissent, elles ne prévoient aucun régime spécifique pour le cas de cessions ultérieurement annulées et ne sont donc pas applicables à une telle situation.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION - Annulation judiciaire d'une cession de fonds de commerce - Conséquences sur le bénéfice imposable.


Références :

CGI 163, 38, 39, 39 duodecies
CGI Livre des procédures fiscales R200-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Megier
Rapporteur ?: M. Bruel
Rapporteur public ?: M. Lemai

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1992-02-05;89nt00595 ?
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